Déficit du Ruamm : aucune visibilité pour les hopitaux

Pour la première fois, la Cafat, le Centre hospitalier territorial (CHT) et la Fédération régionale hospitalière du Pacifique Sud (FRHPS) ont engagé une action commune en organisant, lundi, une conférence de presse pour alerter la population sur le déficit du Ruamm. Xavier Martin, Nathalie Doussy et Jean-Pierre Kabar nous expliquent pourquoi la situation est particulièrement inquiétante cette année.

DNC : Pourquoi cette action commune pour dénoncer un déficit devenu chronique ?

Nathalie Doussy : Chaque année depuis maintenant longtemps, nous tirons, à tour de rôle la sonnette d’alarme. Cette fois, nous prenons ensemble la parole, car nous pensons que, face à une telle situation, on ne peut pas opposer l’hôpital et la Cafat.

Le système de santé est en grande difficulté malgré les cinq milliards
de subventions octroyées cette année. D’où provient cette subvention ?

Jean-Pierre Kabar : Dans le projet de budget prévu par l’État (le gouvernement n’a pas voté le budget 2021, NDLR), cinq milliards de subventions exceptionnelles nous ont été octroyés, certainement ponctionnés sur la dotation des 10 milliards annoncés par le ministre des Outre mer, Sébastien Lecornu. Malgré cela, il manque encore huit milliards au Ruamm pour pouvoir financer le système de santé.

En novembre 2019, le gouvernement avait versé deux milliards à l’Agence sanitaire et sociale pour combler le déficit du Ruamm. Une telle subvention pourrait-elle être envisagée cette année ?

Xavier Martin : Presque tous les ans, l’Agence sanitaire et sociale essaie tant bien que mal de nous octroyer des subventions exceptionnelles nous permettant de limiter la croissance des dettes du Ruamm, mais cela reste ponctuel et surtout pas pérenne.

En avril 2020, un prêt inter-régime de cinq milliards avait été accordé au profit du Ruamm. Serait-ce, là encore, une solution ?

Jean-Pierre Kabar : L’année dernière, l’une des dispositions du plan Santa-Eurisouké a permis, effectivement, d’attribuer un prêt de cinq milliards de francs, prélevés à hauteur de 3,5 milliards dans le régime des retraites et à hauteur d’1,5 milliard dans le régime des prestations familiales. C’était la première fois que cette opération était envisagée. Il a fallu, pour la mettre en œuvre, un vote du Congrès. C’était une mesure tout à fait exceptionnelle qui été accordée, car elle était accompagnée d’un plan plus global. En aucun cas, cela peut devenir une habitude.

« On a laissé la Cafat dans une impasse »

Pouvez-vous rappeler en quoi consistait ce plan ?

Jean-Pierre Kabar : Il prévoyait, dans un premier temps, de combler le déficit de l’année 2020, grâce à ce prêt de cinq milliards. Ensuite, en décembre 2020, le gouvernement avait adopté un projet de délibération afin de créer l’Agence pour le financement des déficits cumulés (AFDC) du Ruamm qui permettait de contracter un emprunt sur le long terme de 25 milliards à l’État, de façon à résorber sa dette globale, notamment envers les hôpitaux. Enfin, une fiscalité nouvelle devait être mise en place, notamment avec la taxe sur les boissons sucrées pour apporter des ressources pérennes au Ruamm.

Où en est-on de la création de l’agence et du prêt de 25 milliards ?

Jean-Pierre Kabar : La mesure n’a pas pu être mise en œuvre, car l’un des textes n’a jamais obtenu le vote du Congrès (Le rapport n° 91/ GNC du 01.12.2020 relatif a la création d’agence n’a pas été examiné en commission et ni en séance publique, NDLR). Aucune alternative n’a été envisagée depuis et on (les élus, NDLR) a laissé la Cafat dans une impasse.

Il manque donc 13 milliards pour faire fonctionner le système d’assurance maladie, quelles sont les conséquences ?

Xavier Martin : Concrètement, ces 13 milliards auraient dû être versés aux hôpitaux. Du coup, ces derniers ont eux-mêmes de grandes difficultés à payer leurs fournisseurs. Le CHT Gaston-Bourret leur doit quatre milliards dont 2,7 à des entreprises. Maintenant, ce que nous craignons tous, c’est que ces tensions de trésorerie aient un impact sur les salaires des 2 000 collaborateurs du Médipôle.

On a récemment entendu parler de retard de salaires du personnel de santé. Est-ce la conséquence de cette situation financière ?

Xavier Martin : Malgré les tensions, nous nous assurons que le CHT dispose de fonds nécessaires pour payer les salaires dans les délais. En mai, nous avons eu des difficultés techniques liés aux jours fériés, qui ont entraîné un décalage dans le versement. Aujourd’hui, c’est réglé, mais nous n’avons aucune visibilité sur la façon dont nous allons garantir le paiement de ce que nous devons aux hôpitaux dans les mois qui viennent.

Dans quelle mesure la crise sanitaire a-t-elle accéléré ce déficit ?

Nathalie Doussy : Concernant le Ruamm, paradoxalement, il y a eu une diminution des dépenses de santé pendant les périodes de confinement, ce qui nous a été plutôt bénéfique. Mais nous avons tout de même enregistré une diminution des cotisations, notamment parce que certaines entreprises sont en grande difficulté. Néanmoins, une grande partie de la crise sanitaire a été payée par l’État.


Double peine pour le Médipôle

D’un côté, la Cafat ne peut payer ses dettes aux hôpitaux. De l’autre, la dotation globale de financement des hôpitaux votée au Congrès a diminué en 2020 d’un peu plus de 3%. La pression s’accentue donc sur les comptes du CHT Gaston-Bourret qui accumule, parfois depuis plusieurs mois, des impayés chez ses fournisseurs. À noter, tout de même, que la dotation doit rester stable en 2021.


La clinique n’assure plus les accouchements

Si le problème des anesthésistes de la clinique Kuindo-Magnin n’est pas directement lié au déficit du Ruamm, il concerne la même caisse.

Pour rappel, les anesthésistes-réanimateurs libéraux ont annoncé, lundi, qu’ils n’assureront plus les accouchements à la clinique à compter du 15 juin. « Pour pouvoir continuer à offrir en continu une offre de soins de qualité, nous avons besoin de ressources proportionnées à l’objectif poursuivi. La clinique et les médecins libéraux ont donc sollicité les autorités compétentes pour assurer la prise en charge financière de cette mission de service public. À ce jour, nos demandes n’ont pas abouti », expliquent les médecins-anesthésistes dans un communiqué.

Pour Nathalie Doussy, directrice générale adjointe de la Cafat, il s’agit là d’une impasse. « Chaque fois qu’il y a une demande de revalorisation de salaires, même si elle est légitime, nous ne pouvons pas y accéder en l’état actuel du déficit du Ruamm, et ce, tant que l’on n’a pas les financement correspondants ».

V.G.