Des « casseroles d’or » calédoniennes

La branche calédonienne de l’association Anticor, créée en début d’année 2017, organisait ses premières « casseroles d’or » mardi. Des prix qui visent à pointer les mauvaises pratiques des élus.

Il y avait du bruit dans la cuisine, ce mardi, au siège d’Ensemble pour la planète. L’association recevait les membres d’Anticor, association créée en 2005, notamment à l’initiative du juge Éric Halphen, et dont la branche locale a entamé ses activités cette année. L’association, qui s’est fixé pour mission la lutte contre la corruption, a procédé à la remise de ses premières « casseroles d’or », à l’image de ce qui se fait en Métropole.

Cette cérémonie, qui se veut humoristique, vise à alerter l’opinion publique quant aux pratiques du personnel politique, pour des faits illégaux établis par un tribunal, mais pas seulement. L’idée est aussi de signaler les mauvais comportements qui peuvent être légaux, comme pour un parlementaire d’embaucher des gens de sa famille, une pratique désormais interdite en Métropole, mais qui ne dérange visiblement pas certains parlementaires calédoniens. À noter que parmi les gros candidats aux élections législatives, seule Sonia Backès a signé la charte éthique visant à moraliser la vie politique proposée par l’association Anticor.

Une question morale avant tout

Dans le fond, il s’agit de rendre la société calédonienne plus transparente et moins corrompue. Deux caractéristiques dont les impacts ne sont pas seulement moraux. Le manque de transparence et la corruption nuisent au système économique et pénalisent la compétitivité voire peuvent conduire à la dégradation du tissu d’entreprises. Le manque de prise en compte de l’intérêt général et la mauvaise gestion des deniers publics peuvent également avoir des conséquences graves.

C’est notamment le cas du dossier du « grand tuyau », qui a été imaginé par la Lyonnaise des eaux pour sécuriser l’alimentation en eau potable sur le Grand Nouméa. Un dossier qui n’est pas encore clos et donne à voir la désinvolture avec laquelle les élus ont traité la question de l’adduction en eau sur l’agglomération. Sur un peu de moins de 50 ans, le grand tuyau coûtera plus de 50 milliards de francs aux usagers qui ne bénéficient pas toujours de l’installation, alors même que les alternatives à cette solution très coûteuse n’ont même pas été étudiées.

Pour Thierry Blaisot, le référent d’Anticor en Nouvelle-Calédonie, un candidat arrive largement devant les autres : Harold Martin. Il a participé activement au dossier du grand tuyau, mais est régulièrement à la une de l’actualité judiciaire. « Harold Martin a laissé tout le monde sur place », s’amuse Thierry Blaisot, qui rappelle les affaires en cours dans lesquelles l’homme politique est impliqué : terrains de Païta, 3G, achat de voix à l’occasion des dernières élections municipales… Arrivent ensuite, mais loin derrière, Georges Naturel, toujours pour l’affaire du grand tuyau, mais aussi la gestion des marchés en matière d’assainissement, Éric Gay pour un manque d’éthique, notamment en matière d’assainissement, mais aussi pour le dossier de la carte Jeune pour lequel le procureur a fait appel de l’annulation de la procédure. Viennent ensuite Pierre Frogier, pour son manque flagrant de travail en tant que parlementaire, Sonia Lagarde, Philippe Michel, Anthony Lecren, Philippe Gomès ou encore Cynthia Ligeard.

Une autocritique saine

Outre les élus, l’association a tenu à saluer les entreprises privées, notamment Vale NC pour son attitude dans l’éviction de la présidente de l’Œil à l’occasion du dernier conseil d’administration. Jean-Marc Bruel, le défiscalisateur cité dans les affaires concernant Harold Martin, a également reçu un prix spécial. Anticor a également procédé à la remise de prix éthiques récompensant des Calédoniens pour leur probité. Il a été remis à Martine Cornaille, la présidente d’EPLP, pour l’ensemble de ses actions, et à Daniel Roneice, le directeur de Cadres avenir, pour avoir toujours refusé les petits arrangements.

Car au-delà des grandes affaires de détournement, l’idée est de montrer que la corruption peut prendre des formes beaucoup moins extrêmes et faire partie de manière presque anodine du quotidien. Ces prix sont une manière de prendre du recul et faire son autocritique, ce qui manque cruellement à la classe politique calédonienne. Un manque qui n’est pas anodin et se traduit par une quasi-inexistence d’évaluation des politiques publiques, signe d’une bonne gestion des deniers publics.