Ces dernières semaines, de plus en plus de structures disparaissent de l’agglomération. Alors que le secteur du BTP bat de l’aile, ces chantiers de démolition apportent un souffle nouveau aux entreprises.
Magenta, lundi matin, 7 h 30. Sur l’ancien site du concessionnaire automobile Renault, le bruit des pelleteuses se confond avec celui des meuleuses. Au sol, des bennes sont disposées à côté de plusieurs tas de déchets. De la ferraille, du béton, du bois… « Chaque matériel a sa benne, ça nous permet de trier », précise David, responsable de l’entreprise MT Terrassement. Depuis trois semaines, quatre de ses employés travaillent sur place, enlevant méthodiquement l’ensemble des parties incendiées dans la nuit du 13 mai.
Un exercice que ces ouvriers sont amenés à réaliser plus souvent qu’à l’accoutumée depuis la crise. « À la base, nous sommes spécialisés dans le terrassement. La démolition, c’est davantage quelque chose de complémentaire à notre activité, ce n’est pas notre cœur de métier », explique le gérant. Depuis quelques semaines néanmoins, sa part a quelque peu augmenté dans leur planning. « J’ai d’autres chantiers sur lesquels les maîtres d’ouvrage ont la volonté de continuer et la capacité de payer, mais ça nous amène seulement jusqu’au 1er trimestre 2025. Après, nous n’avons plus de visibilité […] Donc la démolition, ça vient quand même boucher les trous et permettre de maintenir les emplois », assure-t-il.
« TENIR JUSQU’À LA FIN DE L’ANNÉE »
Des opérations pas comme les autres, pour les professionnels du BTP. « Ça fait toujours mal au cœur de réaliser ce type de travaux. Ça nous arrive d’aller dans des bureaux où il reste encore tout le matériel… C’est malheureux », confie Jason, chef de chantier désamiantage pour Pacific Amiante Services. Œuvrant à la déconstruction du bâtiment Nissan, à Ducos, l’entreprise, grâce à cette activité, peut à nouveau souffler. « C’est embêtant de le voir comme ça, mais c’est vrai. Nous avons été arrêtés pendant quasiment deux mois. On a certes eu quelques chantiers d’amiante, mais la démolition, c’est ce qui va nous permettre de tenir jusqu’à la fin de l’année ».
Un constat qui oblige certaines sociétés – n’intervenant pas dans la démolition ni la déconstruction au départ – à se réorienter. Une situation qui a le don d’agacer les spécialistes. « Il fallait s’en douter, avec le nombre de structures à démolir, on ne va pas être mauvais joueurs. Mais le problème, c’est qu’ils se lancent dedans et font des prix bas, sans avoir le matériel nécessaire, afin d’obtenir des chantiers. Après, on les comprend, ils ont besoin de travailler, mais ça déstabilise complètement le secteur. Car étant donné le peu de moyens en ce moment, les gens ne font plus la différence entre ce qui est du bon travail ou pas. Ils regardent juste le prix », regrette Albert Haas, à la tête de l’entreprise Béton Coupe, forte d’une expérience de 22 ans.
Depuis quelques semaines, ses huit employés démolissent en moyenne un bâtiment par semaine. Dont Mr. Bricolage, Biscochoc, le bowling de Ducos et Soprotec. « Mr. Bricolage, j’allais y faire mes courses le week-end. Jamais je n’aurais imaginé qu’un jour j’allais le déconstruire », regrette le chef d’entreprise.
Nikita Hoffmann