Avec moins de 200 visiteurs depuis mai, Thio connaît une chute drastique de sa fréquentation. Une situation qui pèse sur les acteurs touristiques de la commune.
Antoinette et Lucienda Chamoinri se souviennent avec précision de l’ancien gîte d’Ouroué. Lancé dans les années 1980 par deux membres de leur famille, il comprenait un restaurant, quatre bungalows et deux blocs sanitaires. « Quand il fallait apporter à manger aux touristes, on mettait la marmite dans une brouette… Ils étaient contents », s’amusent les deux belles-sœurs.
Délaissé durant plusieurs années, le gîte ‒ désormais camping ‒ renaît de ses cendres depuis maintenant deux ans, porté par la famille Chamoinri qui souhaite de nouveau en faire un site touristique.
Un investissement qui porte ses fruits, puisque jusqu’au 13 mai, « nous avions beaucoup de touristes qui venaient, une centaine par mois », affirment-elles. De janvier à mai, le camping a enregistré pas moins de 295 visiteurs. Mais depuis, « plus rien », si ce n’est quelques personnes au mois d’octobre et lors des longs week-ends de novembre. « Les gens avaient peur », glissent-elles.
De l’autre côté de Thio, Marcelline Ourignat, cogérante du gîte Fô pas rêver situé à Grand Borendy, a elle aussi subi les conséquences de la crise. Alors qu’en temps normal, « il y a toujours du monde » dans ses bungalows, les touristes ne sont revenus qu’à partir du mois de septembre, au compte-gouttes. « J’ai l’impression de revenir à l’ancien temps, comme si nous n’avions jamais eu de gîte, mon mari et moi », commente-t-elle, en esquissant un sourire.
De son côté, Joëlle, gérante du camping de La Moara – structure bien connue sur la commune – a décidé de ne pas rouvrir pour le moment, par mesure de sécurité. « Des gens recommencent à m’appeler depuis un mois et demi, mais étant donné qu’il y a encore quelques caillassages au niveau de la tribu de Saint Pierre, j’ai peur pour eux, je préfère attendre que ça se calme », indique celle qui accueille, en temps normal, « 100 à 150 personnes » par mois.
REPENSER LE TOURISME
Une situation « compliquée » pour ces structures touristiques, alors que 2023 avait été une année plutôt positive en termes de fréquentation, enregistrant presque 10 000 visiteurs sur l’année (contre 6 000 à 8 000 entre 2015 à 2021).
Dans l’espoir de relancer l’activité sur la commune, une refonte de Thio tourisme est en train d’être élaborée. Et ce, dans le but d’en faire « un outil davantage axé sur le développement humain durable que sur du développement purement économique », informe Lorenza M’Boueri, directrice de l’office de tourisme et du musée de la Mine de Thio.
Actuellement en discussion avec la mairie, cette nouvelle politique touristique devrait, entre autres, favoriser le soutien technique aux projets de l’économie sociale et solidaire (ESS), encourager l’insertion des jeunes via le tourisme rural et accentuer le développement du tourisme culturel, en impliquant les jeunes dans des chantiers patrimoniaux.
Un défi de taille, « mais pas impossible », pour Lorenza M’Boueri. « J’ai déjà vécu cette expérience à la création de l’office de tourisme en 2008, témoigne-t-elle. Certains disaient qu’il n’était pas envisageable de faire du tourisme car la destination avait une forte image négative suite aux Événements de 1984 et que, de toute façon, à part le nickel, la commune n’avait pas beaucoup d’intérêt économique. » Une relance qui pourra compter sur la motivation d’Antoinette et Lucienda Chamoinri. « Nous, on a des projets, on veut rénover l’ancien restaurant. » Et de celle de Marcelline Ourignat. « Ça nous manque de ne plus échanger avec les gens. »
Nikita Hoffmann