Crise du nickel, la mine dans le rouge

L’ensemble du secteur de la mine calédonienne est menacé et certaines déclarations récentes ne laissent rien présager de bon pour les mois à venir. Si Vale et Glencore semblent déterminés devant les pertes affichées, la SLN, premier employeur du territoire, se veut plus rassurante en avançant que tout sera fait pour sauver la situation. De leur côté, les « petits mineurs », très préoccupés, pointent du doigt le « deux poids, deux mesures » du gouvernement.

On entend parler de fermeture d’usine, de licenciement de masse, de départ de Nouvelle- Calédonie, mais à quelques jours de la clôture des exercices financiers des grands opérateurs calédoniens de nickel, aucune annonce directe n’a été faite en ce sens. Reste alors beaucoup d’interrogations sur l’avenir du secteur de la mine et de la pérennité des groupes métallurgiques du pays. Il est bien loin le conflit des rouleurs car la crise actuelle des cours du nickel et les pertes locales annoncées cette année – plus de 100 milliards de francs selon les acteurs économiques, pourraient présager des jours bien noirs pour l’ensemble de la mine et de la Nouvelle- Calédonie si les cours du LME, London Metal Exchange, ne remontent pas.

Une position franche

La note d’analyse de la banque Crédit suisse, qui envisage un départ éventuel de Vale – une « option théorique » pour le président de Vale NC Antonin Beurrier – et les dernières déclarations d’Ivan Glasenberg, le PDG de Glencore dans le Metal Bulletin, ne laissent planer aucun doute sur les intentions de deux des trois plus gros opérateurs métallurgistes du pays. Si le géant Vale compte ses pertes, réorganise ses sites de production à travers le monde pour contenir la situation économique, du côté de Vavouto, le cadeau fiscal de 2,9 milliards octroyé par Calédonie ensemble et les indépendantistes n’a pas suffi à rassurer le PDG de Glencore. Détenant 49 % du capital de KNS (Koniambo Nickel SAS), il n’a pas fait dans la demi-mesure en annonçant à ses investisseurs : « Le Koniambo est un complexe très difficile et très coûteux. Nous ne sommes pas mariés avec, mais soyons pragmatiques. Nous allons regarder le marché du nickel, nous ferons marcher un four, puis le second si nous sommes certains d’être rentables. Si cela ne marche pas, nous partirons de cet endroit. »… « Ce n’est ni le style ni l’intention de Glencore d’attendre des jours meilleurs, nous n’avons aucunement l’intention de perdre du cash comme d’autres le font en Nouvelle-Calédonie. » Allusion faite à Vale et Eramet.

Opération sauvetage

Si Glencore et Vale sont clairs sur leur intention dans la mesure où la situation ne s’améliore pas sur l’échelle économique mondiale, pour Eramet, il en va autrement. Alors que la société perd actuellement deux milliards de francs par mois, nulle question de freiner la production ou de parler licenciement. Le but est de « sauver la SLN », comme l’a indiqué sur Outre-mer 1ère, Philippe Vecten, le directeur général délégué de la branche nickel du groupe Eramet. « L’équipe de direction de la SLN a déjà préparé un premier plan d’actions dans ce sens, l’objectif est d’économiser 10 milliards en 2016. » Evoqué la semaine dernière dans nos lignes, Eramet envisage, pour atteindre son objectif, de réduire la production de mattes de la SLN tout en augmentant la production de ferronickel, « une mesure à l’impact significatif et positif sur l’équilibre financier de l’entreprise », a ajouté Philippe Vecten. Le représentant du groupe métallurgique espère trouver des solutions supplémentaires pour obtenir du cash, en se tournant vers les autres propriétaires de la SLN, comme la SCPI, Société calédonienne des participations industrielles, détenue par les trois provinces.

Arrêter le deux poids, deux mesures

En attendant une possible remontée du cours du nickel, les trois grands groupes métallurgiques du territoire affinent leurs stratégies pour les mois à venir. Opération de sauvetage pour la SLN, fermeté pour l’usine du Nord, statu quo pour Vale… Quoi qu’il en soit il faut trouver du cash pour « sauver les meubles ». Une situation qui inquiète bien évidemment les partenaires sociaux, les sous- traitants des trois groupes métallurgiques et les « petits mineurs ».

Pour eux, au-delà de l’effondrement des cours du nickel, la situation locale n’arrange rien. « Des coûts de production extrêmement élevés, trop peu d’élasticité pour les prix de revient sur un marché extrêmement baissé, cette situation me préoccupe, a indiqué Louis Ballande sur les ondes de RRB. Surtout s’il doit y avoir en permanence une interférence politique sur des sujets qui doivent ressortir de la compétence des chefs d’entreprise. » Cette politique du « deux poids, deux mesures », menée par les membres de Calédonie ensemble et les indépendantistes du gouvernement qui ne se gênent pas pour privilégier certains opérateurs, est montrée du doigt et divise. En attestent les dernières autorisations d’exportation ou le cadeau fiscal donné à la SMSP, qui mettent en évidence un véritable problème de gouvernance. Une situation qui ne laisse rien présager de bon pour l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.

C.S.

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MKM autorisé à exporter 

Parmi les textes examinés cette semaine par le gouvernement, Maï Kouaoua Mines a obtenu de nouvelles autorisations d’exportation de minerai pauvre, l’une, à destination du fondeur japonais Pamco, l’autre, à destination de l’australien QNI. MKM est donc autorisé a exporter 250 000 tonnes de minerai pendant 10 ans vers le Japon et bénéficie également d’une autorisation pour l’exportation de minerai de deux bateaux de 60 000 tonnes chacun à destination de QNI. Des autorisations d’exportation qui ravivent chez certains les douleurs du dossier des exportations et le récent conflit des rouleurs.