[DOSSIER] Ambulanciers, « dernière roue de la charrette »

Le territoire compte approximativement 70 sociétés d’ambulance. Photo NH

La crise a accentué les difficultés pour les ambulanciers. Syndicats et entreprises réclament des réformes de fond.

Les demandes sont rabâchées depuis plusieurs années. Mais aujourd’hui, au vu de la situation sanitaire du territoire, « on joue avec la santé des Calédoniens », estime Kamilo Tamole. Si les problématiques au sein de la profession sont nombreuses, le président du Syndicat des ambulanciers de Nouvelle-Calédonie (SANC) pointe en premier lieu un souci de « désorganisation » dans les interventions d’urgence. Notamment, de nuit.

À cause d’une « insuffisance tarifaire, explique-t-il, bon nombre d’ambulanciers préfèrent travailler de jour », laissant les pompiers être davantage appelés la nuit. Une situation qui s’est accentuée depuis 2016, date à laquelle le gouvernement ‒ présidé alors par Philippe Germain ‒ a décidé de délivrer des agréments, laissant le choix aux ambulanciers de travailler soit de nuit, soit de jour. Or, « c’est notre métier aussi de travailler de nuit. Ce n’est pas une question de vouloir ou ne pas vouloir, c’est une obligation. […] Le vrai problème, ce sont les tarifs. Si nous étions payés en conséquence, tout le monde travaillerait la nuit ».

Selon un audit commandé par la collectivité et livré en 2015, les tarifs fixés en Nouvelle-Calédonie pour les ambulanciers seraient « à 82 % de ce qui est exercé en métropole », donc « en dessous de ce qu’ils devraient être ». Afin de permettre une meilleure organisation de nuit et d’optimiser les coûts liés aux transports, le syndicat a « maintes fois » fait part aux gouvernements successifs de la nécessité de « mutualiser les moyens humains et techniques ». Mais, regrette Kamilo Tamole, « tous ont balayé la question ».

UN MANQUE DE MOYENS

Une revalorisation tarifaire qui, selon Laurence Acitino, présidente du groupe- ment des ambulanciers privés (GAP NC), est « plus que nécessaire », au vu des charges qui incombent à la profession. « On s’est pris la hausse du carburant, la hausse des matières premières, le manque de pièces et la hausse des tarifs des pièces détachées… Tout cela nous tire vers le bas », illustre celle-ci.

Sans compter la TGC à 22 % à laquelle les ambulanciers sont soumis depuis 2018, sans déduction possible. « Les VSL [véhicule sanitaire léger] que l’on achète, coûtaient 4 millions de francs, ils sont passés à 6,5 millions. […] Pour nous, c’est un investissement énorme », souligne Laurence Acitino. D’autant que les délais d’attente pour faire venir des véhicules sont particulièrement longs. « Un an mininum. Il ne faut pas en avoir besoin demain… » Résultat, « beaucoup de sociétés d’ambulance sont en difficulté en ce moment, en redressement judiciaire ».

Depuis la crise, la profession n’échappe pas aux nouvelles conditions fixées par les compagnies d’assurances. En clair, « en dehors des quartiers Sud, les assurances n’assurent plus et ne renouvellent plus les contrats. Mais du coup, qu’est-ce qu’on fait ? Comment on fait pour travailler ? […] On ne peut pas parler de reconstruction dans ces conditions ! », signale Kamilo Tamole, dont la société (Ambulances Saint-Jacques) s’est difficilement installée récemment au 4e km.

Plus globalement, c’est un « manque d’écoute et de concertation » de la part des collectivités et des organismes impliqués dans le domaine de la santé qui est dénoncé. Absence de télétransmission, facturation « complexe » du système de kilométrage, délais de paiement variables… « Au niveau administratif, on pourrait vraiment simplifier les choses, mais personne ne veut s’occuper de nous, regrette Laurence Acitino Nous sommes vraiment la dernière roue de la charrette au niveau des professionnels de santé ».


Des difficultés de recrutement

Comme d’autres professions de santé, les sociétés d’ambulance peinent à recruter du personnel. Une problématique qui n’est pas nouvelle, mais qui « étonne » alors que le chômage explose. « Avec tous les gens qui ont perdu leur emploi, je pensais avoir plein de demandes. Et bien pas du tout », regrette Laurence Acitino. Le diplôme d’ambulancier demande quatre mois de formation, au sein de l’Institut de formation des professions sanitaires et sociales (IFPSS) de Nouvelle- Calédonie. Les dates de la prochaine session de formation seront bientôt mises en ligne sur leur site (www.ifpss.nc). En parallèle, il est également possible de devenir auxiliaire ambulancier. Cette profession nécessite de détenir le PSC1 et le PSC2 (une semaine de formation chacun), un casier judiciaire vierge, ainsi qu’une autorisation de conduite des ambulances de la DITTT.

Nikita Hoffmann