Des émissions surveillées de près

Scal'Air surveille trois zones de pertinence : Nouméa, le grand Sud et Vavouto. L’agrément du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie, obtenu l’an dernier, fait de l’association l’organisme de référence dans le domaine du suivi de la qualité de l’air. © Scal'Air

Depuis plus de 15 ans, l’association Scal’Air nous alerte dès que l’air n’est pas de bonne qualité. Elle surveille les polluants émis par le trafic routier, aérien, maritime et industriel.

Un air sain et pur. C’est ce à quoi nous aspirons tous. Mais ce n’est pas toujours ce que nous respirons. L’association Scal’Air surveille en continu les substances polluantes et alerte dès que les seuils de concentration se dirigent dangereusement vers le rouge. Elle regarde le trafic routier, aérien, mari- time… Mais surtout la pollution d’origine industrielle qui constitue une part importante de son suivi.

Difficile de faire autrement avec une usine métallurgique située à l’entrée de Nouméa. L’association garde également un œil sur l’usine du Sud et celle du Nord. « Ce sont des zones pertinentes de surveillance qui ont été déterminées par le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie », rappelle Alexandra Malaval-Cheval, directrice de Scal’Air. Dans le sud, des capteurs sont placés dans les forêts et aux abords du site industriel. « On est au cœur de réserves naturelles. Il y a des espèces endémiques sur lesquelles on a vu les impacts du dioxyde de soufre (SO2). » En 2022, trois dépassements de la valeur limite horaire végétation et trois dépassements de la valeur limite journalière pour la protection de la végétation ont notamment été mesurés.

2022, UNE MAUVAISE ANNÉE

À Nouméa, les enjeux ne sont pas les mêmes. L’association observe surtout une pollution dite de pointe : pas de dépassements sur les moyennes annuelles mais à l’heure ou à la journée au dioxyde de soufre, dioxyde d’azote et aux poussières fines. Elle concerne principalement les quartiers de la Vallée-du- Tir (école Griscelli) et de Montravel. « Quand on a des dépassements en dioxyde de soufre, la principale source d’émissions reste le site industriel de Doniambo avec la centrale électrique et l’usine en elle-même, qui peut utiliser du fioul », informe la directrice.

L’année 2022 a été marquée par une recrudescence de dépassements de seuils réglementaires par ce polluant : 43 dépassements du seuil d’information et de recommandations (4 en 2021) et 3 dépassements du seuil d’alerte (0 en 2021). Ces chiffres n’avaient plus été atteints depuis 2013. À noter également le dépassement réglementaire de la valeur limite horaire en SO2 à l’école Griscelli, avec 30 heures au-dessus de la valeur de 350 μg/m3 pour 24 autorisées par an. La météo, plutôt défavorable l’an dernier, n’a pas aidé à avoir de bons résultats. « Quand on a des vents d’ouest, le panache est rabattu malheureusement vers les quartiers centraux. En 2022, on a eu des phénomènes cycloniques dont Dovi et la dépression tropicale forte Fili qui ont amené des vents forts. On a constaté la majeure partie des dépassements pendant ces événements. » Dans son dernier rapport, l’association affirme que les conditions météorologiques ont très certainement favorisé ces dépassements. Mais qu’il est « difficile d’imputer à [elles seules] la cause de la recrudescence des épisodes de pollution en 2022 ».

UN ENJEU DE SANTÉ PUBLIQUE

Le nickel en lui-même est un polluant très suivi. « On prélève des poussières sur une semaine et après on les envoie dans un laboratoire pour analyses », explique Alexandra Malaval-Cheval. Sa valeur cible est de 20 ng/m3. Depuis quelques années, l’association constate des niveaux élevés dans les mesures de prélèvement de poussières fines PM10 et dans les retombées atmosphériques. « On dépasse sur plusieurs stations la valeur de référence. » Sachant que le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) classe ce métal comme cancérogène possible pour l’homme, Scal’Air aimerait affiner ses données pour connaître l’impact local et mieux comprendre d’où il vient. Elle compte également peser sur le gouvernement de la Nouvelle-Calédonie pour que ce polluant soit intégré à la prochaine étude épidémiologique.

L’arrivée de la centrale accostée temporaire (CAT) l’an dernier, déplaçant la source d’émissions de polluants, a amené l’association à réajuster son réseau avec la mise en place de deux nouvelles stations de mesure : à la Vallée-du-Tir, au niveau de l’école Petit Poucet, ainsi qu’à Nouville sur l’agora de l’Université de la Nouvelle- Calédonie. Cette année, Scal’Air va déployer des campagnes de mesure du dioxyde de soufre sur les zones de Ducos, Numbo et Nouville pour appréhender l’impact de la CAT.

L’association ne se donne pas autant de mal pour rien. La pollution atmosphérique augmente le risque de développer des maladies respiratoires et cardio-vasculaires. « C’est connu et reconnu aujourd’hui. » L’objectif de Scal’Air est de faire comprendre que la qualité de l’air est un enjeu de santé publique. « On ne suivrait pas ces polluants s’ils ne présentaient pas un risque pour la santé. » Les alertes permettent de mettre une pression, « une contrainte sur l’industriel et les autorités », et de prendre ainsi des décisions. Pour que l’air qui nous entoure soit davantage respirable.

Edwige Blanchon

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