Tourisme : des mesures pour l’industrialisation

Après les Assises du tourisme de 2005, la province Sud a décidé, en partenariat avec les autres provinces, de faire un bilan du développement touristique de ces dix dernières années. Les ateliers du tourisme ont également été l’opportunité de définir les axes pour conduire le tourisme sur la voie de l’industrialisation.

L’heure du bilan. Après dix années, le PDTNC, le plan du développement concerté du tourisme, a fait long feu et, pour reprendre les mots de Martine Lagneau, la vice-présidente de la province Sud, il était temps d’en faire le bilan, de voir ce qui a été réalisé, les actions en cours et ce qui n’a pas été fait. L’élue en charge du développement touristique a ouvert la restitution des ateliers du tourisme qui s’est tenue vendredi soir, au centre administratif de la province Sud devant une salle comble, signe de la forte attente des professionnels. Les ateliers, conduits par Steeve Hamblin, chargé de mission de la province Sud mais surtout ancien ministre polynésien du tourisme, avaient l’ambition de faire la synthèse des propositions des acteurs du secteur. Entre 400 à 500 personnes ont été auditionnées afin de pouvoir aboutir à un document qui sera présenté au Congrès. Contrairement au plan de développement de 2005 qui n’a que peu avancé sur la question de la concertation, les conclusions des ateliers soulignent l’importance d’organiser le tourisme calédonien, en créant une structure qui permettra de simplifier les obstacles liés à la provincialisation. Un outil indispensable pour atteindre les objectifs ambitieux que se sont fixés les provinces. D’ici dix ans, les promoteurs du tourisme tablent sur un doublement du nombre de visiteurs classiques et un peu plus qu’un doublement pour les croisiéristes. À terme, les projections permettent d’espérer 200 000 touristes et plus de 1,2 million de croisiéristes chaque année. Le secteur représenterait alors 7 % du PIB pour 10 000 emplois (contre 5 500 aujourd’hui) et des dépenses touristiques de l’ordre de 47 milliards de francs par an. Mais pour y parvenir, il faudra investir. Pour accueillir ces touristes, il faudra construire 500 clefs supplémentaires (la Nouvelle- Calédonie en compte aujourd’hui 1 900), ce sont les chambres correspondant à un taux de remplissage de 75 % pour ce niveau de visiteurs. Les experts estiment que dans les dix ans, les recettes touristiques pourraient s’élever à 395 milliards de francs pour 84 milliards d’investissement. Pour parvenir à ce résultat, les ateliers ont approfondi les grandes problématiques.

Une nouvelle gouvernance

La question de la gouvernance est centrale et a longtemps constitué un frein au développement touristique, notamment en raison de la répartition des compétences aux trois provinces. Cet éclatement des responsabilités et des visions stratégiques a parfois conduit à la mise en place d’actions contre-productives ou un gaspillage d’argent en matière de communication à l’extérieur du territoire. Tout en respectant le partage des compétences et les spécificités propres à chaque province en matière de développement touristique, les ateliers préconisent la création de l’Agence de développement touristique de la Nouvelle-Calédonie. Cet outil serait une sorte d’interface entre les trois provinces et le gouvernement. Sa mission serait d’assurer la promotion internationale, le pilotage de la stratégie touristique et la promotion des investissements (en recherchant et en accompagnant les investisseurs mais aussi en se rapprochant des compagnies aériennes ou des armateurs par exemple). Pour le reste en revanche, pas de grandes révolutions. Les provinces continueront d’assurer la promotion domestique ou encore les différentes animations via leurs groupements d’intérêts économiques respectifs et la structure de l’offre, la réglementation et l’amélioration de la qualité des services au travers des directions ainsi que des sociétés d’économie mixte (Promosud, Nord Avenir, Sodil). Un accord de principe a été donné par le Nord et le Sud et les discussions sont ouvertes avec les Îles. Il restera ensuite à faire passer cette agence par la case Congrès.

