[DOSSIER] Ducos, un poumon économique à la santé précaire

Le paysage de la presqu’île est toujours marqué par les bâtiments brûlés en attente de démolition.(@ F.D.)

Plus d’une centaine d’entreprises se sont déclarées sinistrées à Ducos, la plus grande zone industrielle et commerciale du pays. Son diagnostic reste préoccupant.

Le secteur voit petit à petit disparaître les ruines noircies des entreprises incendiées lors des émeutes. De grands espaces vides apparaissent, situation inédite dans une zone industrielle et commerciale qui souffrait jusque-là d’un manque de place. Quand le vent se lève, une odeur de cendre envahit les narines des salariés, des clients et des habitants. En plusieurs endroits, les courses se font avec, en fond sonore, le grincement des pelles ramassant tôles et gravats des bâtiments en cours de démolition. Des bouquets rappellent que trois personnes y ont perdu la vie.

Le quartier change, malgré lui. Son aménagement a commencé à partir de 1950 et s’est accéléré pendant le boom du nickel de la fin des années 1960. En l’espace de quelques décennies, Ducos est devenu le « poumon économique » de la Nouvelle-Calédonie, regroupant une multitude d’industriels, d’artisans, de commerces et de services.

Selon l’Isee, Institut de la statistique et des études économiques, près de deux mille entreprises sont installées juste sur la zone industrielle. 148 d’entre elles se sont déclarées sinistrées auprès de la Chambre de commerce et d’industrie. D’autres zones d’activité ont été touchées : Numbo, Normandie et Doniambo. Mais aucune n’a la taille ni le poids de Ducos, qui a été gravement atteint.

« Aujourd’hui, la morosité, pour ne pas dire plus, est de mise chez les chefs d’entreprise, avec ce petit ressenti d’avoir très largement été abandonné les premières semaines des émeutes », souligne Stéphane Yoteau, entrepreneur à Ducos et vice-président à la CCI-NC chargé du secteur du BTP et de la simplification.

Avant le mois de mai, le quartier était animé d’un défilé quotidien de plus de 65 000 véhicules. « On voit que la circulation est beaucoup plus légère et dans les restaurants, il y a souvent de la place. Des petits signes montrent qu’il y a moins de monde », observe l’élu consulaire.

Après les impressionnants incendies d’entreprises et de commerces, un autre feu couve sous les cendres, plus insidieux et aux effets encore inconnus : le ralentissement économique. « L’économie n’est pas arrêtée, mais elle est énormément diminuée », reconnaît Marie-Laurent Le Panse, vice-président du secteur artisanat à la Confédération des petites et moyennes entreprises, la CPME-NC.

Délais des assurances, baisse des commandes, secteur minier en berne… Des situations difficiles augmentant le nombre de chômeurs et la précarité. « On est obligé de licencier, de réduire nos charges… On est actuellement en mode survie », regrette Stéphane Yoteau. « Pour toutes les entreprises qui sont bien implantées, on va faire la boule, on va résister pour repartir l’année prochaine », croit Marie-Laurent Le Panse, menuisier ébéniste à Ducos depuis 35 ans.

Face à l’incertitude, les entrepreneurs et les salariés espèrent une amélioration de la sécurité et un accord politique, gage de stabilité, avant d’imaginer un nouveau développement économique. Autant de remèdes pour conduire le « poumon économique » sur la voie de la guérison.

Fabien Dubedout