Dix mois après la survenue des émeutes, la plupart des marchés du territoire ont repris leurs cours habituels. Quelques changements de comportements sont néanmoins observés.
Samedi matin, 9 h 45, marché de Port- Moselle. Il paraît bien difficile de trouver une table sur laquelle s’accouder, tant l’affluence aux alentours de la buvette est conséquente. Couples sirotant un café, familles flânant le long des stands, enfants jouant à proximité… La place aux plus de 120 stands ‒ fermée un temps, durant les émeutes ‒ semble avoir retrouvé toutes ses couleurs. « Au début, on a eu une reprise timide. Puis peu à peu, c’est revenu à la normale », confirme Éliane Taora, présidente du syndicat du marché de Port-Moselle. Pas de diminution ni d’augmentation de flux, donc. « C’est à peu près équivalent à avant mai 2024. »
Un changement de clientèle est néanmoins notifié par les colporteurs et vendeurs du marché. Les nombreux départs du territoire, notamment, se font ressentir. « On a beaucoup de Métropolitains qui sont repartis. Ils ne prenaient pas grand-chose, mais ça suffisait : un peu de cocos, des fois un peu de mangues… C’était beaucoup eux qui achetaient », explique Edgard Bocahut, colporteur de produits vivriers depuis 30 ans. Les forces de l’ordre arrivées récemment sur le territoire compensent cette baisse de clientèle. « Ils sont basés pas loin, donc ils viennent régulièrement faire un tour », sourit Éliane Taora.
Autre élément relevé : les tendances diffèrent selon les produits proposés. Côté fruits et légumes, « pas de changements particulier » signalé au niveau du chiffre d’affaires. Plus loin, la boulangerie-pâtisserie Le Mitron ‒ présente au marché de Port-Moselle depuis plus de 20 ans ‒ subit, quant à elle, la réduc- tion des portefeuilles des consommateurs.
L’ŒIL SUR LE PORTE-MONNAIE
« On voit qu’ils font attention à ce qu’ils achètent. Je me retrouve avec davantage de produits à la fin », décrit Julia Wadrawane, qui brade pourtant ses baguettes de pain à 100 francs dès 11 h 30.
Même discours du côté du marché de Ducos, où Loïc Maréchaux, à la tête de l’entreprise Pacifique fumoir, tient un stand depuis trois ans, tous les samedis. « On a l’impression qu’il y a plus de monde, mais ça ne veut pas dire que ça chiffre plus, décrit-il. Les gens font attention à ce qu’ils achètent. Il suffit qu’on mette une petite promo et ils sautent dessus. »
Plus au Nord, sur la commune de La Foa, le constat est le même. « Ils ne prennent que l’essentiel, c’est-à-dire des fruits et des légumes. […] On le voit, nous, au niveau des stands de vide-grenier : même si ce n’est pas cher, on vendait quand même plus avant », décrit la présidente de l’association Marchés et vide-greniers de La Foa.
UNE CRISE PAR-DESSUS LA CRISE
Un phénomène que l’on pourrait attribuer aux conséquences de la crise de 2024 mais qui, selon certains, a débuté il y a plus longtemps. « Ça fait trois-quatre ans que c’est plus difficile, on sent que les gens sont réticents », affirme Bertrand Marguerite, gérant de l’entreprise foraine Doudou l’exotique, proposant des mets antillais au marché de Ducos. « Les gens qui prenaient de la nourriture pour une famille par exemple, maintenant ils prennent deux petits trucs, presque pour faire plaisir. Ils achètent beaucoup moins. » En cause, selon lui, « l’instabilité politique » et « la vie chère ».
Les tarifs fixés dans les marchés ne sont-ils pourtant pas plus bas que ceux exercés dans les grandes surfaces ? « C’est un mythe », assure Philippe Deschamps, agriculteur de Boulouparis tenant un stand à Ducos. « En fait, ça dépend si vous achetez à un colporteur ou à un agriculteur », avance-t-il. Pour Laura, qui se rend régulièrement au marché de Port-Moselle ‒ majoritairement composé de colporteurs ‒, les prix ne sont « pas forcément plus bas », mais il est possible de faire de « bonnes affaires ». « Parfois, je demande un légume et on m’en offre trois autres. […] C’est familial », explique la retraitée.
Nikita Hoffmann