[DOSSIER] Enseignement : les enjeux de la reprise

Quelque 5 000 élèves du secondaire et du primaire sont concernés par les dégradations qui ont touché une trentaine d’établissements scolaires. Les collectivités travaillent à trouver une place pour chacun à la rentrée, lundi 17 juin, et, surtout, à prendre en compte les « impacts psychologiques majeurs » de la crise sur les enseignants, les enfants et les familles.

♦ BILAN MATÉRIEL EN COURS

« Les dégâts sont considérables », introduit Isabelle Champmoreau, membre du gouvernement en charge de l’enseignement, évoquant à la fois le public et le privé, même si le bilan restait non « exhaustif » et « en cours d’évaluation » vendredi 24 mai, l’ensemble des sites n’étant pas encore accessibles.

Une vingtaine d’écoles sont « très dégradées », notamment sur Nouméa : Gustave Lods et Les Orchidées à Logicoop, Les Pervenches à Portes-de-Fer, etc. Une dizaine d’établissements du secondaire sont « totalement détériorés » sur le Grand Nouméa : le lycée Petro Attiti à Rivière-Salée, qui accueille 780 adolescents environ normalement, les collèges de Kaméré, d’Auteuil et de Boulari, ou « partiellement abîmés », ceux de Portes-de- Fer, Tuband, Rivière-Salée, Dumbéa-sur-Mer et Saint-Pierre Chanel de la Ddec (Direction diocésaine de l’enseignement catholique) au Mont-Dore.

♦ DIFFICULTÉ DE SCOLARISATION

Cette situation va affecter la scolarisation d’environ 4 000 élèves dans le secondaire et 1 000 dans le primaire. « Nous procédons à un inventaire sur l’agglomération pour voir là où nous pouvons les transférer, développe Isabelle Champmoreau. Nous analysons la situation très finement et allons être très prudents en fonction des âges, du quartier d’origine, de la nécessité de transport, etc. » A priori, tous devraient obtenir une place. « Nous sommes assez positifs, car des collèges ont des capacités d’accueil qui vont nous permettre de nous réorganiser dans les meilleurs délais. » Les écoles élémentaires qui avaient fermé dans certaines zones faute d’effectifs suffisants pourraient aussi « servir à rouvrir des centres d’enseignement ».

Par ailleurs, une adaptation des emplois du temps est envisagée. « Nous préparons différentes modalités. » Le cas du lycée professionnel Petro Attiti reste le plus complexe, précise le vice-recteur, Didier Vin-Datiche. « Nous avons commencé à chercher de la place sur des formations similaires. »

L’ambition est d’éviter au maximum la déscolarisation, note la vice-présidente du gouvernement, qui plaide pour un retour de tous en classe. « Nous sommes dans un état de sidération, c’est difficile de se projeter sur une éventuelle reprise, mais il faut que les enfants reviennent le plus vite possible. Ils seront accompagnés. »

♦ TRAUMATISME PSYCHOLOGIQUE

C’est ce qui devrait être le plus compliqué à gérer : l’aspect psychologique, que ce soit chez le personnel ou les familles. « Il faudra tenir compte de l’impact majeur de ces évènements. » Un travail spécifique est mené afin d’encadrer au mieux la rentrée. « Il peut y avoir, au même endroit, des élèves et des personnels victimes et d’autres qui ont pu participer à des exactions sur le terrain. Il est de notre responsabilité de ne pas le nier pour que cela se fasse dans les meilleures conditions. On veut anticiper d’éventuelles difficultés. »

Pour ce faire, plusieurs outils sont élaborés : foire aux questions, révision des protocoles d’accueil avec les inspecteurs, les directeurs, les enseignants, intervention de psychologues, collaboration avec des « professionnels du coaching pour voir comment on se remet en équipe ». Cela doit permettre « que la communauté éducative ait un discours cohérent » et que les professeurs apportent les réponses les plus appropriées. « Il y a des sujets très sensibles qu’il va falloir évoquer avec beaucoup de précaution et de tact », précise Romain Capron, directeur de l’enseignement primaire au gouvernement. L’objectif ? Que « le vivre ensemble se reconstruise petit à petit ».

Une salle de classe de l’école maternelle Les Orchidées, à Logicoop. (© A.-C.P.)

♦ ORGANISATION DE LA REPRISE

Pour l’instant, le calendrier scolaire reste inchangé. Entre les dommages matériels, les problèmes d’approvisionnement (alimentaires, carburant), de transport scolaire et de transfert, les conditions n’étaient pas réunies pour une reprise lundi 26 mai. Les équipes travaillent « d’arrache-pied » pour que la rentrée ait bien lieu lundi 17 juin, après les deux semaines de vacances. La priorité est donnée aux classes à examen, troisième, première et terminale, « pour ne pas qu’ils soient pénalisés ».

L’enseignement professionnel fait également l’objet d’une attention particulière, car avec la détérioration de Petro Attiti, « nous aurons des problèmes d’accès aux plateaux techniques et aux stages », « il va falloir remodeler nos formations ». En termes d’effectifs, les enseignants remplaçants ainsi que ceux en formation seront appelés en renfort.

♦ RECONSTRUCTION

Un « dialogue » est en cours avec l’État. Une aide a été sollicitée, la volonté étant de « rapidement rentrer dans une phase de réparation et de reconstruction ». Le gouvernement est chargé d’établir un bilan très précis et de le transmettre à l’État. « Il faudra une stratégie et une planification cohérente. Pour qu’un établissement sorte de terre, c’est entre trois et cinq ans. »

♦ ET À L’UNIVERSITÉ…

Les campus de Nouville et Baco sont fermés, mais la continuité pédagogique est assurée. Les semestres diplômants sont « la priorité », insiste Catherine Ris, la présidente, notamment pour les licences, qui se terminent en juin. Afin de finir l’année « le plus sereinement possible », le contrôle des connaissances, les calendriers et des maquettes de formation ont été adaptés. Un soutien psychologique, à travers une cellule d’écoute, est disponible pour le personnel et les étudiants, qui peuvent bénéficier de consultations téléphoniques gratuites.

Là aussi, un travail sur la préparation au retour est engagé. « Un temps de parole, d’échange, de partage, de médiation » est prévu, « pour remettre les étudiants dans une dynamique commune ». « L’université, c’est le lieu du vivre ensemble, près de 4 000 étudiants s’y côtoient. C’est quelques chose de très précieux pour la Nouvelle-Calédonie, estime Catherine Ris, et nous tenons à le préserver. L’UNC a un rôle important à jouer dans la reconstruction sociale du pays. »

Anne-Claire Pophillat