Le plus grand exercice interarmées à visée humanitaire de la région se complexifie. Les Forces armées en Nouvelle- Calédonie (Fanc) testeront cette année, avec leurs homologues étrangers, leurs capacités de projection à Wallis-et-Futuna.
Exit le nord de la Grande Terre et les Loyauté, théâtres de l’exercice interarmées Croix du Sud 2023. Les militaires français, australiens, américains, nézélandais et bien d’autres se déploieront, du 22 avril au 3 mai, à plus de 2 000 kilomètres de la Nouvelle-Calédonie, sur le territoire de Wallis-et-Futuna, en réponse à une catastrophe naturelle fictive, en l’occurrence le passage d’un cyclone.
L’édition 2025 présente une difficulté supplémentaire résidant dans la manœuvre de déplacement qui précède l’intervention. « Le général souhaitait tester notre capacité de projection et notre capacité à intervenir précisément à Wallis-et-Futuna qui est dans notre zone de responsabilité », décrit le lieutenant-colonel Riccardi, chef de la planification pour les Fanc et responsable de la partie montage exercice sur Croix du Sud. Les militaires évoquent un entraînement « un cran au-dessus », « au plus proche de la réalité ».
QUATRE PHASES
Cette édition maintient la barre haute avec toujours des moyens exceptionnels : plus de 2 000 participants dont 600 étrangers, 18 nations, tous les moyens maritimes et aériens des Fanc, Le Bougainville de Polynésie française, de gros navires comme le USS Blue Ridge américain attendu le 26 avril à Nouméa, l’A400M de Métropole, un gros porteur C-17 américain, deux C-130 américain et néo-zélandais, etc.
La volonté était de déployer 1 000 personnes à Wallis-et-Futuna, « mais le territoire ne permet pas d’accueillir une force aussi importante, poursuit l’officier de l’armée de l’air. On a estimé pouvoir, sans trop déséquilibrer l’activité de l’île, projeter et supporter environ 300 personnes. » 150 seront basées en permanence à Wallis, 50 à Futuna. Pour fluidifier l’opération sur place, les autres viendront par rotation, une logique déjà adoptée au Vanuatu après le passage du cyclone Lola, fin 2023.
L’exercice sera réparti en quatre missions de spécialistes. La première sera une opération aéroportée par une centaine de parachutistes en reconnaissance sur une zone « difficilement accessible ». Viendront ensuite les premières actions de soutien au profit des populations par des troupes du génie (120 hommes), puis la « consolidation pour la reprise » par les troupes médicales (une centaine de personnes).
La dernière partie sera consacrée à « l’extraction » des civils du territoire sinistré par les Fanc, des troupes australiennes et américaines (environ 200 militaires). Les Fanc peuvent normalement évacuer 500 personnes, mais le test s’effectuera sur 120 à 140, un exercice organisé avec les classes défense de Wallis-et-Futuna. « On va agréger toutes les activités qu’on est capable de faire au niveau humanitaire », résume le lieutenant-colonel Riccardi. Des exercices de différents états-majors sont également planifiés.
« TRÈS HONORÉS »
Les missions de reconnaissances, les échanges avec l’administration supérieure du territoire et les autorités coutumières ont commencé il y a un an. « Au fil des missions, un certain nombre de sites capables de nous accueillir ont été identifiés. » Le camp principal investira les infrastructures sportives de Mata-Utu, où une centaine de personnes assureront le soutien général de l’exercice. Des troupes seront aussi localisées à la chapelle de Lausikula, au sud-ouest de l’île, et au collège de Fiua, à Futuna. Un hélicoptère devra s’y déployer. « L’idée est vraiment de voir comment on accède à ces zones et de savoir comment on peut y travailler. » Le matériel a déjà commencé à transiter.
Selon les Fanc, il est important pour ces populations, « qui ont la cicatrice du cyclone Thomas, de savoir effectivement qu’on est capables d’intervenir ». La satisfaction semble effectivement de mise à Mata-Utu face à cette présence « inédite ». « On est très contents et très honorés que le théâtre principal d’opé- ration de l’exercice se déroule ici, puisque traditionnellement on se sent un peu petit, loin et vulnérables aux phénomènes climatiques », explique Christophe Coelho, directeur des services du cabinet du préfet, services qui profiteront de cette occasion pour tester un plan Orsec. Cela est aussi vrai au sein de la population. « Tout le monde est content ici, il y a une grosse population militaire, beaucoup de jeunes qui sont partis, l’armée a donc une certaine aura. »
Elle est d’ailleurs bien présente tout au long de l’année avec les classes défense depuis deux ans, les sessions de recrutement, les missions de souveraineté, le Rimap, les évacuations sanitaires… Mais rien en comparaison avec ce qui va arriver. « C’est l’occasion de voir des moyens que l’on ne voit pas habituellement, les gros navires, les gros porteurs, l’hélicoptère qui vient assez rarement », souligne Christophe Coelho.
Au programme également, des ateliers et formations avec la jeunesse (secourisme, gestion des explosifs, cybersécurité, etc.), des activités sportives et plusieurs chantiers au plus proche des populations : la réhabilitation d’une piste dans le sud de Wallis par le RSMA, des nettoyages de zones de regroupement « tsunami » par le génie, le montage d’une antenne relais sur l’île d’Alofi et un travail de réhabilitation de la cathédrale de Poi. « C’est le cœur de ce que nous faisons avec les troupes que l’on déploie dans ces situations », conclut le chef de la planification Riccardi.
Chloé Maingourd