Des conditions pour Paris

Les indépendantistes s’interrogent sur le bien-fondé d’aller à Paris pour débattre de l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie. Tout va dépendre vraisemblablement du format et de l’ordre du jour de ce rendez-vous prévu par l’État.

Le Palika a tenu ce week-end son assemblée générale à Canala. La question du 17e gouvernement et l’invitation à Paris du ministre des Outre-mer ont attisé les débats. Sur le premier volet, même si le parti indépendantiste a mandaté trois personnes pour discuter de la position de l’Union nationale pour l’indépendance avec les représentants de l’Union calédonienne, on ne voit pas comment la situation pourrait bouger d’ici le 1er mai, date de la convention du FLNKS.

Les arguments restent donc les mêmes dans les deux camps, l’UC affirme avoir la représentativité électorale et soutient Samuel Hnepeune, alors que l’UNI estime que le vote du 17 février dernier au Congrès lui donne un membre supplémentaire au gouvernement et soutient toujours la candidature de Louis Mapou au perchoir. Une situation qui fragilise un peu plus les indépendantistes à l’aune du troisième référendum.

Une réunion incertaine

Sur le deuxième volet, les indépendantistes s’interrogent encore sur l’invitation du groupe Leprédour du 25 mai au 3 juin à Paris, formulée par le Premier ministre. Dernièrement, sur le dossier de l’usine du Sud, ils avaient préféré traiter en direct avec l’État.

Pour Jean-Pierre Djaïwé, le porte-parole du Palika, trop de questions sont encore en suspens, notamment le format des rencontres. « L’État veut nous réunir. Sous quel format ? On ne sait pas. Avec quel ordre du jour ? On ne sait pas. On ne refuse pas les discussions, mais nous attendons des précisions sur le cadre de ces rencontres », a-t-il déclaré dimanche au JT de NC La 1ère, avant de souligner que de toute manière, la tenue du troisième référendum est actée et que « la campagne référendaire doit commencer dans les toutes prochaines semaines ».

Même son de cloche du côté de l’UC, qui traîne des pieds pour aller à Paris. Interrogé sur le sujet dans l’émission Transparence sur Radio rythme bleu, le président du parti, Daniel Goa, a indiqué qu’il n’avait pas prévu d’y aller, mais que si les autres y vont, il ne veut pas être absent ajoutant : « J’avais pensé que Leprédour était une bonne discussion mais c’est un remake du G10 et le G10 a existé, il n’a pas pu aller plus loin. Quand on y regarde de plus près, je crois donc qu’il faut élargir le cercle des discussions avec l’État sur le format d’un Comité des signataires ».

Remettre la réunion dans son contexte

Les Loyalistes s’interrogent aussi sur la pertinence de cette réunion parisienne au format Leprédour. Pour eux, en effet, les membres invités ne reflètent pas la réalité électorale du territoire. Cette réunion pour les représentants du maintien de la Nouvelle-Calédonie dans la France oublie également trop de signataires historiques de l’Accord de Nouméa.

Globalement, l’invitation n’a pas l’air de rassembler les suffrages des invités, qui préfèrent attendre la publication du document de l’État sur les conséquences du oui et du non. Des participants qui savent aussi très bien que le président de la République sera là pour les écouter avec l’idée de ne pas oublier de mettre la Nouvelle-Calédonie dans son escarcelle de campagne pour la présidentielle.

L’éclairage du ministre

La relance de l’invitation est donc revenue à Sébastien Lecornu. Interviewé mardi par RRB, le ministre des Outre-mer a pu éclairer les acteurs politiques calédoniens qui se plaignent de ne pas connaître l’ordre du jour de la visite à Paris. Il a précisé qu’il allait mener ces prochains jours « des consultations avec les formations politiques du Congrès et reprendre le chemin de la discussion pour préparer le contenu de cette visite ». Il a insisté sur le fait qu’à Paris, « nous ne manquerons pas de sujets à évoquer avec les acteurs politiques calédoniens : crise économique et sociale, crise sanitaire, l’actualité nickel avec l’avenir des trois usines et le dossier institutionnel puisque le troisième référendum a été demandé ». Sébastien Lecornu de préciser finalement « que l’ordre du jour est évident, il saute aux yeux qu’on a des choses à se dire et que nous avons du pain sur la planche ».

Concernant la demande de certains élus d’organiser à la place de cette réunion un Comité des signataires, le ministre des Outre-mer a expliqué qu’il fallait d’abord que les étapes prévues soient respectées, comme la consultation des formations politiques du Congrès, la restitution de la « parole de la société civile » et la visite des acteurs politiques à Paris, pour discuter notamment des incidences du oui et du non.

Un document de travail sur ce sujet leur sera remis avant leur départ pour la Métropole. Une fois ces étapes franchies, c’est un Comité des signataires « légitime » qui se tiendra, « pour se réunir et organiser les modalités du troisième référendum ». Sébastien Lecornu n’exclut d’ailleurs pas de présider ce Comité des signataires, à Nouméa.

D.P.

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