Délinquance : après une année noire, la riposte sécuritaire en 2025

Les atteintes aux biens ont grimpé en flèche l’an passé. Ici, le centre commercial Kenu-In. © Yann Mainguet

Les responsables de la sécurité publique et de la justice de la Nouvelle-Calédonie ont présenté, mardi 11 mars, le bilan de la délinquance pour 2024. Une année hors norme, marquée par la crise insurrectionnelle, qui rend difficile les comparaisons avec les exercices précédents.

« Nous avons vécu une mauvaise année », a résumé avec euphémisme le général Nicolas Matthéos, commandant des forces de gendarmerie, lors du bilan présenté mardi 11 mars.
Les atteintes aux biens bondissent de 33 %, avec 10 784 faits recensés. Dans le détail, les destructions et dégradations sont en hausse de 92 %, conséquence directe des violences urbaines qui ont secoué le territoire à partir de mai 2024.
Les forces de l’ordre ont été particulièrement exposées. Selon les chiffres du bilan, 1 576 agents des forces de l’ordre ont été victimes de violences, contre 550 en 2023. À ces chiffres en hausse de 186 %, il faut ajouter le décès du gendarme Molinari, tué au Mont-Dore au début de l’insurrection.
« On a franchi un seuil dans la violence. On a eu des tirs d’armes à feu, des jets de cocktails Molotov, des voitures-béliers, des barricades enflammées », a insisté Yves Dupas, le procureur de la République.

« CONTEXTE INSTABLE »
Sans surprise, c’est dans le Grand Nouméa que se concentre 75 % de l’ensemble des violences. Mais « le fait nouveau, c’est que la délinquance a quitté Nouméa, et c’est préoccupant », a pointé le général Nicolas Matthéos. Une inquiétude partagée par le haut-commissaire, Louis Le Franc. « Le risque zéro d’un nouveau 13 mai n’existe pas. Nous sommes dans un contexte politique et social instable. Il serait irresponsable de dire qu’il n’y a plus de danger […]. L’équilibre est fragile. »
Le haut-commissaire a également précisé qu’en cas d’insurrection de même intensité, les moyens permettraient de « tenir » trois à quatre jours au maximum, et ce, malgré l’importance des effectifs déployés dans l’archipel. Près de 3 500 agents des forces de sécurité intérieure sont actuellement en poste, contre un peu moins de 1 700 en temps normal. Il a par ailleurs rappelé l’engagement du gouvernement central à doubler les effectifs en cas de crise.

Les autorités ont présenté mardi 11 mars les tristes chiffres de 2024. © M.D.

En 2025, l’un des principaux objectifs est de « restaurer la sécurité du quotidien », selon les mots de Louis Le Franc. Cela passe notamment par une présence massive et visible sur le terrain, destinée à « protéger, rassurer et dissuader », résume le général Nicolas Matthéos. « La peur est encore là », reconnaît-il, en évoquant une population toujours marquée par les événements de 2024. Cette intensification de la présence des forces de l’ordre depuis le début de l’année a conduit au contrôle de 25 000 personnes, soit près de 10 % de la population.

UNE BASCULE
La délinquance juvénile est un autre sujet de préoccupation. « Nous avons une jeunesse qui a basculé dans une délinquance de prédation extrêmement violente », a déclaré Yves Dupas. En zone police, 40 % des vols avec violences sont commis par des mineurs. Les jeunes délinquants « sont souvent déscolarisés et sans aucune perspective », a précisé le général Nicolas Matthéos.
Un phénomène qui interroge d’autant plus que la pauvreté devrait croître fortement avec l’explosion du chômage. Les problèmes de transport et la réduction des aides sociales pourraient également renforcer un décrochage scolaire déjà particulièrement important.
Les autorités établissent d’ailleurs ce lien. « La forte augmentation des cambriolages [+71,8 % entre 2023 et 2024] est en lien avec la situation sociale, et nous voyons une part importante de mineurs parmi les auteurs », a estimé Yves Dupas.
Seul point positif du bilan 2024 : les violences intrafamiliales diminuent officiellement de 18,6 %. Un chiffre néanmoins trompeur, comme l’ont souligné les autorités, notam- ment en raison de l’impossibilité pour les victimes de pouvoir déposer plainte pendant l’insurrection. De fait, les premiers chiffres de 2025 montrent la remontée de « ces violences insupportables », a insisté le procureur de la République. Le sujet demeure l’une des principales préoccupations de la justice et des forces de l’ordre qui ont indiqué mettre l’accent sur l’accueil des victimes.
De manière plus habituelle, les acteurs de la sécurité publique et de la justice ont insisté sur le rôle de l’alcool et du cannabis, en cause dans une majorité d’infractions et qui restent des priorités pour l’année 2025 avec une action accrue sur les trafics en ligne. « C’est le problème majeur ici », ont martelé les autorités, en l’illustrant par un chiffre : huit personnes sur dix interpellées étaient alcoolisées.

M.D.