[DOSSIER] Des attentes de plus en plus lourdes

Les représentants locaux de l’État, des chefs d’entreprise, syndicalistes... ont assisté par visioconférence, au Forum économique samedi 8 février. (© Y.M)

Les échanges à Paris ont nourri la réflexion, et bien souvent les préoccupations, du monde économique et syndical à Nouméa.

Tous ont salué « une bonne nouvelle », après avoir suivi de Nouméa, sur le grand écran de la CCI, le Forum économique intervenu samedi 8 février dans les locaux de Bercy, l’état-major de l’Économie et des Finances, un symbole fort.

Les uns et les autres, des partenaires sociaux aux chefs d’entreprise, apprécient la carrure de Manuel Valls, un homme qui connaît la Nouvelle-Calédonie et ses acteurs. Son statut de ministre d’État des Outre-mer lui confère, de plus, un poids certain sur le grand argentier de la République. Et puis le locataire de la rue Oudinot « a réouvert la porte du chômage partiel » et de son cofinancement, se félicite Stéphane Yoteau de la Chambre de commerce et d’industrie.

Le dispositif court jusqu’à la fin mars, or « c’est un outil indispensable pour ne pas déstructurer les entreprises » dans ce contexte post-émeutes. Aux côtés de l’ancien Premier ministre socialiste, Amélie de Montchalin, ministre chargée des Comptes publics, « a rassuré sur le soutien de l’État », note avec satisfaction Mimsy Daly du Medef, présente à Paris, qui a en outre jugé pertinente la présentation sur le marché du nickel.

Ce qui soulève toujours, avec une certaine urgence, la nécessité de trouver un accord dans ce secteur clé. Autrement dit, définir une stratégie qui conviendrait à la fois à la Nouvelle-Calédonie et à la Métropole, et pourquoi pas à l’Europe. Le format même du Forum, événement qui a associé le politique et l’économique, indique la marche à suivre, selon Pierrick Chatel de la Confédération des petites et moyennes entreprises. En clair, la collaboration doit être plus étroite. Parce que « le principal sujet d’inquiétude, c’est l’économie, c’est le premier sujet à traiter ».

Si les points positifs s’additionnent, des préoccupations demeurent à la suite de cette séquence parisienne. Beaucoup veulent retrouver « une confiance dans l’avenir », source d’épanouissement, d’investissements et de consommation, donc d’un rebond du territoire.

« 25 % DES REMBOURSEMENTS »

La phrase du ministre Manuel Valls sur le « compromis politique » n’est pas ainsi passée inaperçue. Mais, à très court terme, « nous attendons une injection d’argent dans l’économie via la reconstruction privée » pointe Stéphane Yoteau. Ce levier ne peut être actionné que par les assureurs, or « on est à 25 % des remboursements aujourd’hui » après les dégradations et incendies lors de l’insurrection sur fond de contestation du projet de dégel du corps électoral provincial, « c’est peu ».

Seul l’État peut faire pression, de nombreux représentants économiques le pensent. Et les mêmes estiment que des chefs d’entreprise ne réinvestiront pas sans la garantie émeutes, disposition qui a été supprimée de contrats d’assurance. Ce qui freine le soutien des banques. La Fédération des entreprises des Outre-mer, ou Fedom, a écrit au Premier ministre en janvier pour que « des réponses concrètes soient apportées » en faveur de la création d’« un fonds mutualisé au risque émeutes ».

Une remarque a déplu dans la capitale, celle de la ministre des Comptes publics sur les protections de marché, avant une remise dans le contexte et un bémol apparemment. La Fédération des entreprises et des industries de Nouvelle-Calédonie « a rappelé que le dispositif de régulation ‒ et non pas de “protection” ‒ de marché reste un outil qui permet de soutenir le secteur industriel calédonien ». Et si une évaluation est envisagée, « elle ne peut être réalisée que par un organe indépendant et neutre, sans parti pris sur le sujet ». Une notion a d’ailleurs circulé lors du Forum : le changement en profondeur. « Nous avons besoin d’une réforme fiscale ambitieuse pour l’attractivité de la Nouvelle-Calédonie, la relance, le financement des comptes sociaux… » relève Mimsy Daly.

L’attention ne doit pas être portée « que sur le fiscal, mais aussi sur le social », explique Jean-Marc Burette de l’Usoenc, qui regrette « l’absence d’engagements précis sur le financement des difficultés que l’on rencontre, ainsi que sur les contreparties », lors de la séance de discussions à Paris. Le syndicaliste espère de plus « que cette démarche se traduise par des actions concrètes et que les remontées de la société civile soient réellement prises en compte dans les décisions à venir ».

Pour le collègue de l’USTKE, Thierry Le Berre, une vraie question subsiste. « On parle beaucoup d’économie, mais pas de social. Reconstruire est nécessaire, mais pour quel type de société ? » Il est inconcevable, selon le responsable syndical, de « laisser encore des gens sur le bord de la route ».

Yann Mainguet