Coronavirus : quels dispositifs en cas de crise en Nouvelle-Calédonie ?

Si à ce jour aucun cas de Covid-19 n’a été détecté en Nouvelle-Calédonie, le territoire se prépare comme les autres à l’éventualité de l’introduction du virus et de sa circulation.

L’Organisation mondiale de la santé a appelé tous les pays encore épargnés à se préparer à l’arrivée du coronavirus. L’OMS avertit que de se croire à l’abri de la maladie serait une erreur. « Aucun pays ne doit penser qu’il n’y aura aucun cas chez lui, a déclaré son directeur, Tedros Adhanom Ghebreyesus. Ce serait une erreur fatale, littéralement. Le virus ne respecte pas les frontières ». Le message de l’organisation, plutôt prudente depuis le début de l’épidémie, devrait être pris au sérieux. Depuis quelques jours, le nombre de cas quotidien de contaminations dans le monde a été supérieur à celui enregistré en Chine. Tous les continents sont touchés et les îles également.

Dans l’outre-mer français, les premiers cas ont été recensés à Saint-Martin et Saint- Barthélemy. De vives inquiétudes se font ressentir chez les ultramarins notamment dans les destinations les plus touristiques. Annick Girardin, ministre de tutelle, a demandé aux autorités de se préparer sachant « qu’une île, ça n’empêche pas l’arrivée d’un virus ». Sans tomber dans la panique, c’est donc faire preuve de lucidité que de penser que nous ne resterons pas éternellement épargnés…

Vigilance accrue

L’inquiétude est aussi palpable localement, même si elle est beaucoup plus mesurée. Plusieurs paquebots ont été refoulés dans les îles, à la demande des coutumiers. Une quarantaine d’escales auraient été annulées depuis début février, mais elles se font encore à Nouméa. Les agences de voyages enregistrent, comme ailleurs, de nombreuses annulations. Et l’on voit les rayons de gels hydroalcooliques diminuer à vue d’œil dans les pharmacies, preuve que les Calédoniens se préparent.

Sur le territoire, la santé est une compétence locale et les autorités sanitaires sont aux aguets. Elles s’attendent à connaître, elles aussi, les premiers cas. Elles conviennent que « plus le virus circule largement dans le monde, plus le risque qu’un voyageur infecté arrive en Nouvelle-Calédonie augmente » et que « si l’épidémie à Covid-19 devient une pandémie (épidémie active sur plusieurs continents), il est probable que le virus arrivera».

Les mesures de sécurité à La Tontouta sont toujours en vigueur et récemment, elles ont été renforcées à destination des navires. Ils doivent désormais préciser 48 heures avant leur arrivée, puis une heure avant, si des personnes à bord présentent de la fièvre, s’ils ont séjourné dans des zones rouges ou ont été contact avec des personnes ayant séjourné dans ces zones au cours des 14 derniers jours. Les personnes répondant à un de ces critères ont l’obligation de rester à bord et la Dass-NC peut interdire le débarquement de l’ensemble des membres d’équipages et passagers.

Mercredi, 44 personnes faisaient l’objet d’une surveillance téléphonique depuis leur domicile, où elles restent confinées le temps de la période d’incubation. Deux jeunes de 9 et 15 ans, originaires de Pouembout et du Mont-Dore qui étaient passés par Singapour (zone à risque), ont présenté des symptômes durant cette période de 14 jours. Ils ont été isolés et testés au Médipôle, vendredi et lundi. Les résultats se sont révélés négatifs.

Les services de la Dass ont aussi traité 141 appels sur leur numéro vert (05 02 02) depuis le 14 février. La plupart concernent des demandes d’information sur le virus et des recommandations pour les voyages hors de la Nouvelle-Calédonie. « Des personnes de toutes origines et de tout le territoire appellent » et notamment « des personnes âgées, inquiètes du risque de gravité dans leur classe d’âge ». Le numéro vert est également appelé à répondre à des voyageurs malades inquiets.

©gouv

La Nouvelle-Calédonie a défini ses propres niveaux d’alerte

À l’image de la Métropole, un protocole de gestion du virus a été instauré, mais la Nouvelle-Calédonie a défini ses propres niveaux d’alerte. Le niveau 1 est le niveau actuel. Il correspond à la possibilité d’avoir des cas « importés », c’est-à-dire des malades revenant de voyage. « L’essentiel des actions est de dépister les personnes malades au moment du passage aux frontières et de mettre les personnes-contact de ces malades en quarantaine », explique la Dass.

