Confusion dans le dossier de l’usine du Sud

La semaine dernière a été marquée par une forte mobilisation de l’Instance coutumière autochtone de négociation (Ican) et du collectif Usine du Sud = usine pays. Depuis, les manifestants organisent des blocages journaliers, mais ont souhaité laisser les épreuves scolaires se dérouler normalement. Daniel Goa, le président de l’Union calédonienne, a adressé cette semaine une nouvelle lettre à Sébastien Lecornu en attendant une nouvelle réunion Leprédour par visoconférence prévue ce jeudi.

Après une grosse mobilisation, vendredi à Ko We Kara, avec le collectif du Nord, l’USTKE et des représentants des Îles, l’Ican et le collectif Usine du Sud = usine pays, poussés par l’Union calédonienne, ont réduit leurs actions à des blocages ponctuels à l’entrée du site de Goro à Thio ou encore à la mairie de Yaté. Les représentants ont souhaité permettre aux lycéens de passer leur bac et attendent aussi d’obtenir une table ronde sur la reprise de l’usine du Sud.

Une table ronde, certes, mais menée par l’État et non pas par la province Sud ou par Vale, comme cela a été le cas jusqu’ici. Le collectif et l’Ican veulent que l’État arbitre sur la meilleure offre, entre un consortium comprenant Trafigura, d’un côté, et Sofinor/Korea Zinc, de l’autre. L’offre de la Sofinor avait été refusée par le groupe Vale et à tout moment Antonin Beurrier, le PDG de Vale NC, pourrait annoncer que le rachat par Trafigura est signé.

Vers le préalable minier

Au départ commercial, l’escalade du dossier s’est rapidement faite sur le champ politique, depuis que Daniel Goa, le président de l’UC, a indiqué ne plus vouloir participer aux discussions sur l’avenir institutionnel si l’État ne cède pas sur le dossier Vale. Pour résumer, le leader indépendantiste veut un préalable minier comme celui obtenu en 1996 pour la province Nord. Une position de l’UC qui s’est accompagnée du blocage des routes et du port autonome avec des conséquences économiques que l’on connaît.

Une situation qui n’a pas plu à Sébastien Lecornu. Le ministre des Outre-mer s’est exprimé sur le sujet, vendredi, lors d’une audition à l’Assemblée nationale par la délégation aux Outre-mer, indiquant qu’il « n’aimait pas le bazar (…) Pour qu’il n’y ait pas de bazar, il faut que l’État soit fort par la réponse à l’ordre public », a-t-il prévenu, assurant avoir « donné des instructions de grande fermeté aux forces de l’ordre ».

Sur le fond, Sébastien Lecornu a indiqué que l’État avait été « mis à l’écart » de l’offre Sofinor/Korea Zinc, qu’elle lui avait « été communiquée quelques heures avant la fin du délai de négociation entre Vale et les éventuels repreneurs ». Le ministre a temporisé et demandé finalement à ce que « les offres soient connues de tout le monde », afin de regarder « ce qu’elles contiennent ».

Lundi, Daniel Goa a adressé une énième lettre ouverte au ministre, demandant que l’État examine de manière favorable la proposition de reprise de Vale faite par Sofinor/Korea Zinc. Le chef de l’UC précise que « l’État n’a pas été tenu à l’écart de l’offre de reprise de Sofinor/ Korea Zinc et s’il y a eu troubles à l’ordre public, c’est que l’État, pas plus que le gouvernement calédonien ni la province Sud, n’a fait preuve de la volonté de débattre du sujet. » Daniel Goa a ajouté que « la Sofinor a préparé un dossier préliminaire, mais le haut-commissaire a refusé de le prendre ».

Sauvegarder les emplois

Pendant que le ministre des Outre-mer se défend sur le dossier Vale NC, que les indépendantistes tentent d’expliquer et appuient la contestation de l’Ican et du collectif Usine du Sud = usine pays afin d’amorcer un deuxième préalable minier, que font les Loyalistes ? Ils tentent, coûte que coûte, de faire front en multipliant les réunions avec tous les acteurs du Sud autour de la table de Vale NC et d’Antonin Beurrier pour boucler le dossier. Le but étant de mener à terme le rachat de l’usine du Sud en évitant que la province Nord contrôle les massifs de la province Sud avec, au passage, un sauvetage des emplois.

Car si le dossier Vale NC correspond à un cahier de revendications politiques des indépendantistes avec la condition d’un retour dans les discussions référendaires, les chefs d’entreprise, les salariés de Vale NC et la plupart des habitants du Sud n’ont que faire des idéologies politiques. Il leur faut avant tout des garanties pour sauvegarder les emplois, l’outil de travail. Pour eux, il est urgent que cesse la confusion dans ce dossier d’autant qu’à tout moment, l’industriel peut signer l’offre Trafigura ou, au contraire, agacé, plier bagage.

D.P.

©cap 2022


Calédonie ensemble se positionne

Le parti s’est exprimé officiellement sur le dossier Vale. Pour Calédonie ensemble, l’État doit reprendre la main. Devant la presse, les députés Philippe Gomès et Philippe Dunoyer ont expliqué qu’il fallait profiter de la « trêve » dans la mobilisation de l’Ican et du collectif de l’usine du Sud pour tenter de sortir de l’impasse et éviter un cataclysme économique. Il faut aussi que les intérêts publics soient représentés au moins à hauteur de 50 % dans l’actionnariat avec une structure dans laquelle la province Sud aurait la présidence et détiendrait ce pourcentage et pour laquelle la distribution des dividendes correspondrait au capital. La dernière proposition est de permettre que le détail des offres soit connu, comme l’a demandé Sébastien Lecornu. Des propositions que doit présenter Calédonie ensemble à la prochaine réunion Leprédour par visioconférence, ce jeudi.


Pierre Frogier : « L’État doit se réengager dans la politique minière »

Dans les colonnes des Nouvelles calédoniennes, le sénateur s’est livré à une analyse. Pour lui, la mobilisation suscitée par le départ de Vale fait à nouveau prendre conscience des enjeux liés à la valorisation des ressources minières en Nouvelle- Calédonie, le nickel jouant encore un rôle majeur dans les débats politiques. Pierre Frogier rappelle en ce sens le préalable minier de 1996 et affirme que l’engagement financier des provinces au travers des actions qu’elles détiennent dans chacune des usines répond « davantage à une logique politique qu’à une logique de rentabilité économique ». Pierre Frogier pense que le nouveau préalable de l’Union calédonienne répond « avant tout à une logique politique visant à accompagner le modèle économique de la province Nord ». Dès lors, pour le sénateur, un impératif s’impose : « se doter d’une politique stratégique minière ».

Pour Pierre Frogier, la coexistence de trois usines d’une telle ampleur sur le territoire nécessite, écrit-il, « une coopération entre l’ensemble des acteurs pour que le développement se fasse harmonieusement et que la concurrence entre les acteurs ne porte pas préjudice, mais profite à la Nouvelle-Calédonie ». Il relève que l’on constate aujourd’hui la très vive concurrence entre les trois opérateurs, qui sont en compétition tant pour disposer de titres miniers que pour faire prévaloir leurs modes de production. En conséquence, le sénateur conclut qu’il est « urgent que l’État passe à l’étape suivante et se réengage dans la politique minière de la Nouvelle-Calédonie ».