Améliorer l’aérien

Le transport aérien est un des points clefs pour construire une destination touristique digne de ce nom. Comme l’a rappelé Didier Tappero, le directeur général de la compagnie Air Calédonie international, la Nouvelle- Calédonie a fait le choix d’articuler son développement touristique autour d’une compagnie du territoire. Les contrats de destination mis en œuvre à partir de 2013, réunissant Aircalin, Aircal, le gouvernement, les GIE ainsi que les professionnels de l’hôtellerie, ont produit des résultats. Entre le début 2013 et la fin 2015, les arrivées en provenance d’Australie ont progressé de 33 %, de 35 % pour la Nouvelle-Zélande et de 28 % pour le Japon. Une croissance qui s’explique notamment par le fait qu’Aircalin a augmenté le nombre de sièges et renforcé les destinations existantes. Elle a également créé une classe W permettant aux tour-opérateurs d’organiser des voyages avec des sièges réservés, particulièrement importante en période de pointe où les Calédoniens remplissent les avions. La compagnie assure par ailleurs avoir fait des efforts sur les tarifs. Elle a baissé des prix d’appel d’environ 26 % en moyenne et affiché des promotions de 40 %. Mais Didier Tappero compte surtout sur le renouvellement de la flotte pour maîtriser ses prix. Les deux A320 et les deux A330 offriront indéniablement plus de confort que les appareils actuels. Les quatre aéronefs offriront de meilleures performances en matière de consommation de carburant permettant de réaliser des économies sur les coûts tout en augmentant la capacité d’emport. Pour le directeur, ces nouveaux appareils sont indispensables au développement de la compagnie qui passera par la conquête de nouveaux marchés. Une stratégie qui se confond avec les travaux actuels réalisés sur le marché chinois par les hôteliers et le service de la coopération régionale et des relations extérieures du gouvernement (lire par ailleurs). La compagnie domestique Aircal est aussi en train de renouveler sa flotte. Si pour Aircalin, les contrats ne se concrétisent qu’à partir de 2019, les nouveaux appareils sont d’ores et déjà une réalité sur le tarmac de Magenta. En lien avec les travaux d’extension des aérodromes, ces acquisitions devraient permettre de rendre les liaisons plus fiables et donc de faire venir davantage de visiteurs. Déjà entre 2015 et 2016, le nombre de touristes a progressé de 31 %. Sur les 450 000 personnes qui empruntent Aircal, 127 000 étaient des touristes. La compagnie est en réalité en train d’effectuer une mue en profondeur, avec ses appareils mais aussi dans la modernisation de ses outils de commercialisation et de réservation (un nouveau logiciel sera installé en 2017).

La Chine et la diplomatie régionale

Depuis un an et demi, le gouvernement a commencé un travail important sur les relations avec les pays de la zone, en particulier sur le plan économique. Le service de la coopération régionale et des relations extérieures a renforcé les liens avec l’Australie, l’Indonésie, la Nouvelle-Zélande ou encore le Vietnam et travaille désormais sur le tourisme chinois pour devenir une destination agréée. L’idée est de simplifier les formalités de visa pour les Chinois mais aussi de faciliter leur venue avec des brochures en langue et des moyens de paiement adaptés. Comme le souligne François Bockel, le chef du service de la coopération régionale, le marché chinois représentait 117 millions de visiteurs en 2015 et pourrait passer à 133 millions en 2016. Sur ces 117 millions, 30 millions étaient des visiteurs d’îles. Le protocole d’agrément pourrait être signé dans le courant du mois de décembre mais d’ores et déjà, Aircalin, envisage de mettre en place des charters en partenariat avec l’hôtelier, pour peu qu’il existe une clientèle. À plus long terme, la compagnie envisage la création d’une liaison directe sur un hub tel que Shanghai ou Hong Kong. L’enjeu est de taille si l’on considère le nombre de visiteurs que l’on peut espérer. Encore faudra-t-il que les Calédoniens soient réceptifs à ces nouveaux touristes, de la même façon que la population doit partager la volonté d’accueillir 1,5 million de croisiéristes. Une question à laquelle la réponse n’est pas si évidente.

Le plan croisière

La croisière suscite bien des appétits. Pour améliorer l’accueil de ces touristes, un plan d’investissement s’étalant sur la période 2017- 2021 sera mis en œuvre au travers des contrats de développement et d’agglomération pour un montant de 2,8 milliards de francs. Une gare maritime sera ainsi aménagée sur le grand quai pour un milliard, les escales de l’île des Pins, de Lifou et de Poum seront réaménagées pour un milliard de francs et le quai Ferry sera également revu pour 800 millions de francs d’ici fin 2019.

Sensibiliser la population

Les ateliers ont permis de mettre en lumière l’importance de la population dans la réussite de la construction d’une industrie touristique. Plusieurs pistes ont été avancées comme d’impliquer les élèves dans la valorisation du patrimoine historique et culturel. Un meilleur accueil passera également par les langues mais aussi par la mise en place obligatoire des classements d’hébergement ou encore la labellisation des filières d’activité et de services.

Les chiffres à la loupe

Il est proposé de créer un Observatoire du tourisme afin de rassembler les différentes statistiques qui sont aujourd’hui éparpillées, peu lisibles et mal actualisées. Cet outil permettra de mieux connaître la demande locale et internationale, mieux connaître l’offre et analyser les tendances. Aide à la décision, il sera utile pour suivre la mise en œuvre des mesures du schéma de développement touristique de la Nouvelle-Calédonie.

M.Derel