On les croise quotidiennement, sur la route pour le travail ou les courses. Ces visages presque familiers, abîmés par la vie et bien souvent l’alcool. On s’interroge : que s’est-il passé dans leur parcours pour qu’ils se trouvent ainsi en marge de la société ? Pourquoi ne parviennent-ils pas à la réintégrer ? Pourquoi n’arrive-t-on pas à les aider ? Pourquoi est-il parfois plus simple de détourner un regard… Comme toute capitale, Nouméa concentre les sans domicile fixe du territoire. C’est là que l’on trouve les commerces, les associations et les centres d’accueil, où l’on peut espérer obtenir des denrées, de l’eau. Mais aussi des abris. Et une opportunité peut-être de rester anonyme pour ces gens qui parfois viennent du nord et des îles. Pour certains, expulsés des tribus. On trouve toutes les ethnies bien sûr, et de multiples profils.
L’association L’Accueil observe une augmentation constante du phénomène : 500 sans-abri en 2018, 600 en 2020. Il y en aurait plus de 700 aujourd’hui selon l’association Un sandwich pour autrui, 1 000 d’après les estimations de la ville. Manuel Valls, le ministre des Outre-mer, a évoqué une « explosion » de leur nombre dans son dernier JT, avant de quitter la Nouvelle-Calédonie, prenant le sujet au sérieux.
Le phénomène se serait accru avec les émeutes et transformé avec davantage de jeunes, de filles et d’agressivité aussi, selon la police qui y consacre de plus en plus de temps. La mairie de Nouméa, « dépassée », va engager un recensement. Elle cherche des soutiens auprès du gouvernement local en charge des affaires sanitaires. Les structures qu’elle subventionne par le biais de l’associatif ne sont pas appropriées pour les gens addicts ou atteints de troubles de la santé mentale.
Ces personnes sont de plus en plus mal en point, notent les bénévoles. En 2020, selon l’Isee, 19 % de la population vivait déjà sous le seuil de pauvreté, soit 51 000 Calédoniens. En 2023, le Conseil économique, social et environnemental avait formulé un vœu au sujet des personnes marginalisées dans le cadre d’une autosaisine avec une série de recommandations pour accueillir, soigner, accompagner, éviter l’errance des mineurs. L’idée est de prendre le sujet à bras-le-corps, sachant que la crise sociale se manifeste par l’absence grandissante de logements et d’emplois et pourrait projeter d’autres personnes à la rue.