Il est désormais difficile de fermer les yeux sur le phénomène. Sur les réseaux sociaux, lors de discussions, parfois dans la rue… La fracture sociale se fait davantage sentir depuis le 13 mai 2024.
Dans son précédent numéro, DNC mettait en évidence les conséquences économiques des émeutes ainsi que leur traitement judiciaire durant les douze derniers mois. Outre ces deux aspects, les émeutes ont également accentué les inégalités et difficultés sociales. De nombreuses structures et entreprises ont été incendiées, faisant bondir le taux de chômage. Des conséquences en cascade s’en sont suivies : difficultés à payer son loyer et ses charges, à se nourrir et à retrouver du travail.
Les chiffres sont parlants : entre mai et décembre 2024, le pôle social de la DPASS – qui a mis en place un numéro vert dans les jours suivant les émeutes – a reçu 9 300 appels, soit 1 150 par mois. De familles bénéficiant déjà d’un suivi, mais aussi de nouvelles personnes. Les demandes portent principalement sur le logement, l’alimentaire, les difficultés financières et le règlement de factures, mais également, « et il y en a plus qu’auparavant sur l’emploi », explique Denis Bréant, chef de service de l’action sociale de la DPASS.
Des actions solidaires ont vu le jour avec la formation d’associations distribuant des paniers alimentaires ou des vêtements. Témoin de l’augmentation de la précarité dans son quartier de Rivière-Salée, Francis Maluia, président de Solidarité RS, évoque une « évolution » dans les problématiques rencontrées par les populations. « Aujourd’hui, on n’est plus uniquement sur des demandes alimentaires. Parce qu’ils ont perdu leur travail ou n’ont plus les moyens de se déplacer en bus, beaucoup ont du mal à payer leur loyer. Ainsi, nous avons eu des cas où les familles ont dû quitter leur logement, car elles n’étaient plus en mesure de le payer et ont dû vivre dans leur voiture », rapporte celui-ci.
L’UN À CÔTÉ DE L’AUTRE
Faute de budget, la province Sud a revu les conditions d’accès aux logements sociaux et aux bourses, exigeant une durée de résidence de dix ans sur son sol. Mesure d’« apartheid » pour certains élus, résultat d’un « budget d’économie de guerre » engendré par les émeutes pour la présidente de la province Sud Sonia Backès. Cette réforme aura, en tout cas, fait grand bruit.
En société ou sur les réseaux sociaux, les relations entre individus de bords politiques distincts se sont durcies. Le 13 mai a mis en exergue, de part et d’autre, un racisme et une haine de l’autre camouflés jusqu’alors. Face au racisme anti-« blancs » exacerbé pendant les émeutes, certains, comme l’USTKE, dénoncent aujourd’hui une augmentation des discriminations à l’embauche à l’encontre des kanak. « On a affaire à amalgame et un racisme anti-Kanak qui se traduit, par exemple, par des sanctions revanchardes avec des patrons qui ont des propos désobligeants comme : ‘’si vous n’êtes pas contents, allez voir la CCAT !’’ », décrit sa présidente, Mélanie Atapo.
Par ailleurs, selon elle, « les demandes de stage des enfants kanak sont refusés. Parce que, selon certaines directions, ‘’ils vont entrer dans nos entreprises et les brûler’’ ! », s’exaspère celle-ci, appelant au « pari de l’intelligence » afin de « ne pas récréer les problèmes qui nous ont menés au 13 mai ».
N.H