Ce début d’année fait remonter les douloureux souvenirs des deux premiers mois de 2023, marqués par trois attaques, dont une mortelle, à Nouméa. Après seulement un blessé à Pouébo et 27 signalements de requins en 2024, 2025 commence avec une activité inhabituelle.
En janvier, le Centre opérationnel de surveillance et de sauvetage (Coss) a déjà recensé dix signalements, principalement situés à Nouméa (six) et à Poé (trois). Trois attaques sont en outre comptabilisées : une dans la passe de Koumac à l’îlot Kendec, qui a coûté la vie à un militaire du RSMA, une à Nouméa face à l’anse aux Bœufs et une à Maré sur le platier de Nece.
ABATTAGES ET STATUT JURIDIQUE
Pourtant, entre 2023 et 2025, la problématique du risque requins a connu de nombreuses évolutions. Il y a deux ans, la ville de Nouméa a mené dix campagnes d’abattage post-attaques et préventives. Une opération contestée sur le fond et la méthode par des associations environnementales et citoyennes. En juin de la même année, la province des Îles a adopté une délibération qui reconnaît comme entités juridiques des espèces vivantes, dont les requins. Après plusieurs mois d’interdiction de baignade, Nouméa s’est dotée de filets à la baie des Citrons et à la plage du Château Royal.
En mai 2024, une vaste étude menée par l’IRD a été annoncée par la province Sud et l’État pour suivre pendant quatre ans 200 requins-tigres et bouledogues. Faute de financement, le projet est aujourd’hui à l’arrêt. Enfin, en octobre, neuf mois après la cour administrative d’appel de Paris, la cour de cassation confirme l’annulation de la délibération du 26 octobre 2021, « en tant qu’elle retire les requins-tigres et requins-bouledogues de la liste des espèces protégées figurant à l’article 240-1 du code de l’environnement de la province Sud ».
SPORTS DE GLISSE
Malgré ces mesures, le risque d’attaque n’a pas pour autant disparu. Il a surtout évolué au fil des dernières décennies. Premier constat, les attaques ont augmenté. « Les attaques en Nouvelle-Calédonie se caractérisent par un nombre élevé, plaçant cet ensemble insulaire parmi les endroits du monde les plus exposés à ce type de risque », souligne l’étude Attaques de requins en Nouvelle-Calédonie de 1958 à 2020 : revue de cas, réalisée notamment par Claude Maillaud, Philippe Tirard et Philippe Borsa.
Le public touché a aussi changé. « Jusqu’en 2009, apnéistes et chasseurs sous-marins représentaient 100 % des victimes d’attaques létales en Nouvelle-Calédonie, explique le document. Cette proportion est passée à 54 % fin 2009, les 46 % restant étant également répartis entre, d’une part, les baigneurs, nageurs et adeptes du snorkeling et, d’autre part, les pratiquants des sports de glisse. » Une typologie qui se retrouve dans les trois attaques de janvier : deux pêcheurs et un utilisateur de paddle muni d’un foil.
Cette période, de décembre à mars, reste toutefois la plus risquée comme le pointe l’étude : « La saisonnalité […] peut s’expliquer par la plus grande fréquentation humaine du lagon durant l’été austral, mais également par l’abondance des précipitations susceptibles d’alimenter les eaux côtières en sédiments et nutriments, par la température élevée de l’eau, susceptible d’influencer le comportement des requins et par le cycle reproductif de certains d’entre eux ».
Le 14 janvier, la ville de Nouméa a publié sur les réseaux sociaux un avertissement. Elle conseille de privilégier « les zones sécurisées et surveillées de la baie des Citrons et du Château Royal » et prévient que « la vigilance est de mise sur l’ensemble des plages et îlots de Nouméa », rappelant que « la baignade et les activités nautiques y sont autorisées aux risques et périls des usagers ».
La prudence est de mise car, lors de la dernière décennie, les attaques ont été particulièrement plus importantes dans l’agglomération. « Si les requins sont logiquement très majoritairement observés dans les zones maritimes les plus fréquentées, le risque d’attaque concerne bien l’ensemble des eaux de Nouvelle- Calédonie comme le démontre les quatre dernières attaques recensées par le Coss », prévient son directeur, Nicolas Chomard.
F.D