[DOSSIER] Coup d’arrêt sur les transports

Le SMTU recense un milliard de francs de dégâts sur les infrastructures et les équipements. (© Archives Y.M.)

Interrompu depuis le début des émeutes le 13 mai, le réseau Tanéo est officiellement suspendu pour « cas de force majeure » sur une période de quatre mois, jusqu’en septembre. Le 31 juillet, ce service public a fait l’objet d’une nouvelle mesure.

Le comité syndical du SMTU, Syndicat mixte des transports urbains du Grand Nouméa, a résilié les contrats de délégation qui le liaient aux prestataires historiques, le GIE Karuïa (pour Nouméa) et Carsud (pour Dumbéa, Païta et le Mont-Dore). Cette décision, prise à l’unanimité des représentants (province Sud et quatre communes) pour motif d’« intérêt général », implique un préavis de six mois et sera donc effective le 30 janvier 2025.

Les exactions ont finalement précipité la fin du réseau aux 25 000 usagers/jour, tel que nous le connaissions. La structuration du transport urbain de l’agglomération, déjà revue à partir de 2019 avec l’apport des taxes sur les carburants et la clé de répartition des collectivités, était jugée insoutenable.

Pour la présidente du SMTU depuis le mois d’avril, Naïa Wateou, « le point de départ de cette affaire est – avec une volonté louable – un surdimensionnement du système, qui a obligé les collectivités associées à toujours devoir compenser, et très vite une incapacité pour celles-ci à soutenir un tel réseau ». « On était déjà dans une réflexion sur l’après », ajoute-t-elle.

La délégation de service public (DSP) doit s’arrêter en 2026 et ce sont des échéances qui se pensent « deux ans à l’avance ». Les collectivités avaient déjà signalé leurs difficultés dans un contexte de crise économique depuis trois ans, elles sont désormais dans des « situations catastrophiques ». « Les dégâts de l’après 13 mai viennent aujourd’hui accélérer la prise de décision sur la fin de la DSP. »

Naïa Wateou, présidente du SMTU. Photo : C.M.

REPENSER INTÉGRALEMENT LE SCHÉMA DES TRANSPORTS

Le SMTU recense un milliard de francs de dégâts sur les infrastructures et les équipements (abris, bornes, 95 % des distributeurs hors service, armoires électriques, locaux de Koutio, dispositifs de signalétique, etc.). Seul point positif, les bus sont intacts. « C’est aujourd’hui ce qui sauve le transport. »

Durant ces quatre mois, « remettre un bus sur la voie, ce n’est juste pas envisageable ». Deux agents du SMTU ont été agressés, les attaques sur les bus sont considérées comme un « sport national ». « Il n’est pas question qu’ils soient utilisés pour devenir des cibles mouvantes, pour finir comme des outils sur les barrages, servir à déplacer des émeutiers, ou encore entraver la réactivité des forces de l’ordre à intervenir. »

Le laps de temps de cette suspension et du préavis de six mois pour la résiliation doit permettre de revoir complètement le réseau avec les deux délégataires. « Arrêter l’hémorragie », « sans repartir de zéro », précise la présidente. Elle rappelle que les collectivités sont liées au réseau dans lequel 27 milliards de francs ont été engagés, avec 17 milliards encore à payer. Elles sont tenues d’assurer cette mission de service public, néanmoins elles ne sont plus en capacité de le faire dans les conditions d’avant le 13 mai avec un réseau qui allait « partout ». Si les parties tombaient d’accord sur un nouveau système adapté aux actuelles capacités financières, une reprise serait envisageable si les conditions de sécurité le permettent.

Quelles lignes opérer, pour combien de personnes, qui fait quoi, avec quelle sécurité, quels dispositifs pour la vente de tickets, quelle grille tarifaire ? Tous ces éléments sont à étudier. Naïa Wateou insiste sur la volonté des collectivités que les usagers puissent reprendre le bus le plus rapidement possible, comprenant leur détresse, mais elle appelle également à une prise de conscience.

Son agacement concerne « ceux qui se targuent d’être à l’origine des exactions commises et qui donnent des injonctions », ceux qui n’ont mis en place « aucune mesure corrective avant 2019 », le gouvernement « grand absent » et son membre UC-FLNKS en charge des transports. « Il faut que des voix s’élèvent à un moment donné pour dire stop ! Chacun doit prendre ses responsabilités ! »

Chloé Maingourd