Deux droites, deux lignes pour l’avenir

Débuté par un dépôt de gerbes à la croix de Lorraine et une pensée sur la place de la Paix, le déplacement de Marine Le Pen s’achèvera par une réunion publique vendredi 30 mai au soir, à l’hôtel Château Royal. (© Y.M)

Alors que Marine Le Pen, du Rassemblement national, milite en Nouvelle-Calédonie pour un temps de stabilité favorable à l’investissement, avant un référendum dans 30 ou 40 ans, François-Xavier Bellamy, des Républicains, également en visite, rejette l’option d’une quatrième consultation et veut un respect des trois non.

L’échec du « conclave » de Deva, par le rejet des Loyalistes et du Rassemblement de la proposition du ministre Manuel Valls axée sur une souveraineté avec la France, a repositionné la Nouvelle-Calédonie comme un enjeu national. Et, par effet ricochet, un terrain de campagne électorale, en vue de l’élection présidentielle de 2027. Après plusieurs prises de parole à l’Assemblée nationale et une visite de parlementaires de La France insoumise en ce mois de mai, Marine Le Pen, cheffe de file du Rassemblement national, et François-Xavier Bellamy, vice-président des Républicains, séjournent, hasard de calendrier, sur le Caillou, du mercredi 28 jusqu’à ce week-end. Quatre jours aux programmes bien distincts, alimentés par des arguments différents. Même si le président de la République compte réunir les forces politiques calédoniennes à Paris à partir de la mi-juin pour relancer le dialogue, l’actuel moment de flottement est propice à toutes les suggestions.

« L’OBSESSION INSTITUTIONNELLE »

L’idée de Marine Le Pen, relayée par son représentant local, Alain Descombels, et déjà mentionnée l’an dernier, a été réaffirmée dès le premier jour de sa visite, devant la célèbre poignée de main, place de la Paix, à Nouméa. « S’il n’y a pas de développement économique et social de la Nouvelle-Calédonie, s’il n’y a pas un vrai rééquilibrage, il n’y aura pas de stabilité institutionnelle », a observé la candidate RN qui a, par deux fois, accédé au second tour de l’élection présidentielle et réalisé des scores très honorables dans l’archipel en 2022 et surtout en 2017.

Autrement dit, « l’obsession institutionnelle du gouvernement [central] a un énorme trou dans la raquette, qui est le développement économique de l’île, la capacité à se projeter dans de grands projets économiques ». La députée Rassemblement national du Pas-de-Calais, dont la dernière visite remontait à 2013, a même listé des ambitions : « un plan Marshall » pour l’agriculture avec une diversification du secteur, un développement du service militaire adapté (SMA) ainsi que d’une base navale. Il faut même « réfléchir aux conditions de développement du potentiel sous- marin ».

Un projet très polémique, d’autant qu’un moratoire de 50 ans a été voté au Congrès. Au terme de cette période de stabilité et d’investissements, c’est-à-dire dans 30 ou 40 ans, Marine Le Pen entrevoit l’existence d’un référendum. « Nous verrons bien ce que la population décidera dans le cadre d’un processus démocratique ». Un virage total du parti d’extrême droite, soutenu par « la réalité ». Par le passé, le mouvement s’était, en effet, opposé aux consultations d’autodétermination. Cette nouvelle ligne vient à rebours du discours commun en Nouvelle-Calédonie qui promeut une visibilité politique pour un redémarrage économique.

« On sort de l’incertitude en démocratie en respectant le choix des électeurs », a argué
le LR François-Xavier Bellamy, entouré de Laurent Jeandot, du groupe éponyme, et de la présidente de la province Sud, Sonia Backès. (© Y.M)

« PAS LE DROIT DE JOUER »

Les entreprises, l’industrie, le retour de la création de richesse sont aussi au centre des préoccupations de François-Xavier Bellamy, cadre du parti LR et député européen, qui s’est exprimé mercredi entre les murs du concessionnaire automobile Jeandot noircis par les flammes. « On va se battre à Paris et Bruxelles pour garantir trois principes », a insisté le parlementaire, déjà venu à Nouméa en 2023. Au-delà de la sécurité et de la prospérité économique, le bras droit de Bruno Retailleau veut de « la lisibilité dans la durée », et ce, « pour pouvoir investir dans l’avenir ». Ainsi « les politiques au plus haut sommet de l’État, en particulier, n’ont pas le droit de jouer avec des questions aussi déterminantes que le respect de la volonté des Calédoniens, telle qu’elle s’est exprimée dans les trois référendums. Il faut partir de là ».

L’élu vise ici, sans le nommer, le ministre des Outre-mer, Manuel Valls, porteur d’un projet de souveraineté avec la France. En clair, trois consultations, « trois non » à l’indépendance, a appuyé François-Xavier Bellamy, qui, avec une même fermeté, avait milité, une semaine après le début des émeutes de mai 2024, pour que la réforme constitutionnelle sur le corps électoral provincial soit menée jusqu’à son terme.

Yann Mainguet