[DOSSIER] Accord de Bougival : le projet dans un temps suspendu

Ludovic MARIN / AFP

Manuel Valls le savait. Sitôt le stylo posé après la signature du projet d’accord sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, samedi 12 juillet, à Bougival, le ministre des Outre-mer a livré sa préoccupation première sur la radio France Inter : « Le plus difficile reste sans doute à faire pour les responsables politiques calédoniens : convaincre, expliquer, tracer une perspective ».

Si quelques réticences parmi les militants nécessitent de la pédagogie de la part des Loyalistes et de Calédonie ensemble ou de l’UNI, groupes satisfaits de l’accord passé, l’UC-FLNKS tique. Les prochains jours, voire semaines, seront déterminants pour l’Union calédonienne et le Front. Leurs signataires iront à la rencontre de la base. Une position émergera. À l’heure actuelle, la contrariété ou l’incompréhension prédominent face au projet de Bougival, à entendre ces dirigeants indépendantistes. Ce qui interroge sur les circonstances exactes qui ont amené la délégation à signer le document et questionne la position de Christian Tein, président du FLNKS nouveau format, ce soir-là.

« Personne ne pensait qu’après Bougival, ce serait un chemin de fleurs », a admis Philippe Dunoyer, de Calédonie ensemble, samedi 19 juillet, devant les adhérents. Même si les périodes ne sont pas comparables et les acteurs ont changé, la tentation est de regarder dans le rétroviseur. En 1988, après la signature de l’accord de Matignon, un accord de paix, de retour sur le Caillou, « Jacques Lafleur avait dû affronter une bronca », se souvient Jean- Claude Briault, ancien cadre loyaliste et signataire de l’accord Oudinot. Des réunions étaient houleuses. L’amnistie des crimes de sang et la perspective de l’attribution de deux provinces aux indépendantistes ne passaient pas parmi les militants tricolores. Les exercices d’explication de l’accord furent longs et nombreux.

Côté pro-Kanaky aussi, la tension était palpable, jusqu’au drame du 4 mai 1989 sur l’île d’Ouvéa. En 1998, l’ambiance était tout autre. Parce qu’« il y avait une volonté de part et d’autre d’aboutir à une solution consensuelle », explique Jean-Louis d’Anglebermes, membre de l’équipe indépendantiste de négociation à l’époque. Lors de ces deux moments charnières de l’histoire contemporaine de la Nouvelle-Calédonie, deux blocs politiques se parlaient, le RPCR et le FLNKS.

Aujourd’hui, l’échiquier est divisé. La construction d’un avenir n’en est pas facilitée. Et d’autres épreuves se présenteront, à court terme, si le projet d’accord de Bougival progresse vers une validation. Il faudra passer le contrôle de constitutionnalité, réunir les 3/5es du congrès de Versailles pour la révision constitution- nelle, sans se prendre les pieds dans une possible chute du gouvernement national. « Le plus difficile reste sans doute à faire », disait Manuel Valls. Y.M.