Fini la rigueur, place aux coupes franches

L’économie calédonienne n’est pas au mieux et cela impactera directement les finances publiques. Le débat d’orientation budgétaire, qui s’est tenu jeudi 29 octobre, marque un tournant dans l’élaboration des budgets du territoire. Après avoir dépensé sans compter, nos élus doivent trancher dans le vif afin de retrouver une « crédibilité financière ».

L’ heure n’est plus à la rigueur ou à l’austérité budgétaire, elle est aux coupes franches. Le constat est partagé par tous les groupes politiques du Congrès pour ce budget « de crise » ou, pire, une illustration de la « chronique d’une faillite annoncée ». Mais c’est bien la seule chose que partagent les élus du boulevard Vauban. Pour le reste, et en particulier sur les responsabilités, les échanges s’apparentent davantage une guerre de tranchées. Si le sujet est grave, la séance aura pourtant bien fait rire une classe de lycéens venue assister au débat.

Le tableau des comptes calédoniens n’a toutefois rien de rose et l’exercice 2016 se présente contraint pour l’ensemble des collectivités. Le budget propre de la Nouvelle-Calédonie sera passé à la moulinette pour le réduire de 10 % pour atteindre les 40 milliards de dépenses en 2016. Une gageure si l’on considère le rythme de croissance des dépenses sur les dernières années. Dans son discours préliminaire, Philippe Germain, le président du gouvernement, a rappelé qu’entre 2011 et 2014, elles avaient augmenté annuellement de 10,6 % quand les recettes progressaient seulement de 5,9 %. Sur une période un peu plus longue, sur dix ans, les chiffres montrent une croissance moyenne de 6,5 % par an.

Cette fuite en avant a dégradé la crédibilité des finances du territoire, c’est une des conclusions d’un rapport d’assistance technique, financé par l’Union européenne sur les finances calédoniennes et qui n’a pas encore été rendu public. Une perte de crédit auprès de partenaires importants, tels que l’Agence française de développement ou l’Union européenne à qui la Nouvelle-Calédonie sollicite 3,6 milliards de francs dans le cadre du XIe FED, Fonds européen de développement, qui s’ouvre en 2016.

Des dépenses insoutenables

La Calédonie doit donc changer radicalement ses (mauvaises) habitudes et dès maintenant. Le volume des dépenses publiques, qui représente 57 % du PIB du territoire (plus de 400 milliards de francs), est insoutenable. Pour le budget propre du territoire, l’impact est d’autant plus important que c’est lui qui sert d’amortisseur en cas de baisse des recettes à répartir. D’une année sur l’autre, un effet cliquet protège les budgets communaux (excepté si une baisse suit une forte hausse).

Le territoire a pourtant de nombreuses charges à assumer comme l’allocation logement, le minimum vieillesse ou encore la prise en charge de la dépendance et du handicap, sans parler du Ruamm dont le déficit ne cesse de croître (lire p.14) Des dépenses qui se creusent, des recettes qui diminuent en raison d’une crise qui frappe les marchés des matières premières et en particulier celui du nickel. Le résultat est une hausse très marquée de l’endettement pour maintenir la commande publique. Mais l’endettement pour maintenir cet investissement connaît ses limites et se traduit par un taux d‘épargne négatif deux années consécutives, dégradant la crédibilité et donc la capacité d’emprunt auprès des partenaires financiers.

On remarquera, au passage, que les différentes politiques économiques menées ces dernières années ont paradoxalement renforcé l’inflation (la hausse des prix). En plus de nombreux projets privés, les élus ont surajouté d’importants projets publics entraînant une surchauffe et son corollaire, l’inflation, qui une fois la croissance retombée avec un marché de l’emploi qui se contracte, pèse sur le pouvoir d’achat.
C’est précisément le cas et les Calédoniens le paieront d’autant plus cher que les collectivités n’ont plus les moyens de s’endetter pour relancer l’économie ou, autrement dit, de mener une politique contracyclique.

Tout passer à la moulinette

Les leviers pour sortir de l’ornière sont connus : réduire les dépenses et augmenter les recettes. Au chapitre nouveautés, le gouvernement a déjà revu l’IRVM* à la hausse, créé la CCS*. La TGC* (l’équivalent de la TVA) est en cours de discussion entre les partenaires sociaux et les frais de siège des grandes entreprises sont également dans le collimateur de l’exécutif. Les appels des  Républicains et de l’UCF, qui plaident activement pour un arrêt de la hausse de la pression fiscale, pourraient bien rester sans réponse.

Du côté des réductions des dépenses, le gouvernement affiche une volonté ferme et régulièrement, le Mag’ du gouv publie à la chaîne les chiffres de coupe dans les dépenses de fonctionnement. Transport, communication, frais de réception ou encore collaborateurs… Tout y passe et dans des proportions importantes. Sur le dossier des collaborateurs, qui a récemment cristallisé les oppositions, le gouvernement a annoncé une économie annuelle de 208 millions de francs. Les établissements publics et les taxes affectées seront passées à la moulinette et après n’avoir reçu qu’un timide soutien, l’initiative de Bernard Deladrière de la création d’une Inspection générale des services (ainsi que d’une évaluation des politiques publiques).

Mais ces pansements ne suffiront pas à guérir le malade. Le traitement passera par une réforme en profondeur du modèle et une remise en question du niveau de service public. L’immobilisme pourrait faire entrer la Calédonie dans un cycle récessif.

M.D. 

*IRVM : impôt sur le revenu des valeurs mobilières

*CCS : contribution calédonienne de solidarité

*TGC : taxe générale à la consommation.

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Un budget annexe de répartition

Epinglé par la Chambre territoriale des comptes en 2012, le budget de la Nouvelle-Calédonie manquait de transparence. Pour les magistrats, sa présentation manquait singulièrement de lisibilité et avait tendance à brouiller la réalité des recettes, ce qui générait des problèmes de sincérité des budgets présentés aux élus du Congrès. à la suite du débat d’orientation budgétaire, les élus ont validé la création d’un nouveau budget permettant de séparer clairement le budget propre de la Nouvelle-Calédonie de celui qui a vocation à être reversé aux autres collectivités. Il existe désormais trois budgets, le budget annexe de reversement, le budget annexe de répartition et le budget propre. Un changement qui s’inscrit dans la démarche de maîtrise des dépenses.