Les événements qui ont éclaté le 13 mai ont plongé la Nouvelle- Calédonie dans une profonde détresse. L’activité économique a dégringolé, entraînant un chômage massif et une perte considérable de recettes fiscales et sociales, asséchant encore davantage les trésoreries des collectivités déjà mal en point.
Fauché, le territoire n’a eu d’autre choix que de se tourner vers l’État. « Heureusement qu’il est là », reconnaît Yannick Slamet, membre du gouvernement en charge du budget et des finances, même si son appui s’avère « largement insuffisant par rapport aux besoins et surtout en termes d’absence de visibilité », avec des annonces « au compte-gouttes ». « Nous avons conscience que c’est compliqué de faire autrement, il racle les fonds de tiroir », poursuit le membre du gouvernement.
LES ARBITRAGES EN COURS
Bercy a déniché, pour la période qui court jusqu’en octobre, 50 milliards de francs. L’aide doit se poursuive. Le 18 septembre, Stanislas Alfonsi, secrétaire général du haut-commissariat, affirmait : « l’État a été là depuis les premiers jours, il est là aujourd’hui et il le sera encore demain ». Certes. Mais, sous quelle forme ? Les contours de ce support sont à définir. Une tâche complexe. D’autant que la France traverse de graves difficultés financières. « Ces montants sont considérables dans le contexte contraint en Métropole, déclare David Litvan, directeur des finances publiques. Il a fallu trouver la tuyauterie budgétaire disponible. »
Il ne s’agit pas de chèques en blanc. Sur les 50 milliards, 29 sont des avances et des prêts que la Nouvelle-Calédonie devra rembourser. Un calcul inscrit dans la logique de financement partagé voulu par le président de la République. Qu’en sera-t-il à partir de novembre ? Les discussions sont en cours. Certains arbitrages ne sont pas rendus, notamment sur la suite qui sera donnée au dispositif de financement du chômage partiel ou au fonds de solidarité pour les entreprises, même si le haut-commissariat ne cache pas qu’ils ne sont pas destinés à durer.
« L’ÉTAT FERA TAMPON »
Le soutien dépendra également de la réussite, ou non, du plan S2R (sauvegarde, refondation et reconstruction) lancé par le gouvernement. Désormais, les versements sont conditionnés à des projets de réformes, « à une exigence, celle de faire à la fois des économies et de mieux dépenser », explique Yannick Slamet. Cela a été le cas concernant le coup de main à Enercal, accompagné d’un plan d’augmentation des tarifs de l’électricité, et pour la Caisse locale de retraites, l’acte II ayant été voté fin juillet.
Plus globalement, le plan S2R vise la définition d’un « nouveau modèle de développement » et l’élaboration « à long terme des modalités et des dispositifs d’accompagnement de l’État pour la Nouvelle-Calédonie », indique l’exécutif local. « Une démarche accueillie positivement » par Paris, qui collabore, estime David Litvan. Les réformes n’ont que « trop tardé ».
Après la conférence des 10 et 11 octobre et son passage au Congrès, le plan S2R est censé poursuivre sa trajectoire à l’Assemblée nationale, lors de l’examen du projet de loi de finances 2025 en octobre. Le plan quinquennal de 500 milliards de francs proposé par Calédonie ensemble l’a devancé. Une délégation est à Paris pour le présenter. Yannick Slamet y voit « une lettre au Père Noël ». « Je pense que ce sera compliqué pour la Nouvelle-Calédonie d’être plus gâtée qu’elle ne l’est. Où l’État trouverait 100 milliards d’ici fin 2024 ? Si c’était aussi simple, ça se saurait. » Pour Philippe Michel, les deux sont liés. « L’État ne nous accompagnera pas si nous ne réformons pas notre modèle et nous ne pourrons pas le faire si l’État ne nous accompagne pas. Il s’agit des deux volets complémentaires d’un même plan de reconstruction. »
Les services planchent actuellement sur ces questions de chiffrage, évaluent l’évolution des recettes fiscales et sociales, apprécient le coût de la reconstruction et des mesures qui vont être arbitrées dans le cadre du plan S2R. « Ce travail est important. Un des premiers objectifs est de cerner l’échéance 2025 », commente David Litvan. La manifestation d’un soutien renouvelé de Paris, assure Stanislas Alfonsi. « Le sujet qui a préoccupé, mobilisé les moyens avant tous les autres, c’est la Nouvelle-Calédonie, et ce jusqu’au plus haut niveau de l’État. Je ne vois pas pourquoi elle passerait au second plan. Le soutien ne se démentira pas. »
Anne-Claire Pophillat