[DOSSIER] Avis de tempête sur les ventes de bateau

Les propriétaires multiplient les supports pour vendre : petites annonces, réseaux sociaux, courtiers et dans les marinas. © F.D.

Le marché des navires de plaisance, neufs comme d’occasion, est face à une situation inédite. L’offre augmente, avec des propriétaires en besoin de liquidités rapide, et la demande est en attente avec un pouvoir d’achat déclinant.

Sur internet, les petites annonces de bateaux se multiplient et leur descriptif exprime parfois une réelle détresse. Un bateau fibre de 4,2 m est proposé avec la mention « urgent vraiment besoin d’argent ». Une autre précise « dernier prix, vends à perte ». Un dernier offre d’échanger son navire de 5,4 m contre un pick-up, avec « double cabine, bull bar, treuil et clim ».

« Il y a beaucoup d’annonces depuis mai 2024, confirme un professionnel de Nouville. Tout le monde veut récupérer ses billes. » Selon le capitaine d’un port, plusieurs plaisanciers ont été contraints de vendre leur bateau, faute de pouvoir payer leurs traites. Ces ventes à contre-cœur sont probablement à l’origine de l’arrivée de nouveaux acheteurs étrangers. « Le taux de change leur est favorable. Ils profitent de ventes un peu forcées pour réaliser de bonnes affaires », explique le capitaine.

« J’ai récupéré des Américains parce que le dollar est fort », confirme Thomas Lundqvist, gérant de Yachting 22°, une société de courtage en bateaux. Il accueille régulièrement des clients en provenance des États- Unis et d’Australie, mais plus de Nouvelle-Zélande, en raison du manque de rotations aériennes et de consignes de sécurité encore fortes. « Si le bateau a la capacité de traverser, il se vend », assure-t-il. Des unités de 12 à 15 mètres, à partir de 25 millions de francs. En 2023, les affaires maritimes recensaient 1 360 navires de plus de 10 mètres. « Avant, il y avait des acheteurs locaux et là, il n’y en a pas du tout, indique Thomas Lundqvist. Les bateaux qui ne peuvent pas partir de Nouvelle-Calédonie se vendent moins chers. »

« UN TROU NOIR »

Le secteur des bateaux neufs pâtit de cette baisse des prix sur le marché de l’occasion. « D’habitude le samedi, on a plein de monde. Cela en fait deux de suite où il n’y a personne », se désole une commerçante. Son chiffre d’affaires avait déjà subi les conséquences de la guerre en Ukraine et la hausse du tarif de l’aluminium, « les bateaux ont pris 30 % ». « Depuis, les émeutes, c’est la catastrophe, on est face à un trou noir », constate-t-elle. Dans sa boutique, les clients préfèrent investir dans les remorques ou les moteurs, de manière à prolonger la durée de vie de leur embarcation. Les entreprises ne commandent plus de produits supplémentaires face à cette baisse de la demande et une trésorerie sous tension.

Un revendeur de Nouméa observe toutefois de nouvelles tendances : « Les petits bateaux ont augmenté en vente. J’ai été agréablement surpris qu’il y ait des acheteurs ». Les unités les plus demandées mesurent entre 4,2 et 4,5 mètres. « Des gens investissent pour aller chercher à manger en mer », en conclut l’expert. En 2020, l’Observatoire des pêches côtières estimait que 85 % de la consommation de poissons lagonaires provient de la pêche vivrière et de loisir. Un chiffre qui a très probablement augmenté depuis mai 2024.

F.D.

Des épaves encombrantes

Le traitement des navires hors d’usage est perçu comme une filière porteuse pour le développement de l’économie bleue et circulaire en Nouvelle- Calédonie. Il s’agit même d’un des axes prioritaires portés par le Cluster maritime, qui évalue le « nombre de navires en fin de vie qui auraient besoin d’être déconstruits dans les années à venir à 8 000 unités approximativement ». Plusieurs opérations de démantèlement ont été portées par la puissance publique : les derniers blue boats vietnamiens en 2021, 16 bateaux en 2022 et des épaves de Numbo en 2023.

Aujourd’hui, « la filière est à l’arrêt », estime Loïc Luciani, cogérant de Royal Recy Boat. « Nous n’avons eu aucune activité depuis trois ans. » Ces opérations sont coûteuses et, faute de finances publiques, aucun chantier n’est annoncé pour traiter les nombreuses épaves présentes sur le territoire : « matériels et objets laissés sous l’eau par l’armée américaine après la guerre », « anciennes barges du secteur minier échouées ou coulées dans les baies autour de Nouméa » ou encore « des épaves modernes abandonnées sur le littoral ou les récifs », liste le cluster.

Deux chantiers de démantèlement sont toutefois attendus par les experts : les deux P400, La Glorieuse et La Moqueuse, de la Marine nationale et l’Alis de l’Ifremer.