[DOSSIER] Crise française, crise calédonienne

Sébastien Lecornu quittant le péron de l’Hôtel Matignon après l’annonce de sa démission, le 6 octobre. Il avait dévoilé son gouvernement la veille. © Photo Stéphane Mahe / POOL / AFP

Un espoir pour une forme de stabilité avait soufflé en Nouvelle-Calédonie à l’annonce du maintien de Manuel Valls à son poste de ministre des Outre-mer. Son nom figurait, le 5 octobre, dans la première salve de 18 membres du gouvernement Lecornu, 26 jours tout de même après l’arrivée de ce dernier à Matignon. Confirmée donc, l’action du ministre d’État, très actif ces derniers mois et toujours en lien avec l’ensemble des parties impliquées, malgré, il faut le dire, aucun succès définitif sur l’avenir institutionnel du territoire.

Mais patatras… Faute de pouvoir former un gouvernement solide, Sébastien Lecornu a remis sa démission le lendemain au président de la République qui lui a donné 48 heures pour mener d’ultimes négociations, avant mercredi soir donc, jeudi matin en Nouvelle-Calédonie. Deux urgences étaient identifiées par le Premier ministre démissionnaire : le budget 2026 et l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie dont la démission est venue bouleverser, si ce n’est enterrer, le calendrier initial.

À l’heure où le journal était mis sous presse, nous ignorions l’issue de ces tractations. Mais déjà, le Rassemblement national et La France insoumise avaient décliné l’invitation. Et la pression se faisait de plus en plus insistante sur le président de la République, isolé et lâché par ses alliés. Sébastien Lecornu s’est exprimé avant de rencontrer la gauche voulant croire à un « moment de responsabilité » éloignant les perspectives de dissolution et protégeant la figure présidentielle.

Quelques heures plus tôt, l’entourage d’Emmanuel Macron avait indiqué que le Président prendrait ses « responsabilité » en cas d’échec, faisant planer la menace d’une nouvelle dissolution de l’Assemblée nationale après celle de juin 2024.

Plusieurs scénarios étaient sérieusement exposés : la dissolution donc, devenue « incontournable », par exemple aux yeux du Rassemblement national, la constitution d’un gouvernement de cohabitation (avec la droite ou la gauche), l’obtention d’un accord de non-censure ou encore l’organisation d’une élection présidentielle anticipée évoquée notamment par l’ancien Premier ministre et candidat, Édouard Philippe. Avec, dans tous les cas, des conséquences budgétaires et institutionnelles.

Dans une tribune publiée par Le Figaro, Manuel Valls a prévenu qu’une dissolution empêcherait de mener à terme tous les chantiers engagés pour 2,8 millions d’ultramarins depuis 9 mois, et que la provoquer, « ce serait d’abord hypothéquer l’avenir de la Nouvelle-Calédonie ». La dissolution serait « un frein » à la reconstruction économique, sociale et financière et mettrait en cause les projets de reprise des usines qui exploitent le nickel. « Le risque que la Nouvelle-Calédonie replonge dans le chaos et la violence serait alors immense ». L’ex-ministre pense que les ultramarins en particulier n’ont aucun intérêt à une victoire du Rassemblement national « au regard de son histoire, de son programme et de sa vision du monde ».

Sur le plan national, le journaliste Alain Duhamel va plus loin. Il estime que la situation française est d’une gravité inédite et s’interroge sur la survie même du système politique. « On frôle la crise de régime, on n’est pas loin d’assister au début de la dislocation de la Ve République. »

C.M.