Crise du Covid-19 : Des mesures économiques encore incertaines

La Nouvelle-Calédonie peut compter sur la solidarité nationale. C’est ce qu’a souligné le gouvernement qui a demandé à l’État de débloquer près de 56 milliards de francs pour permettre de surmonter cette crise sanitaire qui se doublera très probablement d’une crise économique majeure. Les collectivités affichent une forte volonté de maintenir une activité économique minimale, mais les questions sans réponse sont encore très nombreuses.

On l’oublierait presque, mais le Covid-19 était loin de faire la une des médias il y a encore dix jours. Comme souvent, la Nouvelle- Calédonie regardait de loin cette pandémie infecter les peuples du monde entier. Le 18 mars, elle a finalement été touchée avec le dépistage positif de deux Métropolitains, arrivés d’Australie pour passer leur lune de miel sur le territoire. Depuis, chaque campagne de dépistage fait grimper le compteur des malades. Les praticiens anticipent une potentielle explosion des cas qui aura des répercussions économiques plus importantes encore. Le monde entier est dans l’expectative. Une telle situation est inédite et place l’économie mondiale dans une profonde incertitude. Le discours du gouvernement calédonien en la matière a d’ailleurs sensiblement évolué. Encore très récemment, il assurait que les salariés ne seraient pas impactés. Cela ne sera probablement pas le cas.

Une interpatronale pour un même message

Tout l’enjeu est désormais de limiter au maximum l’arrêt de l’économie. Signe que la situation est prise très au sérieux par les chefs d’entreprise, une interpatronale a été créée. Pour la première fois, le Medef-NC, l’U2P-NC et la CPME-NC sont regroupés pour porter le même message. Dans un communiqué diffusé le samedi 21 mars, l’interpatronale explique qu’il « vaut mieux se faire mal plus vite, mais moins longtemps. Cette guerre sanitaire va se gagner … ou se perdre … sur les prochains jours et en mobilisant toutes nos forces. Nous nous associons pleinement aux mesures initiées par le gouvernement et nous sommes même prêts à aller plus loin. Sans être des spécialistes, nous nous joignons au cri d’alarme des médecins locaux qui préconisent des dispositions beaucoup plus complètes que celles en vigueur ».

Lundi, le haut-commissariat de la République a dévoilé les nouvelles mesures de confinement annoncées conjointement avec le gouvernement. Reste que de nombreux Calédoniens ne savent pas vraiment quoi faire face à des consignes qui peuvent sembler contradictoires. Si les autorités appellent les Calédoniens à rester confinés chez eux, elles permettent dans le même temps le maintien d’un nombre important d’activités économiques. Une stratégie calquée sur celle de la France métropolitaine et qui est fortement décriée, en particulier par les professionnels de santé. L’Union calédonienne a diffusé, mardi matin, un communiqué plutôt critique qui rappelle que la crise est « humanitaire, sanitaire et l’heure n’est plus de s’inquiéter des intérêts économiques des uns et des autres, mais de sauver potentiellement des vies humaines de nos compatriotes et de ne pas les exposer. Seules des mesures de confinement total et hermétique doivent prévaloir ».

Des salariés, dont certains sont des cas à risque, ont ainsi été rappelés à leur travail suite aux annonces du gouvernement. Il existe également des chefs d’entreprise ayant pris la décision de ne pas prendre la responsabilité de maintenir leur activité. Comme le précise le document officiel du haut-commissariat, la plupart des commerces alimentaires restent ouverts pour permettre d’approvisionner la population, « pour toutes les autres activités, le télétravail ou le travail à domicile doit être privilégié. Autrement, il appartient au chef d’entreprise, sous sa responsabilité, de déterminer quels sont les salariés indispensables au fonctionnement de l’activité en appliquant strictement les mesures barrières ».

L’État solidaire

Pour certaines entreprises, le maintien de l’activité constitue une nécessité en l’absence de dispositifs. Si le gouvernement a assuré travailler à un plan de soutien à l’activité économique, dont le maintien est une de ses priorités, ce dernier ne dispose pas des moyens nécessaires pour assumer une mise au chômage massive des salariés. Le haut- commissaire, Laurent Prévost, a toutefois donné des gages que l’État serait solidaire de la Nouvelle-Calédonie, entièrement compétente en matière fiscale et plus généralement sur le plan économique. Un courrier a donc été envoyé au Premier ministre, lundi, afin de demander un soutien financier au travers de l’application du plan de solidarité national.

Il est question d’un montant de 56 milliards de francs, soit plus que le montant demandé par l’interpatronale. Selon les calculs du patronat, les 300 milliards d’euros de prêts en direction des entreprises qui seront garantis par l’État représentent des garanties pour des prêts de l’ordre de 145 milliards de francs ramenées à l’échelle calédonienne. Il y a tout de même fort à parier que les entreprises réfléchiront à deux fois avant d’augmenter leur endettement. L’Institut d’émission d’outre-mer a par ailleurs augmenté sa capacité de réescompte, ce qui permet aux entreprises de retrouver de la trésorerie. Dans l’attente d’une réponse rapide de l’État, le gouvernement a donné quelques précisions sur les dispositifs d’aide directe aux entreprises que permettront de financer les 56 milliards de francs.

