Des élections peu probables cette année

Le report des élections provinciales est autorisé jusqu'au 30 novembre 2025. © Archives Y.M.

Alors que Matignon consulte les élus calédoniens sur le calendrier des prochaines élections provinciales, l’option d’une organisation du scrutin avant le 15 décembre paraît s’éloigner.

♦ CONSULTATIONS

Dans un courrier daté du 18 septembre et adressé aux parlementaires calédoniens ainsi qu’aux présidents de groupe politique du Congrès, le nouveau Premier ministre Michel Barnier indique vouloir mener une consultation sur la date des prochaines élections provinciales. « Deux options sont envisageables, mentionne le locataire de Matignon. Leur organisation d’ici le 15 décembre, conformément à la loi organique du 15 avril 2024, ou bien un nouveau report par loi organique. » Ses services recueillent en ce moment l’avis des politiques.

Pourquoi ? Prévu à l’origine en mai, ce scrutin déterminant pour la composition des assemblées de province et du Congrès pourrait toujours se tenir d’ici la fin de l’année, au vu des délais incompressibles inhérents à la révision de la liste électorale, à la convocation des électeurs par décret, ou encore à la durée minimale de campagne. Toutefois l’extrême limite calendaire approche.

♦ VOIES

L’État dispose d’une marge de manœuvre plutôt étroite. La suspension du projet de loi constitutionnelle sur le dégel du corps électoral provincial, actée par le président de la République le 12 juin lors des émeutes, ne constitue pas un obstacle juridique à l’organisation des élections. Le vote s’opérerait de fait avec un corps électoral gelé. Ce qui déclencherait à coup sûr une vague de recours de la part des formations non-indépendantistes. Il n’est pas certain que ces actions en justice aboutissent puisque, la Constitution n’ayant pas été corrigée, les présentes règles du jeu s’appliquent. Un tumulte s’élèverait néanmoins sur la place politique.

Deuxième cas de figure, le Président Emmanuel Macron relance le processus de validation du projet de loi constitutionnelle. Une décision périlleuse. Car ce texte est à l’origine des violences qui ont éclaté le 13 mai et, vu l’actuelle composition du Parlement, le chef de l’État a de maigres espoirs d’obtenir la majorité requise des 3/5 des voix au Congrès de Versailles pour l’adoption définitive.

Troisième hypothèse, la plus probable, le Premier ministre Michel Barnier opte pour un report des élections provinciales. Le temps de restaurer la discussion, de réunir les conditions de sécurité propices au vote, et surtout de trouver un accord avec les partis politiques sur le sujet explosif du corps électoral : ce point d’équilibre serait lui-même intégré dans un accord global sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Dans son avis de décembre 2023, le Conseil d’État avait estimé que le report pouvait s’étendre sur une durée de l’ordre de 12 à 18 mois. Soit jusqu’en novembre 2025.

♦ INITIATIVE

Le président du groupe socialiste, écologiste et républicain au Sénat, Patrick Kanner, et plusieurs de ses collègues ont déposé le 16 septembre une proposition de loi organique visant à reporter les élections provinciales. Dans un unique article, la date du 15 décembre 2024 est remplacée par celle du 30 novembre 2025. Une des raisons : dans un contexte décrit « troublé et instable, l’organisation et les modalités de participation des électeurs » sont « inenvisageables ». En outre, selon le groupe socialiste, la réforme constitutionnelle du corps électoral « est devenue caduque. Par conséquent, le calendrier initialement envisagé pour permettre la mise en cohérence de la réforme et celui des opérations nécessaires à la tenue des élections provinciales de 2024 ne tient plus ».

♦ POSITIONS

Les formations non-indépendantistes sont favorables au renvoi des élections en 2025. Parce que « le corps électoral actuel est illégal », estiment Les Loyalistes. Qu’ « il est essentiel de rétablir l’ordre et la sécurisation des bureaux de vote », juge le Rassemblement-LR. Et que « la tenue avant le 15 décembre est inconcevable », pointe Calédonie ensemble, notamment en termes de timing.

En revanche, à son congrès contesté de Koumac fin août, le FLNKS s’est dit « prêt à aller aux élections provinciales en décembre si les conditions politiques sont réunies ». Le Palika, de son côté, vise aussi un scrutin en fin d’année, sauf si le projet de report formulé par le groupe socialiste du Sénat est adopté.

Yann Mainguet