[DOSSIER] Des discussions, et après ?

Manuel Valls, Éric Thiers, Virginie Ruffenach et Victor Tutugoro au premier jour des échanges, mercredi 26 février. © F.D.

Au terme d’une semaine en Nouvelle-Calédonie, du 22 février au 1er mars, Manuel Valls, ministre des Outre-mer, a réussi à mettre tous les partenaires calédoniens d’accord sur au moins un point : sa méthode fonctionne. À la sortie de la dernière réunion plénière, Nicolas Metzdorf, Sonia Backès et Virginie Ruffenach ont tous « salué » sa façon de faire, tandis qu’Emmanuel Tjibaou l’a « appréciée ».
Pour la première fois depuis la troisième consultation d’autodétermination, en 2021, tous les partenaires étaient autour d’une même table. Ce que n’a pas réussi à faire Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, au terme de huit visites sur le territoire. François-Noël Buffet, son successeur, n’a guère eu le temps de mettre en œuvre une méthodologie au sein de l’éphémère gouvernement Barnier. L’approche de Manuel Valls s’est avérée totalement différente. « Il fonctionne à un rythme soutenu sans pour autant mettre de pression », résume le député Nicolas Metzdorf.
Le ministre d’État a choisi de « créer les conditions de la confiance », comme il l’a confié lors d’une ultime conférence de presse à Nouméa. Afin de créer « un climat d’écoute » qu’il souhaite « sincère » et « transparent », il a d’abord opté pour un format bilatéral à Paris début février.
En Nouvelle-Calédonie, Manuel Valls a entamé son séjour par des étapes symboliques, mais révélatrices de sa volonté de suivre les pas de Michel Rocard et Lionel Jospin : double hommage à Ouvéa, recueillement sur les tombes de Jean-Marie Tjibaou et de Jacques Lafleur…
À Nouméa, l’ancien Premier ministre a alterné les réunions bilatérales et les plénières. « C’était important que les leaders indépendantistes entendent ce que les responsables non indépendantistes disaient sur le sentiment de peur qui s’est emparé d’une partie de la population. Et c’était important aussi que ces derniers
entendent que la décolonisation n’est pas terminée », a-t-il insisté.

UN DOCUMENT DE TRAVAIL
Cette séquence était une phase de « discussion », et non de négociation. À l’issue, Manuel Valls a proposé un document, intitulé Orientations présentées par le gouvernement après les réunions de Nouméa, qui regroupe les hypothèses formulées par les délégations autour de trois thématiques.
« Cet espace de dialogue a été ouvert, maintenant il faut aller plus loin et bâtir un compromis politique », estime le ministre dont le départ n’est pas pour autant une mise entre parenthèses. « L’idée est de battre le fer et de revenir avec un travail qui sera nourri de ces 15 jours », assure Éric Thiers, conseiller spécial du Premier ministre.
Le retour de Manuel Valls reste à définir, même si la date du 21 mars est aujourd’hui avancée. Les délégations calédoniennes ont commencé à faire leurs analyses auprès de leur base, laissant déjà entrevoir quelques fissures dans la concorde affichée au sortir des discus- sions. Du côté de l’État, le travail continue également. « Il y a des choses à instruire, à construire, à réfléchir », souligne Éric Thiers. Une inconnue persiste, l’État aura- t-il lui-même des propositions à formuler ? Manuel Valls l’a répété : la situation nécessite qu’il faudra être « innovant ». « On a des idées, mais on ne les a pas dévoilées », a-t-il lâché.
Sa prochaine visite sera-t-elle pour autant une période de négociation, voire de mise en place d’un nouvel accord ? Malgré cette première étape réussie, le consensus semble encore difficile avec des positions opposées, notamment sur le corps électoral et le périmètre de la « complète émancipation », et des points non abordés, particulièrement le sort des prisonniers dits « politiques » par les indépendantistes. « La mission est quasiment impossible. Mais, si quelqu’un peut la réussir, c’est lui », a déclaré dans un communiqué Philippe Gomès. Reste à savoir dans quel état d’esprit seront les partenaires à son retour.

F.D.

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