[DOSSIER] Ces talents qui manquent au tableau

Des offres d’emploi ne trouvent pas d’échos, des professionnels à la forte technicité ayant rejoint d’autres rivages. (© Y.M.)

Les chefs d’entreprise le déplorent en réunion, tout comme des responsables de service administratif, et le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie le reconnaît. Le territoire est confronté à un mouvement nouveau : la perte de compétences. D’après les chiffres de la Chambre de commerce et d’industrie (CCI), entre 10 000 et 11 000 personnes ont quitté l’archipel en 2024. Le prochain recensement de la population, lancé dans quelques mois, confirmera, ou non, ces données et précisera l’ampleur de cette vague sans retour. Le constat est lui brutal : des postes très spécifiques ne sont pas aujourd’hui pourvus ou trouvent difficilement preneurs.
En fait, « il y a deux phénomènes complètement distincts », analyse Alexandre Lafleur, président du groupe Cipac et membre du Medef-NC. Des secteurs, tout d’abord, sont confrontés à des pertes importantes d’activité. Des entreprises sont contraintes de baisser le rideau. Le cas le plus notable se trouve dans le domaine de la métallurgie, avec l’arrêt de l’usine Koniambo Nickel fin août 2024 ou du complexe Prony Resources New Caledonia pendant sept mois l’an passé. L’industrie étant un monde extrêmement agile, des ingénieurs ou techniciens très spécialisés ont été recrutés en d’autres points du globe.

« IL FAUT QUE L’ON AILLE VITE »
Certes, la fermeture de KNS a libéré un vivier de professionnels compétents et formés dont a pu profiter la SLN. Toutefois l’entreprise centenaire n’a pas embauché à tour de bras, ses finances étant extrêmement limitées. Conclusion, quand il y aura une reprise d’activité dans ce secteur de la métallurgie, car il y aura, les entreprises notamment sous-traitantes pourront avoir des difficultés à recruter. Le second cas de figure évoqué par Alexandre Lafleur concerne le domaine médical ou du numérique, pour les plus saillants. Touchés par l’insécurité lors des émeutes du 13 mai 2024, des hommes et femmes réputés pour leurs technicités très fortes ont quitté la Nouvelle-Calédonie, assurés de retrouver un poste ailleurs. Bref, ces pertes de compétences, « oui c’est un souci » admet Christopher Gygès, porte-parole du gouvernement, et ce problème sera amplifié lors de « la reconstruction », le BTP n’étant pas épargné.
« Voilà pourquoi il faut que l’on aille vite, que l‘on donne de la visibilité à l’entreprise. C’est-à-dire : comment reconstruire, sous quelles échéances… », appuie le membre de l’exécutif en charge de l’économie, de la fiscalité, du travail ou encore de l’emploi, qui s’est vu attribuer un portefeuille d’actualité : l’attractivité de la Nouvelle-Calédonie. Cette appellation implique la question sécuritaire du territoire, mais aussi la valorisation de ses atouts et bien sûr un plan pour attirer les investisseurs, les talents spécifiques… Ce qui soulève l’option de l’accompagnement fiscal.
À court terme, Christopher Gygès pense à la voie de « la reconversion » ou de « la formation qualifiante de certains salariés » pour répondre à des offres d’emploi libres. Courant juin, un événement possiblement baptisé Choose New Caledonia, en lien avec le sommet Choose France, pourrait être programmé. L’idée actuellement travaillée : faire venir des grands patrons français et internationaux accompagnés de journalistes dans le but de montrer que la Nouvelle- Calédonie se relève et avance. Une urgence. Une autre. Car perdre des compétences, c’est appauvrir un territoire, dans tous les sens du terme.

Yann Mainguet

 

Dans notre dossier

 

« Trouver des personnes avec le même niveau, c’est très compliqué »
Neuf mois après le début des émeutes et la multiplication des départs, des entreprises se retrouvent amputées de salariés ou de main-d’œuvre. Une situation qui n’est pas sans conséquences pour les équipes restantes. Témoignages. →

Des secteurs en pénurie
Le manque de compétences touche différemment les corps de métier. Plusieurs catégories professionnelles, la santé en tête, subissent des départs, tandis que d’autres anticipent les difficultés à recruter lors d’une éventuelle reprise économique. →

Philippe Martin : « C’est un véritable enjeu économique et de société »
À la tête de la Direction du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, la DTEFP, Philippe Martin suit les évolutions de l’offre et de la demande. Il observe plusieurs secteurs en tension. →