Dojo de Magenta Tours, lieu d’espoir pour la société

Bénévoles, habitants, élus... Une centaine de personnes ont participé à l’inauguration du dojo, mardi 18 juillet.© G.C.

Mardi 18 juillet, l’association les Kimonos du cœur a inauguré la salle Antoine-Kombouaré, où le judo sera l’une des nombreuses disciplines enseignées. Les élus placent de grands espoirs dans cette structure éducative, vue comme un remède aux maux de la jeunesse calédonienne.

Les discours ont épuisé la patience des enfants. Au fond du dojo, ils inaugurent les tatamis à leur façon, qui ressemble davantage à du combat de rue qu’aux mouvements magistraux de Yamashita. Pour des O-soto-gari impeccables, il faudra laisser aux ceintures blanches le temps de se colorer. D’ici là, les enfants auront appris bien plus que des prises de judo.

L’ambition des Kimonos du cœur est inscrite dans l’entrée, qui donne sur une salle de classe et des ordinateurs. « L’éducation est l’arme la plus puissante pour changer le monde », dit la citation attribuée à Nelson Mandela. « L’association est tournée vers la jeunesse, c’est une aide aux enfants en difficulté », rappelle Laurent Calleja, son président. « Moi, j’ai eu la chance de partir sur de bons rails. Tous les enfants n’ont pas cette chance-là. On est là pour essayer de leur donner un petit coup de pouce », insiste l’entraîneur de Teddy Riner.

« ICI, C’EST CHEZ VOUS »

Les kimonos seront fournis aux enfants. Ils sont déjà accrochés au plafond, sur des rails actionnés par des commandes électriques. C’est là qu’ils sécheront après un passage par la laverie interne, qui fonctionnera grâce au travail des bénévoles.

L’équipe de 35 personnes, renforcée par la notoriété du parrain du dojo, s’est démenée pendant deux ans pour obtenir les subventions (Agence nationale du sport, province Sud…) et les donations nécessaires. Elle s’autorise déjà de nouvelles ambitions. Il est question de Padels du cœur, dans un parc de sport qui sera aménagé d’ici deux ans en face de ce dojo étincelant. « Ici, c’est chez vous. Il faudra prendre soin de ce lieu », lance Antoine Kombouaré aux enfants de Magenta tours.

Invitant chacun à s’approprier le dojo, Vaimu’a Muliava considère que « le temps de l’organisation verticale de nos espaces communs est révolu ». Le membre du gouvernement voit dans la concrétisation du projet « une belle image de convergence citoyenne », une célébration du « lien de confiance » entre collectivités et populations.

UN ENDROIT POUR TRAVAILLER LE « COMPORTEMENT »

Gil Brial loue le travail des associations qui « améliorent les conditions de vie de la population ». Le vice-président de la province Sud évoque le récent « saccage » du restaurant le Shangri La. « Quand on voit cette jeunesse de côté, on se dit qu’il y a encore beaucoup de travail. » Pour « enrayer » la délinquance, il faut « occuper » les mineurs. Le dojo est un lieu qui les « inspirera », qui les poussera à « réaliser leurs rêves », espère Diane Bui Duyet, élue à la mairie de Nouméa.

Louis Le Franc, haut-commissaire de la République, voit lui aussi de l’« espoir ». « Par rapport à la vie des jeunes d’aujourd’hui, on a besoin de ce genre de sport. Il faut qu’ils viennent à l’intérieur et travaillent sur le comportement », estime Ezequiel Waneux, président de l’association Mieux vivre à Magenta tours. Le dojo est « une mine » d’où peut sortir « quelque chose de grandiose », si les ambitions affichées lors de l’inauguration deviennent réalité. « Il faut qu’on arrive à concrétiser tout ça. Chaque personne va apporter du soin à cette salle. Et en retour, la salle va donner quelque chose à chacun. »

Gilles Caprais

 

Antoine Kombouaré : « La Calédonie que j’aime »

Antoine Kombouaré a exprimé sa fierté de participer à ce projet. (© C.M.)

L’installation porte le nom d’un grand sportif, non pas de judo mais de football. Antoine Kombouaré, ancien défenseur et entraîneur national, explique pourquoi il a accepté de rejoindre l’équipe des Kimonos du cœur.

DNC : Comment avez-vous été amené à intégrer ce projet et qu’est-ce qui vous a séduit ?

Antoine Kombouaré : Pendant le confinement. Laurent Calleja, qui est un très bon copain, m’explique qu’il a décidé de monter ce projet de dojo avec des frères du judo pour venir en aide aux jeunes. Je lui ai répondu, “tu sais, moi je fais du foot !” Ils avaient pensé à moi pour faire partie des fondateurs. Il m’a présenté les autres : j’ai vu un Tahitien, deux Wallisiens, trois Kanak, des Caldoches. Je me suis dit, ça, c’est la Calédonie que j’aime. Celle que je connaissais avant de partir en 1983. J’étais déjà conquis. Et aujourd’hui, c’est cette Calédonie que j’ai envie de voir. Dans mon sport, je défends ces valeurs de respect, de cohésion, de partage, de solidarité et j’ai toujours pensé que les différences faisaient la force. À partir de là, on peut faire ce que l’on veut !

