La mesure, autant radicale que brutale, « tombe un peu comme la foudre », compare un économiste à Nouméa. Le 2 avril, le président des États-Unis, Donald Trump, dévoile une liste de 185 pays partenaires commerciaux frappés de surtaxes douanières.
Une semaine plus tard, le locataire milliardaire de la Maison-Blanche fait marche arrière et suspend l’instauration de ses taxes pour 90 jours. Seule la Chine reste dans le viseur, avec de nouveaux droits de douane allant jusqu’à 145 %. Ce qui déclenche une riposte de Pékin avec l’instauration d’un + 125 % sur les produits américains.
Les cours de la Bourse et les marchés sont en ébullition. La croissance mondiale ralentit, « ce n’est pas seulement la hausse de ces taxes qui entraîne le ralentissement, mais l’incertitude », a expliqué, mardi 22 avril, Pierre-Olivier Gourinchas, chef économiste du Fonds monétaire international, dans un entretien au Monde. « Des annonces ont été suspendues, des négociations bilatérales ont commencé sans qu’on connaisse les résultats […]. Les entreprises reportent donc leurs investissements en attendant de décider où développer leurs marchés, où s’approvisionner. »
Alors que ses voisins figuraient dans la fameuse liste – Australie et Nouvelle-Zélande, 10 % ; Vanuatu, 22 % ; Fidji, 32 % – tout comme les territoires d’outre-mer – Polynésie française, 10 % ; La Réunion, 37 % ; Saint-Pierre-et-Miquelon, 50 % – la Nouvelle-Calédonie était et est toujours épargnée.
Il faut dire que les flux entre le Caillou et les États-Unis sont modestes. La balance des transactions courantes, qui traduit la différence entre les exportations et les importations, est très largement déficitaire en faveur des États-Unis. Ce pays d’ailleurs n’occupe qu’une part assez faible des échanges calédoniens de biens et de services avec le reste du monde, selon l’Institut d’émission d’outre-mer : 36,6 milliards de francs en 2023, soit 3,7 % du total des échanges. Plus précisément, Oncle Sam siège à la cinquième place en termes d’importations de biens (4 % de nos importations), loin derrière la France, l’Australie, Singapour et la Chine. Ce qui expliquerait peut être l’oubli.
Liste de 60 produits
Cette absence au tableau fièrement présenté par Donald Trump n’interdit pas pour autant de futures répercussions sur le territoire. « Pour le moment, il n’y a pas d’annonces d’augmentation tarifaire, observe Laurent Vircondelet, président de la Fédération du commerce et du Syndicat des importateurs et des distributeurs (SID-NC). Nous allons voir ensuite comment les compagnies maritimes vont se comporter. »
Tant en provenance de l’Asie que de l’Europe. Le prix des produits de la grande distribution est négocié en début d’année, dès lors « il faudrait un crash énorme pour qu’il y ait des augmentations ». La question sensible de la cherté de la vie ainsi que des pratiques commerciales et industrielles est passée actuellement sous la loupe des autorités.
Laurent Vircondelet et les adhérents du SID-NC ont remis la semaine dernière une liste de 60 produits « de marque » à tarif fixe de vente, tel qu’organisé à travers l’ancien « bouclier qualité-prix » (BQP), à Christopher Gygès, membre du gouvernement en charge de l’économie. La demande portait sur 120 articles. Mais « nous ne pouvons pas » atteindre ce niveau, estime le président du syndicat. « Ce serait vendre à perte. »
Économistes, chefs d’entreprise et politiques calédoniens pensent à un risque évident : importer l’inflation à travers les produits européens, australiens ou encore néo-zélandais affectés eux par la hausse des droits de douane. La crainte d’un effet par contagion, l’économie de la Nouvelle-Calédonie étant très portée sur l’importation de biens. Ce qui pourrait compliquer la relance post-émeutes. « Il faut avoir ce point en tête », affirmait il y a peu à Nouméa Hervé Mariton, ancien ministre et président de la Fédération des entreprises d’Outre-mer (Fedom). L’analyse de secteurs clés est éclairante.
Y.M.