Une simple rencontre a tout changé. Il y a quatre ans, le jeune Ilestio Tuaula discute avec Soane Neti, ancien joueur devenu éducateur à l’Union Rugby Club Dumbéa avant un saut comme entraîneur au club d’Haguenau, en Alsace. « Il m’a demandé si je voulais jouer au rugby. J’ai dit oui », se rappelle le lycéen de l’établissement Pétro-Attiti, crampons aux pieds samedi 28 juin, à deux pas de la pelouse de Rivière-Salée.

Ilestio, enfant du quartier de Koutio, signe alors sa toute première licence de sport de sa vie. Et la discipline plaît, beaucoup. « J’aime bien le contact. J’aime bien jouer. C’est une passion. » Solide Dumbéen de 1,84 m pour 126 kilos et habile ballon en mains, le talonneur ou pilier a tapé dans l’œil de sélectionneurs. Tout comme un autre collègue de l’URCD, formé à la JSLN Vikings, Maïwen Latuva, troisième ligne prometteur. Au terme de dix-huit mois de collaboration soutenue, les deux rugbymen calédoniens ont signé en compagnie de leur famille respective, la semaine passée, un contrat les liant au centre de formation de la Section paloise, en Métropole, durant deux ans pour l’un et trois années pour l’autre. Une belle marche franchie et une opportunité incroyable dans un club évoluant au plus haut niveau national lors de la saison 2024-2025, en Top 14.

Né en 2008, « Ilestio Tuaula est typiquement le joueur du Pacifique, qui a une capacité de se transformer quand le rugby devient une compétition. Il devient agressif, dans le bon sens du terme, avec cette volonté première d’avancer et de faire avancer son équipe », analyse Lucas Broto, directeur du centre dans le sud-ouest de l’Hexagone, qui s’est tout spécialement déplacé à Nouméa pour la signature, mais aussi l’accompagnement des jeunes vers la ville des Pyrénées-Atlantiques. Quant à Maïwen Latuva, venu au monde en 2009, « c’est un garçon qui se déplace énormément et qui a une capacité d’enchaîner les efforts avec constance et dureté. Et il a aussi, une fois qu’il aura bien pris ses marques dans notre environnement palois, un leadership à mettre en place, selon nous ».

« NOUVELLE VIE »

Club historique du rugby français, la Section paloise accueille des joueurs calédoniens depuis 2016. Le mouvement s’est même accéléré ces trois dernières années. Avec des réussites, comme celle de Brent Liufau, sacré champion du monde avec l’équipe de France des moins de 20 ans en 2023, mais aussi quelques échecs. Les raisons sont multiples et parfois cumulées : éloignement familial, différence culturelle et de mode de vie, pression plus lourde, mauvaise évaluation du joueur… « Avec le président [de la Section paloise] Bernard Pontneau, nous avons voulu tout de suite réagir », explique Lucas Broto, et ce, en réfléchissant sur tout le modèle de recrutement des joueurs du Pacifique et spécifiquement de Nouvelle-Calédonie. L’idée sous la bannière « Section paloise élite jeunes NC » : monter un pré-centre de formation ici afin de pouvoir proposer aux joueurs des entraînements d’un très haut niveau en termes d’intensité, puis de projeter ou non une venue en centre de formation en Métropole.

Un troisième rugby-man au gros potentiel, Lokehani Logona, formé au Petit Train de Païta, rejoindra Pau fin août. L’ambition est bel et bien « d’être ouvert à tous les clubs » du territoire, souligne Taofifenua Falatea, responsable technique du projet en Nouvelle-Calédonie, dont le fils, Yoram Moefana, joueur à Union Bordeaux-Bègles en Top 14 et élément clé aujourd’hui du XV de France, est une source d’inspiration. Pour « Tao », ce programme très encadré permet de tracer la voie vers l’élite. « Si les gamins font le travail qu’il faut, par rapport à ce que l’on pense d’eux, normalement, ils signent un contrat pro », soutient le dirigeant qui a lui-même côtoyé les beaux stades nationaux par le passé. Les jeunes y croient. Cette sélection au centre de formation de la Section paloise est « une occasion de partir, d’avoir une nouvelle vie, de découvrir d’autres choses », note Ilestio Tuaula. Maïwen Latuva voit « une grande opportunité. Je vais la saisir au maximum pour essayer d’atteindre le plus haut niveau possible »

Yann Mainguet