Vous prêtez votre nom, ce n’est pas rien…

Bien sûr, c’est beaucoup de responsabilités, mais de fierté aussi parce qu’enfin je me sens utile, j’ai le sentiment que je vais rendre à mon pays un petit quelque chose. C’est la première fois que je suis engagé dans du caritatif en Nouvelle-Calédonie. C’est quelque chose qui était en moi et dont je ressentais le besoin. Depuis des années, ça me tracasse de me dire qu’en Métropole, en Afrique, j’ai aidé les jeunes. Je n’ai jamais oublié d’où je viens, mais j’attendais
la bonne opportunité, les bonnes personnes. Je suis tellement heureux, ils m’ont fait un beau cadeau. J’ai eu des sollicitations pour des stades de foot, mais j’ai toujours refusé parce que je ne me sentais pas prêt… Là, c’est plus petit et je m’y retrouve plus.

Quel message avez-vous pour la jeunesse ?

L’idée est d’apporter l’éducation dans les tours de Magenta et, surtout, de faire comprendre aux jeunes que c’est possible. On a réussi dans nos parcours parce qu’à un moment, il y a des gens qui nous ont tendu la main, qui ont cru en nous. Peut-être qu’il y aura un ou deux gamins qui vont sortir de là et qui demain seront des grands champions, des professeurs, des chercheurs, des pilotes… L’éducation, c’est l’arme ultime qui permet de sortir, de s’enrichir et de réussir dans la vie, c’est tout le combat qu’on a à mener ici. La Nouvelle-Calédonie a une population très jeune. Il y a de la vie, beaucoup d’énergie, d’espoir qu’il faut placer en elle, mais il faut les guider, les accompagner, les éduquer, transmettre… C’est ce qu’on espère pouvoir amener avec notre infime participation.

 

Pascal Lafleur : « Une initiative remarquable »

La signature de la convention entre la Sofical et les Kimonos du coeur au dojo, mardi 18 juillet. Antoine Kombouaré, Pascal Lafleur, Laurent Calleja avec Marc Hmazun et Jérôme Guiot. (© C.M.)

Le groupe SOFICAL, avec le journal Demain en Nouvelle-Calédonie, est le plus important contributeur privé du projet. Pascal Lafleur explique pourquoi il soutient cette initiative en faveur de la jeunesse.

DNC : Comment le groupe a-t-il été amené à soutenir ce projet ?

Pascal Lafleur : C’est en lisant DNC que j’ai eu connaissance du projet de cette association et, surtout, qu’elle avait perdu son principal soutien privé. Je me suis dit que cet engagement en faveur des jeunes ne pouvait pas être retardé ou ne pas aboutir. La motivation de cette équipe de bénévoles ne devait pas être déçue. Cette action est également en conformité avec ce en quoi je crois.

Qu’est-ce qui vous a séduit ?

Je considère cette initiative comme remarquable à une époque où nous entendons parler de « décivilisation ». C’est-à-dire, je pense, d’une perte de civisme, de respect des autres et des règles de la vie en société. Le sport en général et les arts martiaux en particulier sont une école de la vie. On y apprend le respect de l’autre, la solidarité, l’engagement ou la combativité pour réussir. Les valeurs du judo que les Kimonos du cœur affichent à l’entrée du dojo devraient être les règles de vie de chacun.                                                      Agir en faveur des jeunes, notamment au travers d’un sport que j’affectionne pour l’avoir pratiqué au sein, je ne dirais pas d’un club, mais de la famille de l’AJKA, m’a immédiatement donné l’envie de participer. J’ajouterais que de nombreuses années après, je garde un excellent souvenir et une grande considération pour Monsieur et Madame François en charge de l’AJKA à l’époque. Je souhaite que les jeunes qui viendront aux Kimonos du cœur aient la même expérience que moi.
Enfin, le parrainage d’Antoine Kombouaré me fait plaisir. Comme d’autres, il porte une belle image du sport, de la réussite et du territoire. Je pense également à ceux qui nous ont quittés, comme Marc Kanyan et Jacques Zimako.

La jeunesse est-elle suffisamment accompagnée ?

Je pense que les responsables politiques ne font pas ce qu’il faut pour la jeunesse. Nous pouvons déplorer le développement de la délinquance et toutes les conséquences qu’elle entraîne tant dans les familles que dans la population, mais également pour l’image que cela donne au territoire. Si rien n’est fait, le phénomène s’amplifiera. La sanction, la répression sont nécessaires mais ne sont pas suffisantes. Notre système doit être repensé. Cela commence par l’éducation, l’enseignement, l’accompagnement de ceux qui ne peuvent pas l’être, durant leur scolarité, par la cellule familiale. Il ne faut faire ni de l’assistanat, ni de la démagogie, ni faire croire à une partie de la jeunesse, parce qu’elle obtient un bac, qu’elle a un niveau quand ce n’est pas le cas. Les conséquences sont lourdes pour tout le monde par la suite.

Propos recueillis par Chloé Maingourd