Lors des émeutes de 2024, la zone de Ducos avait été lourdement touchée, avec 147 entreprises détruites. Alors qu’un bon nombre d’entre elles ont été démolies ces derniers mois, la reconstruction, elle, se fait attendre.
Un an après les exactions qui l’ont mise à sac, la zone industrielle de Ducos semble, en apparence, avoir retrouvé un regain d’activité. Les voitures y circulent sans interruption et la majorité des commerces et entreprises sont ouverts à la clientèle.
Installé depuis plus de cinquante ans dans le quartier, Philippe Teyssier l’assure pourtant : « C’est morose ». Depuis mai 2024, le cogérant de la Maison du radiateur a vu la fréquentation de son commerce chuter, en même temps que son chiffre d’affaires. « Les gens sont en plein marasme, donc ils ne consomment plus », regrette-t-il.
Si cette situation peut être observée dans d’autres zones du territoire, elle est sans doute « plus significative » à Ducos, explique le président de la CCI, David Guyenne.
Car le quartier concentre « les secteurs les plus fragiles du tissu économique actuel ». Le bâtiment, pénalisé par le manque de construction, est en attente d’une phase de reconstruction. Le secteur artisanal, qui gravite souvent autour du BTP et de la maintenance industrielle, est aussi dépendante du monde du nickel. L’automobile pour sa part a vu ses ventes chuter de 60 %.
SUR LE QUI-VIVE
Une analyse que confirme le responsable de Socafer, fournisseur de matériaux de construction à base d’acier, Cyril Brinon. « Aujourd’hui, il n’y a rien qui se construit. Les maisons neuves, grâce auxquelles on pouvait vendre des tubes de charpente, il n’y en a plus. Avant, une grosse partie de notre clientèle était des sociétés de maintenance industrielle, qui n’ont plus de travail aujourd’hui. De même, on avait des artisans qui réalisaient des clôtures, des extensions de terrasse, etc. Or, le particulier aujourd’hui, il n’investit plus », décrit-il. Résultat, s’il n’a pas touché à sa masse salariale, le gérant d’entreprise doit composer avec une perte de chiffre d’affaires de 40 % par rapport à une année « normale ».
Albert*, gérant d’une entreprise spécialisée dans la vente d’équipements divers (bâtiment, jardinerie, industrie) rapporte la même problématique. Alors que son entreprise a été incendiée durant les émeutes, il a choisi de s’installer dans de nouveaux locaux, toujours à Ducos. Malheureusement, son chiffre d’affaires ne décolle pas. « Tous les mois, je perds de l’argent, entre sept et huit millions de francs », déplore-t-il.
Seule solution pour beaucoup d’entre eux : que la reconstruction soit lancée. En attendant, les entrepreneurs naviguent « dans le flou » avec la peur de devoir, à terme, fermer leur entreprise. « On a espoir que ça se relance, mais on ne sait pas quand cela va arriver et on ne sait pas si on arrivera à tenir pour la voir, cette reconstruction », explique Cyril Brinon.
« Si ça continue, à un moment, je vais me poser la question de fermer, exprime pour sa part Albert*. Pour l’instant on a les assureurs qui sont là donc on essaie de faire le dos rond, mais ça ne va pas durer. »
TENTATIVES D’EFFRACTION
Les entrepreneurs ayant subi la destruction de leur société semblent frileux à reconstruire. En cause : l’instabilité politique et le « manque de sécurité ». « Il y a des entrepreneurs qui ne reconstruisent pas, car même avec les assurances, ça va leur coûter, et parce qu’ils n’ont pas la certitude que ça ne va pas de nouveau exploser dans six mois », partage Cyril Brinon.
Depuis les émeutes, des entreprises de Ducos se sont par ailleurs mutualisées au sein de l’Association de développement des entreprises de Ducos (Aded), afin de financer un service de rondes, la nuit. S’il y a moins de départs de feu, aujourd’hui encore, « on a régulièrement des tentatives d’effraction », révèle l’un de ses membres. « La journée, c’est revenu à la normale, mais la nuit, ce n’est pas encore ça », ajoute sa présidente. Heureusement, la présence de rondiers a « un fort pouvoir dissuasif ».
*Le prénom a été modifié
Nikita Hoffmann