EXCLUSIVITÉ. L’histoire est méconnue, pour ne pas dire ignorée des historiens. Les Calédoniens Jean Pinelli et Déménic Palane, Drehu de la tribu de Thuahaick, ont participé le 6 juin 1944 à la célèbre opération du débarquement en Normandie.
Overlord. Huit lettres pour désigner une opération d’envergure internationale dont le premier acte représente la plus grande intervention militaire de tous les temps : le débarquement de Normandie le 6 juin 1944, décidé par le Premier ministre britannique Winston Churchill et le président américain Franklin Roosevelt dès 1943.
Ce mouvement, à la fois maritime, aérien et terrestre, qui vise à percer les défenses allemandes, impressionne par ses dimensions : 156 115 soldats et parachutistes alliés engagés, 15 nations et régions différentes présentes, 6 939 navires déployés… Point de l’histoire ignoré, non pas un mais deux Calédoniens figurent parmi les seuls 177 Français impliqués dans ce théâtre de guerre capital du second conflit mondial.
GRIÈVEMENT BLESSÉ
Son « enthousiasme » marque les esprits, rapporte un chroniqueur de l’époque. Né le 9 août 1914 sur le Caillou, Jean Pinelli, moniteur d’éducation physique dans le civil, rejoint la France libre en août 1940. Une source l’indique ensuite parti de Dakar sur l’aviso Commandant Duboc. Lors d’une hospitalisation due à un accident de parachute, le gaillard fait la connaissance du commandant Philippe Kieffer et l’aide dans la formation du Bataillon de fusiliers marins commandos. Le grade de second-maître instructeur lui est attribué.
L’officier Jean Pinelli conduit un groupe sur la base de sous-marins de Lorient en Bretagne en 1942, et s’implique dans le raid d’Étretat en décembre 1943. « Sa participation dans la préparation de l’opération en Normandie est importante », relate un article de presse. Mais l’affaire tourne court. Le 6 juin 1944, le gradé saute du bateau transportant le commando Kieffer sur une barge de débarquement, toutefois à 30 mètres de la plage normande, l’avant du navire est frappé par un obus allemand. Jean Pinelli, très grièvement blessé aux jambes et au bassin, est évacué tout de suite vers un hôpital anglais où le Calédonien restera plusieurs années.
Entre ces murs, le blessé de guerre tombe amoureux de son infirmière, se marie et s’installe en Angleterre. Outre-Manche, Jean Pinelli, devenu moniteur sportif pour invalides, s’investit énormément dans les manifestations en faveur des handicapés. Jean Pinelli, fait chevalier de la légion d’honneur, est enterré dans la station balnéaire de Brighton, au sud de Londres, en juillet 1993. Dans ses mémoires intitulées Béret vert, le commandant Kieffer écrit que « Pinelli devint pour moi un aide instructeur de premier ordre ».
L’APPUI DU LARGE
Le second engagé dans l’opération de Normandie fut longtemps inconnu. Une part de mystère demeure d’ailleurs, notamment sur sa famille aux Loyauté. Déménic, ou Demene, même Dominé selon un courrier militaire, Palane ou Palasso, est né le 2 mars 1922 à la tribu de Thuahaick, Lifou. Son engagement dans la France libre remonte à août 1941, mais à Londres en Angleterre.
Comment ? Pourquoi là-bas ? Nul renseignement ne transpire. Ce marin des Forces navales françaises libres (FNFL), matelot 3 classe sans spécialité, navigue à bord du bateau de guerre français La Combattante, d’après les recherches du passionné de cette période, Éric Minocchi, de Nouméa.
Le 6 juin 1944, le navire mouille au large des côtes normandes et « appuie de ses feux les troupes qui débarquent » souligne Jean-Paul Lextrait, directeur de la Maison du combattant. « Demene Palane, artilleur, est aux canons. » Selon des informations militaires, le destroyer a pris part en première ligne aux opérations dans la zone de Courseulles.
Le matelot meurt à 22 ans, le 23 février 1945, dans l’estuaire de la Humber en Angleterre, quand le torpilleur sur lequel le Drehu exerce saute sur une mine. La médaille militaire lui est remise à titre posthume, en juin 1952. D’après un neveu, Déménic Palane aurait fréquenté une Anglaise et aurait eu des enfants.
Dès l’appel du général de Gaulle, des marins entrent en résistance. Ils constituent, au mois de juillet 1940, les forces armées de la France libre, les FNFL. Selon le vice-rectorat, 255 Calédoniens s’y engagent au total. La flotte des FNFL se déploie dans toutes les mers entre 1941 et 1943, pour des missions de combat, de débarquement d’agents secrets, de secours ou de soutien, notamment au débarquement de Provence. Dans le Pacifique, elle se compose de trois unités : Le Triomphant, Le Chevreuil et le Cap des Palmes. Ils escortent des convois, participent à des actions de défense. Le Chevreuil prend part au ralliement de Wallis à la France Libre le 27 mai 1942.
Yann Mainguet