Annulations de chantiers, demandes de devis en baisse, chute de la consommation des particuliers… Les artisans du bâtiment comptent parmi les plus touchés du secteur. Témoignages.
Muni d’un rail de placo et d’un mètre, Frédéric Lack prend quelques mesures sur la baignoire d’une maison bientôt mise en vente. Le but, explique-t-il, est de « l’habiller » à l’aide de placo. Depuis trois semaines, ce chantier est l’un des seuls sur lequel le plaquiste travaille. « Jusqu’au mois dernier, ça allait encore. Mais là, je me retrouve sans travail, ce qui m’arrive très rarement », confie-t-il.
La crise de 2024 ayant entraîné une baisse considérable des moyens financiers des particuliers et des collectivités, de nombreux chantiers ont été annulés. Y compris ceux qui « rapportent beaucoup », comme la construction de surfaces commerciales ou d’agences de l’Office des postes et télécommunications (OPT). « En général, je ne m’inquiète pas lorsque je ne travaille pas pendant une semaine, car je sais que de grosses commandes arrivent par la suite. Mais là, rien. »
UN CHIFFRE D’AFFAIRES EN BERNE
Une situation qui inquiète l’artisan. Car s’il compte, comme beaucoup, sur la reconstruction à venir, il faudra encore du temps pour qu’il soit appelé. « Je suis plaquiste, donc je ne suis pas le premier dans la chaîne de construction d’un bâtiment », souligne-t-il.
Pour Jonathan*, plombier depuis 23 ans sur le territoire, l’activité est également au plus bas. Les seuls travaux pour lesquels il est sollicité ne lui rapportent pas suffisamment. « Je ne fais que de la réparation de fuites avec, de temps en temps, un changement de robinet… C’est catastrophique », glisse-t-il.
Sur 2025, son chiffre d’affaires a chuté de 70 %, affirme-t-il. Conséquence, selon lui, « des nombreux départs du territoire » qui ont fait « chuter la clientèle », mais aussi de « l’avenir incertain ». « Les gens sont bloqués, ils ne veulent plus investir et rénover leur maison », explique-t-il, en prenant pour simple exemple la rénovation des chauffe-eaux. « Normalement, ils doivent être obligatoirement révisés tous les ans au risque de ne plus être couvert par l’assurance habitation. Eh bien, je n’en ai pas contrôlé un seul depuis plus d’un an ».
Résultat, il devient très difficile pour sa famille et lui d’assurer le crédit de leur maison qu’ils pensent peut-être à mettre en vente, si la situation s’envenime encore. « Chaque fin de mois, c’est l’angoisse. Pour ne pas sombrer quand on est artisan en ce moment, il faut vraiment s’accrocher. »
Je ne fais que de la réparation de fuites avec, de temps en temps, un changement de robinet… C’est catastrophique.
POLYVALENCE
Par chance, certains, comme Jean-Claude Saimin, sont polyvalents. Peinture en bâtiment, revêtements, mise en place de clôtures… C’est un touche-à-tout. « Je pense que c’est ça, le secret » pour survivre, partage celui-ci. « Certains de mes collègues artisans sont spécialisés dans un métier en particulier et j’ai vu que pour eux, l’activité a bien baissé », constate-t-il.
De son côté, les demandes de devis ont également diminué. Au lieu d’en avoir plusieurs par semaine comme auparavant, « si j’en ai une aujourd’hui, c’est déjà bien ». Heureusement « j’ai une clientèle fidèle », se rassure-t-il. « Le bouche à oreille, ça marche bien. »
Aucun des trois n’a bénéficié d’aides, depuis mai 2024. Soit parce qu’ils n’en ressentaient pas le besoin il y a quelques mois, soit parce qu’ils n’étaient pas éligibles à en obtenir. « Le problème, explique Jonathan*, c’est que les institutions ont associé ces aides à la chute du chiffre d’affaires. Or, le chiffre d’affaires ne veut rien dire, c’est le revenu qu’il aurait fallu prendre en compte ».
Pour ces trois artisans du BTP, la solution à cette diminution d’activité est politique : « Il faut que les choses bougent, et qu’on trouve un accord. Car il n y a plus d’investisseurs, et sans investisseurs, il n y a pas d’argent », résume Frédéric Lack.
Nikita Hoffmann
*Le prénom a été modifié.