[DOSSIER] Bois du Nord, un pilier en péril

Le spécialiste de l’exploitation, de la transformation et de la commercialisation du bois en province Nord est en redressement judiciaire. L’entreprise, créée en 2016 abandonne une partie de ses activités pour se recentrer sur la coupe et la vente de bois.

Bois du Nord va mal. Son président, Serge Darmizin, ne s’en cache pas, il tire même la sonnette d’alarme : « Dans trois mois, les politiques doivent avoir trouvé une forme de soutien pour aider Bois du Nord ». L’entreprise spécialisée dans l’exploitation, la transformation et la commercialisation du bois a été placée en redressement judiciaire après une phase de sauvegarde amorcée en 2021. C’est l’étape qui précède la liquidation judiciaire quand une entreprise se retrouve en cessation de paiement.

10 salariés sur 31 vont être licenciés. Toute la commercialisation, installée à Nouméa, disparaît avec ses kits « Easy mob » empilables pour former différentes structures. « Tous les gens qui visitent la scierie nous disent que c’est vraiment bien ce qu’on fait, mais on est en train de crever », lâche amèrement Serge Darmizin.

« Tous les gens qui visitent la scierie nous disent que c’est vraiment bien ce qu’on fait, mais on est en train de crever », le président de Bois du Nord, Serge Darmizin. / B.B.

L’aventure de Bois du Nord remonte à une ambition de la province Nord de 2016. Elle cherche à exploiter les 4 000 hectares de forêt du plateau de Tango, dans la région de Koné. La société Ecobois Concept s’associe à la scierie Netchaot et aux clans de Netchaot et de Bopope pour lancer le projet. Les pins des Caraïbes plantés dans les années 1970 promettent une ressource disponible pendant 30 ans, renouvelable à chaque replantation. Après des débuts compliqués et une série de péripéties, l’activité semble démarrer réellement en 2019. « Nous avions deux chantiers avec 1,05 milliard en prévision. Nous étions relativement sereins », se souvient le président.

La construction de dix maisons avait commencé dans le lotissement de Païamboué, à Koné. Un village de vacances était dans les tuyaux sur le domaine de Gouaro Deva, à Bourail. Les deux projets ont été interrompus pour différentes raisons, divisant par deux le chiffre d’affaires de Bois du Nord. « J’ai mis la société en sauvegarde en 2021 et on a fermé toute la partie Ecobois, tout ce qui était chantier, continue Serge Darmizin. Le résultat c’est qu’on n’y arrive toujours pas, alors j’ai demandé que la société soit mise en redressement judiciaire. »

UNE FORÊT SANS SCIERIE
Un plan de restructuration a été accepté par la justice. Une subvention de la province Nord va permettre de payer les licenciements. La scierie de Netchaot ne ferme pas et toute l’entreprise se réoriente pour vendre directement aux importateurs de bois. Les premières petites commandes sont tombées. Les discussions avec les autres professionnels du secteur sont en cours. « Les importateurs feront moins de marge avec notre pin des Caraïbes qu’avec du bois importé, mais la filière calédonienne a des avantages », assure Serge Darmizin.
Le bois est traité à la wolmanite, « un excellent traitement sans conséquence pour l’homme et la nature » contre les termites et les vers. Depuis 2020, l’essence a obtenu le Référentiel de la construction en Nouvelle-Calédonie (RCNC). Cette normalisation, qui détermine les caractéristiques du pin des Caraïbes, permet de l’utiliser en bois de charpente à la place du pin sylvestre importé. L’entreprise a obtenu plusieurs autres certifications, gages de qualité. « La production locale lutte contre les effets de serre en évitant le transport maritime polluant. Avec nous, c’est aussi l’intégration des tribus. Bois du Nord représente l’aboutissement et la valorisation de toute cette forêt. Sans scierie, cette forêt ne vaut plus rien. » 
Sur le papier, les objectifs de Bois du Nord peuvent être atteints. Les 1 500 m3 par an de bois seraient écoulés. La production pourrait même être augmentée par la suite. Les changements d’orientation ne serviront pourtant à rien sans des accompagnements politiques, estime Serge Darmizin. Il réclame une aide de la Nouvelle-Calédonie : « Cela peut passer par des quotas, une taxe ou une subvention importante ». Le patron de Bois du Nord milite pour le développement de circuits courts dans sa filière pour sauver cet outil tant plébiscité.
Brice Bacquet

Photo : La société Bois du Nord a été créée à l’initiative de la province Nord pour développer la filière bois en Nouvelle-Calédonie. B.B.