Le niveau 2, correspondrait à la présence de cas importés et une petite circulation du virus autour de ces cas. Les actions viseraient alors à « limiter la circulation du virus en plus des actions aux frontières ».

Le niveau 3 correspondrait enfin à l’apparition de cas locaux sans que l’on puisse les relier aux cas importés et la stratégie se concentrerait alors « sur la filière de soins ».

Pour rappel, les personnes qui seraient testées positives demain seraient isolées au Médipôle. Les personnes non malades, mais qui auraient été exposées à des personnes atteintes ou fortement suspectées seraient placées en quarantaine (de préférence dans un lieu dédié).

En cas d’afflux important de malades, certaines mesures spéciales pourraient aussi être prises comme réserver l’hospitalisation aux personnes les plus fragiles ou favoriser le maintien à domicile des personnes malades ne présentant pas de signes de gravité. À l’image des hôpitaux de Creil ou de Compiègne en Métropole, un « plan blanc » pourrait être déclenché. Il vise justement à gérer un afflux important de malades.

Dans le cas d’une grande épidémie, comme ailleurs, le Médipôle ne pourrait agir seul et il faudrait « une implication de tous les acteurs de santé : centres hospitaliers, dispensaires, professionnels de santé, etc. ».

À noter que la question d’éventuelles évacuations sanitaires pour des complications n’est pas, à ce stade, envisagée. « La responsabilité de la Nouvelle-Calédonie est de traiter les malades sur son sol », nous dit la Dass.

De manière plus générale, c’est la Nouvelle- Calédonie qui aurait le pouvoir de gérer la limitation des déplacements de population avec, par exemple, la fermeture des établissements scolaires ou d’entreprises, comme on l’a vu ailleurs. Mais de telles décisions seraient prises avec l’ensemble des autorités concernées. « Ces mesures seraient envisagées de toute évidence au cas par cas et en fonction de […] l’évolution de l’épidémie », précisent les autorités.

Commande de matériel

L’insularité a des avantages et des inconvénients. Selon la Dass, elle nous procure « une plus grande facilité à mettre en place des contrôles sanitaires aux frontières et une organisation souvent plus facile et rapide entre les professionnels de santé ».

En revanche, « les inconvénients sont liés à l’éloignement et aux délais pour recevoir les commandes de matériel ». La Nouvelle-Calédonie a transmis à l’État une demande de soutien au titre des stocks d’intérêt national. Le territoire dispose d’un stock de certains produits (masques, gels hydroalcooliques, gants) qui, en cas de propagation, serait insuffisant….

Par conséquent, si le virus vient à circuler localement, la population sera appelée à adopter des comportements adaptés pour ne pas s’infecter, tels que se tenir à distance (à plus d’un mètre) des personnes malades et se laver très souvent les mains à l’eau et au savon. Comme ailleurs et de manière logique, on peut imaginer que les stocks de masques seront en priorité réservés aux professionnels de santé et aux personnes malades.


Extension de la zone à risque

Le gouvernement vient d’étendre la zone à risque des pays touchés par le coronavirus et qui nécessite un renforcement des contrôles. Un questionnaire complémentaire et un contrôle de l’état de santé est réalisé pour les voyageurs en provenance de Chine (Chine continentale, Hong Kong et Macao), Singapour, la Corée du Sud, l’Italie, l’Iran, l’Espagne, l’Allemagne et l’Égypte. On remarquera que la Métropole, qui enregistre une forte croissance du nombre de cas, n’est pas concernée.

Depuis le 28 janvier, 133 voyageurs sont revenus de Chine, 131 de Singapour, 9 de Corée du Sud, 28 d’Italie, 3 d’Allemagne et 4 d’Espagne. Sur ces 308 voyageurs, 144 sont des résidents de la Nouvelle-Calédonie. La Direction des affaires sanitaires et sociales a assuré une surveillance téléphonique pour 44 personnes. Le numéro vert (05 02 02 ouvert de 8 h à 16 h 30 les jours ouvrables) a permis de traiter 141 appels.

C.M.

©photo d’illustration AP