[DOSSIER] Économie : le grand chantier

Séverine Blaise questionne le découpage par thématique du plan S2R, qui ne permet pas de considérer leurs interactions. Selon elle, l’économique devrait être subordonné au social, et le social à un projet de société, dont devrait résulter l’architecture institutionnelle. (© Archives A.-C.P.)

Le système économique n’a pas produit les effets escomptés. Si « des progrès ont été réalisés en termes de rééquilibrage », de fortes inégalités persistent, auxquelles le futur projet de société devra s’attaquer.

C’est le modèle de développement poursuivi et la structure même de l’économie qui posent problème, héritière d’un fonctionnement de comptoir colonial, entretenant « de fortes dépendances et les mécanismes sous-jacents à la cherté de la vie », analyse Séverine Blaise, maîtresse de conférences en économie politique à l’Université de la Nouvelle-Calédonie. En conséquence, si « des progrès ont été réalisés en termes de rééquilibrage, les populations océaniennes restent marginalisées ».

En vue de répondre à ces échecs et aux difficultés rencontrées, la première étape consisterait à définir un projet de société, considère Séverine Blaise, dont découleraient les orientations en termes de politique économique. Le cadre ? Un développement plus soutenable reposant, en partie, sur les fondements de l’économie sociale et solidaire ainsi que sur la valorisation du patrimoine. Également, « la question de la place de l’économie domestique kanak dans le mode de répartition de la richesse mérite d’être discutée ». La priorité ? La poursuite d’objectifs de « justice sociale et de réduction des inégalités, de renforcement de la protection sociale et des mécanismes de solidarité ».

De ces principes, la chercheuse retient plusieurs urgences : l’amélioration du bien-être des populations, qu’il passe par la santé, un système éducatif plus adapté ou le pouvoir d’achat, la diminution des dépendances alimentaire, énergétique et financière, et l’accélération de l’adaptation au changement climatique. De potentiels leviers de diversification de l’économie à approfondir.

Il en existe d’autres, à l’image de l’agriculture. La filière « revêt une grande importance par les effets d’entraînement qu’elle génère sur les autres secteurs », via notamment les activités de transformation. Enfin, poursuit Séverine Blaise, dans la lignée du protocole de Bercy, une stratégie nickel pays doit être adoptée et les dispositifs de captation de la rente améliorés.

RÉFORMER LA FISCALITÉ

En vue d’atteindre ces objectifs, la réforme de la fiscalité constitue un enjeu central. « Il paraît urgent de la mener à son terme », insiste la professeure. Et en particulier, la fiscalité directe, précise-t-elle, c’est-à-dire celle prélevée sur les revenus, le patrimoine, etc., « plus redistributive que la fiscalité indirecte », c’est-à-dire les taxes comme la TGC. Séverine Blaise propose d’autres mesures, telles qu’un impôt sur la fortune, une meilleure progressivité des prélèvements, la taxation du capital, etc.

Concernant la vie chère, un des sujets les plus importants pour les Calédoniens, l’action implique un effet sur la fiscalité et « l’efficacité des protections douanières, la régulation publique et les structures de marché (réglementation de l’urbanisme commercial, lutte contre les pratiques anticoncurrentielles, etc.), et le renforcement des moyens disponibles pour le contrôle des prix et des marges ». Autre piste : augmenter les moyens de lutte contre l’évasion fiscale.

A.-C.P.