La survie du système est primordiale pour assurer la phase de reconstruction, plaide le gouvernement calédonien. Une conférence, prévue fin août ou début septembre, devra produire un calendrier réaliste de réformes.
Dans une Nouvelle-Calédonie aux comptes asséchés, la recherche d’argent est non seulement un combat, mais aussi une course. Car un risque majeur succède aux émeutes destructrices : que le territoire s’effondre sur lui-même.
Dans un courrier adressé au président de la République et daté du mardi 23 juillet, les quatre parlementaires calédoniens ont demandé la transformation en subventions de deux prêts consentis par l’AFD en 2020 et 2022, respectivement d’un montant de 28,6 et 20,88 milliards de francs. Et ce, afin que l’archipel retrouve « une capacité d’investissement ».
Deux jours plus tard, à l’issue d’une rencontre entre Emmanuel Macron et ces mêmes signataires, le sénateur Georges Naturel a retenu, parmi les points abordés, que « l’État accompagnera financièrement la Nouvelle-Calédonie dans les mois à venir ».
Vendredi 2 août, le groupe Calédonie ensemble a présenté une proposition de résolution demandant « l’adoption d’un plan quinquennal de reconstruction et d’accompagnement de la Nouvelle-Calédonie par l’État pour éviter la mort économique et sociale du pays ». Ce programme est estimé à un montant de 500 milliards de francs sur la durée, « soit 50 % du PIB annuel du pays ». Pour Philippe Michel, « il est encore temps d’organiser un sauvetage, mais rapidement et ensemble ».
« BESOINS IMMÉDIATS »
Si, dans sa déclaration solennelle de début juin, le président du gouvernement Louis Mapou indiquait avoir sollicité les représentants de l’Australie, la Nouvelle-Zélande ou encore du Japon pour un soutien, le regard le plus appuyé se tourne naturellement vers Paris.
L’État a déjà versé globalement plus de 30 milliards de francs, ce qui permet à la Nouvelle-Calédonie de tenir jusqu’à fin août-début septembre. Et ensuite ? Pour Yannick Slamet, membre du gouvernement en charge des secteurs du budget et des finances, « il faut d’abord raisonner en termes de besoins immédiats ». Parce que la situation comptable extrêmement dégradée de la Nouvelle-Calédonie impose une gestion du budget de fonctionnement presque au mois le mois. En clair, comment faire vivre les services, les hôpitaux… Une question de survie.
À la tribune du Congrès, en juin, Yannick Slamet avait estimé le besoin de financement à au moins 80 milliards de francs pour finir l’année 2024. Les discussions avec l’État ne portent pas aujourd’hui sur cette enveloppe, mais davantage sur les aides qui devront permettre à la collectivité calédonienne de survivre jusqu’au terme de l’exercice.
Un soutien massif ne peut passer que par une loi de finances, qui doit être examinée à partir d’octobre. Le gouvernement national a posé par le passé une condition de réformes, ou du moins de dynamique engagée de réformes, pour attribuer des fonds. Ce principe de toute évidence perdure. Ce que confirme Yannick Slamet. « L’État fait des efforts pour nous aider, et nous demande d’abord d’aller vers une saine gestion, et surtout de profiter de la situation pour réformer ce qui n’a pas bien fonctionné. »
Cette requête n’est pas perçue comme « un chantage », mais une volonté de corriger des défauts qui plombent le territoire depuis des décennies. Le gouvernement local est « dans cette dynamique. Nous ne pouvons pas reproduire les mêmes erreurs ». La Nouvelle-Calédonie subissait déjà d’importantes difficultés comptables avant le début des émeutes, le 13 mai. Des réformes n’ont pas été faites en faveur de l’équilibre du Ruamm, de la fiscalité… La liste est longue, parce que les tiraillements et calculs politiques n’ont jamais cessé.
UN COLLOQUE SAUVEGARDE ET REFONDATION
Très vite, le financement de la reconstruction deviendra un point central des négociations. Le montant a été évalué à 265 milliards de francs. Ce qui nécessitera d’importants investissements publics et privés. Un rendez-vous est donné, sous la bannière du programme S2R, pour « sauvegarde, refondation et reconstruction ». Lors d’une conférence prévue fin août ou début septembre, le gouvernement calédonien, ses directions, l’État, les provinces, la société civile… devront produire un calendrier réaliste de réformes pour bâtir la société de demain. Beaucoup au sein de l’exécutif souhaitent le démarrage de la reconstruction dès 2025, au regard des analyses des compagnies d’assurance ou encore des banques.
Calédonie ensemble a son plan
Le parti milite en faveur de la signature d’un plan quinquennal d’accompagnement et de reconstruction de 500 milliards de francs, financé par l’État, pour assurer le sauvetage des entreprises calédoniennes (ex. l’ouverture
de lignes de trésorerie à taux zéro, moratoire sur les cotisations sociales), l’accompagnement social des Calédoniens touchés par la crise (ex. prolongation du régime d’assurance chômage total), la reconstruction du tissu économique local (ex. défiscalisation nationale spéciale reconstruction, la création d’un fonds d’investissement de proximité (FIP) outre-mer relance Nouvelle-Calédonie), l’accompagnement financier des collectivités, des services publics essentiels et des régimes sociaux de la Nouvelle-Calédonie (ex. 50 milliards de francs pour la reconstruction des infrastructures publiques détruites), et le sauvetage de l’industrie du nickel (ex. partenariat stratégique nickel avec l’Europe).
Yann Mainguet