Delphine Ollier-Vindin : « Une société sans offre culturelle ne peut pas respirer »

Delphine Ollier-Vindin, ancienne déléguée générale du Festival du Cinéma de La Foa, porte un nouveau projet passionnant, mais « réaliste » dans un contexte contraint. Photo : DR.

Un nouveau festival de cinéma dédié à la fiction est à découvrir au mois de novembre. RECIF* souhaite valoriser des cinéastes internationaux émergents et ouvre une compétition pour les courts-métrages du Pacifique où figureront des films calédoniens. Une bonne nouvelle pour le secteur audiovisuel. Entretien avec Delphine Ollier-Vindin déléguée générale du festival. 

DNC : Comment ce festival a-t-il vu le jour ?

Delphine Ollier-Vindin : Le projet a été imaginé dès novembre 2023. Nous avons créé une association en mars 2024 pour pouvoir mettre en place un festival de cinéma d’un type nouveau avec une identité pays. RECIF est destiné à se déplacer dans différentes communes, au moins une dizaine, sur les trois provinces.

Comment cet événement va-t-il accompagner le cinéma calédonien ?

C’était très important de continuer d’encou- rager notamment ceux qui réalisent des films de fiction, puisqu’il y a eu 26 ans de travail avec le Festival du Cinéma de La Foa. Nous proposons une sélection Pacifique avec une offre calédonienne, des films de 60 minutes maximum, également la catégorie Toujours plus courts (cinq minutes), un concours Jeunes Talents (films de dix minutes) et deux programmes : 1 2 3 Pitchez et 1 2 3 Filmez pour bénéficier d’un soutien financier et professionnel afin de se lancer. Par ailleurs, nous avons des propositions pour engager les scolaires. Nous souhaitons dire à tous que les inscriptions aux concours sont ouvertes !

Vous avez souhaité vous focaliser sur le cinéma émergent, pourquoi ?

Localement, la crise a porté un coup dur aux réalisateurs parce que certains étaient sur le point de passer au long métrage. Nous aimerions vraiment accompagner leur ambition. La sélection Pacifique, avec des productions locales, accueillera les films les plus longs, les plus professionnels.
Les films internationaux seront des premiers et des seconds films.

Qu’est-ce que la crise a changé ?

J’ai tout de suite coupé un tiers du budget. Il fallait être dans un principe de réalité. Aujourd’hui, nous sommes à 50 % du budget initial. On est tous obligés de ralentir et de s’adapter.

Qu’est-ce qui vous a motivé à continuer malgré tout ?

Nos seuls refuges quand on va mal ‒ on l’a vu dans une période comme le Covid ou les émeutes ‒ ce sont les films, les séries, les livres, la musique. Donc nous sommes partis sur un projet moins ambitieux, mais un projet quand même. Il y a aussi des gens derrière, toute une filière.

Êtes-vous toujours soutenus ?

Nous avons des partenariats financiers, mais aussi techniques ou logistiques. Les institutions restent à nos côtés, ainsi que des partenaires privés. Nous espérons que d’autres puissent nous rejoindre. J’ai aussi rappelé l’importance du mécénat. C’est vraiment une période durant laquelle ce soutien peut aider la culture et il y a des mesures très avantageuses. Jusqu’au 31 décembre 2026, les crédits d’impôt sont de 80 % pour les entreprises comme pour les particuliers.

Pour le festival RECIF vous avez évoqué un important travail de sous-titrage…

Les films que nous aurons risquent d’être sous-titrés en anglais. C’est une difficulté parce que le sous-titrage coûte extrême- ment cher et nous risquons d’être limités. C’est tout l’intérêt d’avoir des partenariats techniques avec l’ACPF (Association Calédonienne des Producteurs de Fiction), la CPS (Communauté du Pacifique Sud) ou le FIFO (Festival international du film océanien), qui pourront nous aider.

Les contacts sont-ils déjà noués dans la région ?

Ils s’établissent avec Fidji, par exemple, où il y a des festivals et des films de fiction, ou encore avec la Nouvelle-Zélande qui produit des films avec beaucoup de moyens et des gens très qualifiés. Pour beaucoup de pays de la région, c’est une proposition nouvelle parce que la compétition n’était pas ouverte aux films de fiction du Pacifique dans le cadre du Festival du Cinéma de La Foa. Au départ, les Calédoniens avaient besoin d’être un peu protégés au sein de la compétition, pour que les prix reviennent aux productions locales. Là, les prix vont circuler et maintenant, il y a cette ouverture. Et c’est sûr qu’avec la crise il y aura moins de films locaux, proba- blement deux à trois fois moins.

Pourrez-vous vous permettre des invités ?

Non, ça pourrait être un développement plus tard, mais à ce stade, je ne pense pas que nous en aurons les moyens.

Quels ont été les retours ?

Positifs. Avoir un festival, c’est un écran. Il y a une émulation, une compétition, un calendrier pour finir les films à telle date. On essaie autant que possible de maintenir une dynamique, de se serrer les coudes et le festival veut être là pour les réalisateurs.

C’est courageux d’avoir maintenu le projet malgré tout…

Je me sens d’autant plus attachée à ce pays où je suis née, quand il va mal. Je pense que c’est aussi une façon de ne pas l’abandonner, de continuer à espérer, à s’inscrire dans la viedupays.Etdanslaviedupays,ilyale social, il y a l’économique, il faut du culturel. Une société sans offre culturelle ne peut pas respirer. Donc voilà, c’est une humble façon de participer à la respiration culturelle du pays.

Propos recueillis par Chloé Maingourd

*RECIF : Réalisateurs émergents, cinéma international et films du Pacifique. Le festival RECIF se tiendra du 7 au 15 novembre 2025 avec une tournée jusqu’en décembre. Informations sur www.recif.nc