Croix du Sud : une fausse catastrophe prépare aux vrais risques

Dix bâtiments militaires ont été déployés pour l’exercice, dont le porte-hélicoptères Dixmude capable de projeter des hélicoptères et des bateaux avec peu de tirant d’eau pour accoster sur les plages et d’autres endroits peu profonds. / © B.B.

Un tsunami qui ravage la côte Est, engloutit Ouvéa et Lifou laissant des centaines de personnes en détresse, sans toit, ni eau, ni nourriture. Du 24 avril au 8 mai, les armées de 19 pays et des associations se sont préparées au pire dans le cadre de l’exercice militaire Croix du Sud.

Les eaux ont déferlé sur les Loyauté avant de frapper la côte Est. Le raz-de-marée a tout emporté, laissant peu de choses à des centaines de personnes en détresse.

Pas d’électricité, parfois plus de toit et aucun moyen de se déplacer avec la montée des eaux. « Les réfugiés climatiques transportés peuvent être extrêmement fatigués, blessés et ont peut-être déjà contracté des maladies, comme la fièvre typhoïde, rapporte Yann Carpentier, président de l’Ordre de Malte Nouvelle-Calédonie. Cela fait trois jours qu’ils n’ont pas mangé et qu’ils boivent de l’eau souillée. »

Les bénévoles de l’organisation non gouvernementale ont improvisé sous des toiles de tente une infirmerie, un réseau électrique autonome, des sanitaires. La Croix-Rouge française, des secouristes et des étudiants du BTS Jules Garnier, « capables de réparer à peu près tout et n’importe quoi », apportent leur soutien.

L’exercice Croix du Sud simulait une catastrophe naturelle dans un pays politiquement déstabilisé. Les militaires ont dû porter secours aux sinistrés, les soigner et les mettre à l’abri. / © B.B.

Un camp d’urgence a été installé à proximité de l’aérodrome de Koumac. Sur place, une coalition militaire internationale et les associations s’occupent des victimes du tsunami.

La France, les États-Unis, l’Allemagne, le Japon, les Fidji, Singapour et 13 autres nations ont déployé des troupes pour gérer cette crise grave. « On a pris en charge des sinistrés suite à des conditions climatiques difficiles, explique le capitaine Rémy, chef de l’unité Evacinfo de Nouméa. Les personnes présentes aux points de regroupement ont été évacuées vers ce centre de regroupement et d’évacuation des ressortissants, CRER. »

Les ressortissants des pays mobilisés sont enregistrés, pris en charge et évacués. Les victimes d’autres nationalités sont soignées sur place ou aidées au mieux par les bénévoles des différentes associations humanitaires.

Une quinzaine d’avions et d’hélicoptères ont été mobilisés pour s’entraîner à des évacuations de population,
dont les appareils français Puma. / © B.B.

FICTION ET RÉALITÉ

Ce scénario catastrophique ne s’est pas déroulé en Nouvelle-Calédonie, mais dans un État fictif sinistré et politiquement déstabilisé. Du moins pas encore, nuancent les participants.

Il a, en revanche, été pris très au sérieux par les Forces armées de Nouvelle-Calédonie (Fanc) et tous leurs alliés réunis dans le cadre de l’exercice Croix du Sud, du 24 avril au 8 mai.

Trois mille militaires et civils se sont entraînés à faire face à une catastrophe naturelle en simulant, dans le nord de la Grande Terre et aux Loyauté, des évacuations massives de population. « Ce type de camp n’existait pas dans le Pacifique. Personne ne s’y était préparé », rappelle Yann Carpentier de l’Ordre de Malte.

Dix-neuf pays ont répondu à la sollicitation de la France
dont, pour la première fois, des nations européennes comme la Grande-Bretagne. / © B.B.

La coopération de 19 nations était une première tentative de préparation. Elle démontre « leur intérêt pour la région et sa stabilité », insiste le général Valéry Putz. En plus d’afficher une « cohésion régionale », les alliés de la France dans le Pacifique veulent répondre aux inquiétudes qui entourent les conséquences du changement climatique.

Des catastrophes naturelles peuvent survenir, et « surviendront dans les années à venir », souligne le commandant supérieur des Fanc. « Nous ne pouvons pas attendre que quelque chose arrive pour s’entraîner, appuie Reginald Neal, major general de l’US Army à Hawaii. Nous devons nous préparer au futur. »

STRATÉGIE INDO-PACIFIQUE

Le déploiement du porte-hélicoptères Dixmude et de la frégate légère furtive La Fayette, composant la mission Jeanne d’Arc, a conféré au rassemblement interarmées une ampleur inédite après cinq ans d’absence.

L’exercice « référence » depuis une vingtaine d’années s’inscrivait clairement dans la stratégie voulue par Emmanuel Macron dans les océans Pacifique et Indien. « La mission Jeanne d’Arc constitue un renforcement significatif des moyens disponibles et illustre la stratégie française pour la défense de la souveraineté, basée sur l’interaction permanente des forces de souverainetés avec des renforts temporaires de Métropole », développe le général Putz.

« Il y avait une forte attente et une forte envie de participer, souligne le général des Fanc, Valéry Putz. Nous avons invité de nombreux partenaires océaniens, du Pacifique et d’Asie du Sud-Est. » / © B.B.

Le dernier exemple en date remonte à août dernier avec le passage éclair de trois Rafale dans le ciel calédonien lors de la mission Henri Brown. C’était la première fois que des avions de chasse français rejoignaient le territoire depuis la Métropole.

Pas question pourtant de parler de « démonstration de force » en pleine guerre d’influence régionale. Le haut-commissaire Louis Le Franc préfère « démonstration de compétence, de partenariat et de coopération ». Il s’agit d’un « bon signal géopolitique », insiste le représentant de l’État, envoyé à l’Australie, la Nouvelle-Zélande et « à nos voisins immédiats ».

Brice Bacquet