La direction du port autonome de la Nouvelle-Calédonie recevait, vendredi 23 mai, Samuel Hnepeune, membre du gouvernement en charge des infrastructures maritimes et portuaires, ainsi que la presse. L’occasion de préciser les perspectives de développement avec plusieurs vastes chantiers.
La nouvelle direction du port installée en juin 2024 et gérée par Karim Ouni s’associe avec un nouveau président du conseil d’administration, Samuel Hnepeune. L’équipe a trouvé un établissement « quelque peu en difficulté » avec notamment des « équipes sous-dimensionnées » et « beaucoup de dysfonctionnements administratifs et opérationnels », selon le directeur Karim Ouni.
Quelques mois après les évènements de mai 2024, cinq axes de développement ont été présentés au conseil d’administration pour faire du port autonome « un véritable outil pays, créateur d’emplois et de retombées économiques ». Dans le contexte de crise, promet Samuel Hnepeune, « les projets structurants, sources de commande publique, peuvent être porteurs pour la relance de l’économie calédonienne ».
« DÉVELOPPER LE BUSINESS DU PORT »
Le port autonome dispose d’un fort potentiel dans le Pacifique par sa situation géographique, ses infrastructures, ses deux rades à l’abri (un plan d’eau de 1 400 hectares) et son domaine terrestre de plus de 80 hectares qui accueille aujourd’hui près d’une centaine d’entreprises. « C’est une petite ville », décrit Karim Ouni. L’enceinte portuaire compte un terminal de commerce, une zone de pêcheries, un site dédié à la maintenance navale (cale de halage) et un secteur dédié au tourisme du côté des quai ferry.
Le cadre est jugé « fonctionnel et performant » pour les compagnies maritimes de commerce qui disposent d’espace et d’une bonne logistique, avec notamment des acconiers privés qui ont largement investi dans du « matériel de qualité » (grandes grues). 662 000 tonnes de marchandises ont transité par le terminal en 2024. Principalement de l’import (69 % – 33 000 conteneurs pleins) et 133 000 tonnes d’export, surtout du ferronickel. La crise a ralenti les flux de 13 % en 2024. Ils risquent de diminuer encore en 2025, a priori entre 20 et 25 %. Il faut donc « réformer, optimiser, moderniser et continuer à développer ».
La Nouvelle-Calédonie est aussi attractive pour la grande croisière, les compagnies appréciant les services (eau douce, etc.) et l’offre de soins. « Il a fallu un tremblement de terre au Vanuatu pour qu’elles reviennent du jour au lendemain », selon le directeur du port. Il y a un fort intérêt, mais il faut offrir des services de bon niveau. Actuellement, 130 navires font escale dans des « conditions minimales » qui permettent néanmoins 2,6 milliards de retombées annuelles pour la ville de Nouméa et ses commerçants (chiffres 2018).
Le port autonome engrange 700 millions de recettes propres liées aux locations, aux redevances et 700 millions issus de l’affectation de taxes. « On va arriver vers un modèle où nos recettes propres vont augmenter », croit Samuel Hnepeune, qui veut « développer le business du port pour investir ». Karim Ouni vise « la remise à plat » des activités qui n’étaient « pas bien gérées » et le développement de nouvelles prestations qui doivent aider à réinvestir.
Selon Samuel Hnepeune, « un navire qui vient pour des prestations de maintenance ou d’approvisionnement, c’est à peu près 20 millions par toucher (fourchette basse). Pour la croisière, nous sommes à deux milliards et demi de retombées sur la ville de Nouméa alors qu’à Tahiti ils sont à 20 milliards. On a une marge de progression ». En attendant, des discussions doivent être menées avec des banques (AFD et Banque des territoires) pour maximaliser les investissements. Le recours à des investisseurs privés n’est pas exclu.
AXES DE DÉVELOPPEMENT
Le terminal de commerce où transite majoritairement de l’alimentation (75 % de l’import) a vocation à se moderniser (flux, contrôles, sécurité, extension du quai 8, différentes opérations de rénovation) pour sécuriser ses approvisionnements, augmenter son trafic. Il faut aussi renouveler l’accueil de la grande croisière. « La construction d’infrastructures modernes en petite rade permettra de fidéliser les grandes compagnies, de densifier la croisière et d’augmenter très significativement les retombées économiques », explique Karim Ouni. Les pilotes maritimes sont récemment allés en Nouvelle-Zélande pour tester la manœuvrabilité de grands navires, notamment les bateaux de plus de 300 mètres dans la petite rade.
Plusieurs scénarios d’investissement en lien avec le positionnement de nouveaux quais sont envisagés. Ils sont compris entre trois et six milliards de francs. Le développement du terminal de croisière, quant à lui, est chiffré entre deux et trois milliards de francs, selon l’envergure du bâtiment. « Il faut mettre en perspective les retombées économiques potentiellement très importantes pour la ville de Nouméa, indique Karim Ouni. Si on prend l’hypothèse d’une augmentation de 50 %, voire d’un doublement des escales, les investisse- ments pourraient être amortis en moins de trois ans. » Ils assureraient 5 à 6 milliards de retombées économiques à Nouméa.
Le port ambitionne par ailleurs de créer un pôle scientifique et technique pour stimuler l’économie maritime. Les navires scientifiques (recherche / surveillance) et techniques (câbliers) qui naviguent dans le Pacifique ont vocation à faire escale plusieurs mois par an. Il s’agirait aussi de disposer d’une aire de carénage (maintenance et démantèlement) pouvant accueillir « la plupart des navires du territoire et capter les navires de la région » (actuellement deux cales de 200 et 1 000 tonnes, des infrastructures à moderniser et outiller). Un premier patrouilleur de l’armée (P400) doit être démantelé courant 2026. L’opération a été décalée d’un an.
Chloé Maingourd