Passé par les États-Unis pour une formation et par le porte-avions Charles de Gaulle pour des missions, le lieutenant de vaisseau Thierry* enchaîne des opérations très variées à bord du Gardian.
Ses mains et son analyse quident les yeux au-dessus de sites en détresse. Le luetenant de vaisseau Thierry, 39 ans, originaire de la région de Toulon, pilote les Gardian, les avions de patrouille maritime appelés sur un large panel de missions. Pas de hasard, son père œuvrait dans l’aéronavale et son oncle portait l’uniforme de sous-marinier. « Mais la décision de m’engager s’est faite à la fin du lycée. Je voulais être pilote. »
Dans le viseur : la voie d’élève-officier pilote de l’aéronautique navale ou Éopan, accessible par un concours très strict post-bac. Un bon niveau aux tests psychotechniques, en anglais et en sport, est requis. Préparé en outre au pilotage sur les nuages dès ses 18 ans, Thierry est admis en 2007. Direction l’escadrille 50-S à Lanvéoc-Poulmic dans le Finistère, en Bretagne, pour la sélection en vol. Reçu à nouveau parmi une vingtaine de candidats sur plus d’un millier au départ avec deux choix alors possibles : l’hélicoptère ou l’avion. La seconde option est retenue.
Les études se déroulent ensuite au sein de promotions avec l’armée de l’air, à Salon-de-Provence et à Cognac. À terme, « je suis parti dans le cursus chasse » et non pas la patrouille maritime avec une sélection en poche pour dompter le Hawkeye, avion américain de guet aérien doté d’un gros radar au-dessus du fuselage. Thierry achève sa formation pendant deux ans et deux mois dans une classe de l’US Navy aux États-Unis, en passant par le Texas, la Floride, le Mississippi et la Virginie.
AU-DESSUS DE L’IRAK ET DE LA SYRIE
Doté d’une qualification spécifique made in USA, le marin réalise, dès son retour en France fin 2012, des missions durant près de dix ans à bord de ce Hawkeye sur le porte-avions Charles de Gaulle. La Marine nationale compte trois exemplaires. « Nous utilisons son radar pour voir loin en termes de protection, mais aussi de projection de puissance au-dessus de la terre ou de la mer en collaboration avec des Rafale », explique l’ex-basketteur et karatéka qui participe, de 2012 à 2018, à toutes les opérations du porte-avions. Comme l’opération Chammal « au-dessus de l’Irak et de la Syrie » contre l’État islamique.
Autre ambiance pour « un break », les portes du Pacifique et de la Nouvelle-Calédonie s’ouvrent ensuite pendant deux ans. Thierry est pilote sur Gardian avec une promotion de chef de bord en fin de séjour. Le Hawkeye se rappelle à lui, de 2020 à 2024, avec une base à Lorient, en Bretagne. Et de nouveau, remise du collier de fleurs à La Tontouta en juillet de l’an dernier. « Fort de mon expérience de pilote sur Gardian et de ma connaissance du théâtre Pacifique, j’ai été nommé chef du détachement 25F en Nouvelle-Calédonie pour deux ans », signale le militaire.
En clair, il s’agit de gérer deux équipages et autant d’avions, des Falcon 200 Gardian, « des dérivés d’avions d’affaires civils de chez Dassault, fabriqués dans les années 1980 et modernisés spécialement pour de la surveillance maritime ». Des appareils qui n’ont plus d’équivalents dans le monde et sur lesquels la formation n’existe pas en Métropole. Cette modernisation se traduit par la réalisation de grands hublots latéraux qui permettent d’avoir un champ de vision décuplé, mais aussi une trappe de largage pour lancer des canots de survie. En outre, un radar est intégré dans le nez de l’appareil.
SCRUTER PORT-VILA
Le Gardian a des missions très diverses : la souveraineté dans la zone de responsabilité des Fanc, mais aussi du Pacifique avec le reste de la flottille établie à Tahiti, la surveillance des approches maritimes, les recherches et sauvetages en mer, l’aérotransport, la lutte contre les pêches illégales, le narcotrafic et la piraterie, enfin les évacuations sanitaires.
Autrement dit, « cet avion est un peu un couteau suisse pour l’état-major en Calédonie, apprécie Thierry. On peut nous appeler, d’un jour à l’autre, pour l’une des missions. En moyenne, le détachement opère 650 à 700 heures de vol dans l’année. Le plus gros de ces heures est réalisé au-dessus de la mer. » L’équipe est en alerte 365 jours par an, 24 heures sur 24, avec un maximum de six heures entre le signal et le décollage. « Généralement, on décolle en moins de quatre heures. »
En 2016 et 2017, le Gardian repère les blue boats, bateaux vietnamiens en flagrant délit de pêche illégale, dans le nord. Le 18 décembre 2024, le lieutenant de vaisseau et ses collègues sont les premiers au-dessus du Vanuatu et de Port-Vila pour dresser un état des lieux des dégâts après le puissant séisme. « Notre principal capteur, ce sont la vue et l’appareil-photo. »
Le bimoteur n’a pas pu se poser en raison des doutes sur la qualité de la piste à l’aéroport Bauerfield. « Depuis l’avion, nous avons vu des bâtiments effondrés dans le centre-ville, des fissures sur des ponts… » Le but est alors d’envoyer au plus vite les photos à Nouméa afin que l’état-major puisse acheminer des troupes et des moyens humanitaires adaptés. Ce qui a été fait. Si ce déplacement est exceptionnel, les opérations de sauvetage en mer sont régulières, à raison de six en moyenne par an. « Notre champ de missions est varié, note Thierry. C’est valorisant pour les équipages. »
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