Un fonds pour le TPE-PME

L’idée est de pouvoir mettre en place un chômage partiel sur la base d’une prise en charge de deux mois. La somme a également vocation à permettre un report des charges (et non une annulation ou une prise en charge) de trois mois pour les cotisations sociales et les échéances fiscales directes. Un fonds de solidarité sera créé pour accompagner les TPE-PME en grave difficulté. « Un fonds d’aide dédié à la gestion de crise dans le but de soutenir l’accompagnement et la coordination des collectivités » est enfin envisagé. Les compagnies aériennes du territoire, totalement à l’arrêt, auront un traitement à part. Une compensation de l’ordre de 80 % du dernier salaire jusqu’à 4,5 SMG sera proposée en cas de chômage partiel, à l’instar du dispositif mis en place en Métropole. Pour mémoire, les indemnités chômage en Calédonie s’élèvent à seulement 75 % du SMG.

Force est de constater que le gouvernement a peu ou pas anticipé les conséquences sur le plan économique. Vendredi dernier, l’interpatronale s’étonnait d’apprendre que le gouvernement avait rencontré les représentants des différents secteurs pour travailler sur le plan de soutien à l’économie. Ils auront finalement été reçus mardi, après l’annonce des mesures du plan, essentiellement afin de les rassurer. Sans attendre les mesures gouvernementale, les chefs d’entreprise s’organisent et travaillent sur la rédaction de courriers types pour demander le report du paiement de charges, qu’il s’agisse de cotisations, mais aussi d’assurances ou encore de prêts bancaires. Une fiche est également en cours de préparation concernant le chômage partiel. Chômage partiel, congés obligatoires (l’adoption de l’état d’urgence en Métropole permet aux entreprises de mettre les salariés en congé).

Précarité des travailleurs indépendants

En dehors des entreprises et des salariés, les travailleurs indépendants sont très inquiets pour la suite, surtout si la période de confinement devait être prolongée. Sans ressources, ils sont nombreux à s’interroger sur leur capacité à assurer leur quotidien et celui de leurs familles. La question va se poser avec d’autant plus d’acuité pour les personnes ayant de faibles revenus, comme les femmes de ménage. Comme partout ailleurs, la crise sanitaire met en exergue les inégalités qui existent dans les différentes sociétés et la Nouvelle-Calédonie n’échappe pas à la règle. En cette période de confinement, de nombreux salariés préféreraient sans doute rester auprès de leurs familles plutôt que de poursuivre le travail. Ce sont d’ailleurs bien souvent les personnes ayant les revenus les plus faibles qui sont le plus exposées, à commencer par les caissières.

Une crise qui va modifier les sociétés

De nombreuses réflexions émergent tout autour de la planète sur les raisons qui ont conduit à cette crise sanitaire dont on mesure difficilement aujourd’hui la totalité des effets. En Europe, les États abandonnent petit à petit les règles d’équilibre budgétaire, à commencer par l’Allemagne. La plupart de ces pays redécouvrent aussi l’importance du service public. Les discours d’experts prédisant un changement de modèle économique reposant aujourd’hui sur des bases néolibérales se mutliplient. Il est question de pertes pouvant atteindre entre 10 à 20 % du PIB pour chaque pays. Un montant colossal qui impliquera une réflexion sur la dette des États, mais aussi des entreprises et des particuliers ainsi que sur la durabilité et l’équité du système économique actuel. Lors de sa conférence de presse, le 19 mars, l’interpatronale l’a elle- même souligné. « Nous sommes arrivés au bout du système et cette pandémie le prouve bien, expliquait Jean-Louis Laval, le président de l’U2P-NC. Cette crise va modifier les sociétés et les interconnexions de manière durable. Il ne faudra pas avoir la mémoire courte. Nous devons nous préparer à gagner en autonomie énergétique, alimentaire, économique. Nous avons besoin d’une relance économique et d’un nouveau modèle. »

La liste des activités économiques autorisées à être maintenues est consultable sur le site du haut-commissariat dans la rubrique Actualités : www.nouvelle-caledonie.gouv.fr 


La province Sud débloque 500 millions de francs

La province Sud a mis en place un plan de soutien aux entreprises afin de les aider à maintenir les emplois. Les entreprises connaissent déjà le dispositif qui avait été adopté en août 2019. Il permet la prise en charge, pendant une année au plus, de tout ou partie des salaires et des charges sociales par la province. L’aide exceptionnelle au maintien de l’effectif salarié peut être accordée lorsque le besoin de financement de l’entreprise dépasse 1,5 million de francs, soit le plafond de l’aide à la trésorerie, et dans la limite de 10 millions. La collectivité propose également une aide à la trésorerie pour les commerces de moins de 350 mètres carrés. Dans la limite de 3 millions de francs, elle peut prendre à ses frais les charges sociales. Attention, les aides seront distribués dans la limite des crédits disponibles.


Le nickel dans une mauvaise passe

Une demande mondiale en chute libre, des stocks qui ont repris des couleurs… Deux éléments qui contribuent à faire plonger le cours du nickel qui frôle les 11 000 dollars la tonne au LME. Une situation dont se seraient bien passés les acteurs de la mine en Nouvelle-Calédonie qui étaient déjà dans la tourmente. KNS a d’ores et déjà réduit la voilure et devrait réduire son activité au strict minimum. Une décision qui aura des conséquences notables pour ses sous-traitants. La NMC a par ailleurs indiqué fermer toutes ses mines par précaution. Vale NC va pour sa part réduire son activité de moitié alors que la SLN devrait la maintenir.

M.D.