De l’impro au collège/lycée ?

La compagnie de théâtre d’improvisation Ouh La La veut investir les collèges et lycées avec des ateliers à l’année, hors temps scolaire. La pratique de l’improvisation est reconnue pour développer l’imagination, la confiance en soi, la pratique orale, la gestion corporelle. Qui va relever le défi ?

Ceux qui ont déjà assisté aux spectacles de la compagnie Ouh La La ont assurément été bluffés par les prestations sur scène. Sans texte, ces comédiens aux talents particuliers parviennent à produire des saynètes incroyables, en temps réel, tout droit sorties de leur imagination et des échanges avec leurs partenaires et le public.

Créée en 2014 par Damien Cholley et Guénolé Bouvet, la compagnie est la seule structure locale dédiée à l’improvisation théâtrale. Et elle ne cesse de s’étoffer. Elle compte aujourd’hui 50 adhérents, propose des ateliers de formationde tous niveaux pour les particuliers, les maisons de quartier, des interventions en entrepriseet organise des spectacles (cabaret, match d’impro, etc.). Elle a par ailleurs initié, en 2016, la première édition du Festival internationalde l’improvisation théâtrale (Fiti) avec des troupes internationales et des tournées dans les provinces, un évènement reconduit en 2019. La prochaine étape ? Investir les collèges et les lycées !

Une pratique reconnue

La pratique de l’improvisation théâtrale a été reconnue par le ministère de l’Éducation nationale dans le cadre de la refondation de l’école, carelle peut contribuer à l’acquisition des compétences des socles relatifs aux « langages pour penser et communiquer » et « représentations du monde et l’activité humaine ». Loin d’être une pratique récréative, l’improvisation peut, en effet, participer dans le cadre scolaire à la maîtrise de la langue française, au goût de la pratique artistique, au langage du corps. Elle peut notamment développer la réflexion, l’imagination, la sensibilité, le dialogue, l’empathie, l’argumentation, la responsabilisation. C’est également un apprentissage de la rigueur et de la clarté, tout en laissant un certain champ libre aux expressions que les cours traditionnels permettent moins. « Dans un cadre donné, on laisse les personnes s’exprimer librement. Les adolescents redécouvrent leur créativité, leur spontanéité, développent leur confiance en eux », souligne Damien Cholley. La pratique s’inscrit totalement dans la volonté nationale de « libérer » l’aisance des jeunes à l’oral, avec les concours d’éloquence, de slam, etc. Pour ces ateliers, la compagnie a donc naturellement obtenu l’aval du vice-rectorat de Nouvelle-Calédonie.

Un championnat

Concrètement, Ouh La Lapropose aux établissements des ateliers hebdomadaires de deux heures, hors temps scolaire, de mars à novembre 2019, soit 30 semaines. Il s’agirait de former des groupes d’une quinzaine de participants sur la base du volontariat avec un formateur par atelier.

Comme au théâtre traditionnel, les jeunes apprendront à parler en public, à travailler leur voix, la diction, les intonations et à se déplacer sur scène. Et puisqu’il s’agit d’improviser, ils apprendront aussi à lâcher prise, à se faire confiance et à faire confiance aux autres par le biais de jeux. « En impro, on est tous sur un pied d’égalité, il n’y a pas besoin d’avoir une culture générale spécifique, on ne peut pas se tromper ! », nous dit le comédien. La compagnie pourra travailler avec l’équipe pédagogique pour intégrer éventuellement ce qui est étudié en classe.

Ensuite, il s’agira d’organiser un championnat de matchs d’impro entre les établissements, entre septembre et novembre. « L’idée serait de développer le sentiment d’appartenance au sein des collèges et des lycées, de faire participer les autres élèves pour la mise en scène, le son et lumière, la fabrication de t-shirtspour l’organisation de l’évènementiel », ajoute Damien Cholley.

Autre aspect intéressant, ces matchs pourront favoriser les rencontres entre les jeunes de différents établissements et contribuer à « casser les barrières sociales ». Les jeunes, face à face, créeront au final un seul et même spectacle.

Cerise sur le gâteau, les deux finalistesse rencontreront lors du Festival international de théâtre d’impro, fin novembre à Nouméa, sous le Chapitô et bénéficieront de l’aide des comédiens professionnels internationaux – et locaux puisque la Nouvelle-Calédonie compte dans ses rangs Édouard Waminya, originaire de Lifou et champion du monde 2016.

Une belle opportunité pourmettre en valeur notre jeunesse !

Pour les aspects pratiques et financiers, les établissements qui sont intéressés peuvent directement contacter la compagnie sur Facebook : Ouh La La. Celle-ci est également à la recherche de mécènes.

Le théâtre d’improvisation est un théâtre libre, de l’instant, particulièrement intéressant à développer chez les adolescents, en pleine construction. L’improvisateur joue devant un public sans texte prédéfini et sans mise en scène préalable, selon un temps donné et selon ce que lui inspire le thème de l’arbitre.


L’histoire du théâtre d’impro

L’improvisation théâtrale existe depuis la nuit des temps, bien avant que les hommes ne sachent lire et écrire. Mais elle est devenue plus récemment une discipline à part entière avec la naissance du concept des matchs d’impro au Québec. En pleine effervescence créative des années 70, le Théâtre expérimentalde Montréal a en effet choisi de mettre en scène l’improvisation théâtrale en parodiant le décorum du hockey, qui attirait bien plus de public. Deux équipes aux joueurs vêtus de maillots sportifs, guidés par un coach, un arbitre et ses deux assistants, un maître de cérémonie… Tout y était. Le concept pouvait être déposé. À Paris, la Lif (Ligue d’improvisation française) s’est emparée de l’idée dans les années 80 et l’a popularisée en jouant toutes les semaines au Bataclan. Aujourd’hui, la France comme bien d’autres pays, compte des dizaines de ligues d’improvisation amateurs et professionnelles, qui s’affrontent régulièrement, désormais hors des patinoires, devant un public sommé de voter pour son équipe favorite.

C.M.

Photos : Trophée Culture et Diversité/ Ouh La La.