Comment les autorités gèrent-elles le risque requin ?

tiger shark of the tuamotu

Ce qui est appelé le « risque requin » est pris en compte par les institutions depuis quelques années. Parmi les mesures phares, l’instauration d’un plan d’action requins et des campagnes d’abattage en 2019.

♦ JANVIER 2018

Une prévention du risque est mise en place dans la grande rade après l’attaque d’un habitant de Nouville par un requin bouledogue. La ville de Nouméa annonce qu’elle va signaler le danger lié à la présence potentielle de squales et prend un arrêté interdisant la baignade sur le littoral jouxtant la zone maritime du Port autonome. Ce dernier doit renforcer le contrôle des déchets de pêche et la province Sud la présence des gardes nature.

Le nourrissage des requins est interdite depuis août 2017 et passible d’une amende de 89 000 francs.

♦ NOVEMBRE – DÉCEMBRE 2018

L’Institut de recherche pour le développement (IRD) est sollicité par la province Sud pour lancer un programme de recherche afin d’évaluer l’abondance des requins dans le lagon et suivre leurs déplacements, notamment près du littoral. Ce programme doit durer au moins quatre ans et démarrer par deux campagnes à Nouméa et Bourail. Il s’agit de marquer des requins tigres et bouledogues.

♦ 2019

La province Sud et la mairie de Nouméa lancent un plan d’action commun en concertation avec le Port autonome, les Affaires maritimes et la Sécurité civile. Il comporte 44 mesures basées sur la prévention, le renforcement de la réglementation et l’acquisition d’informations scientifiques. 27 requins sont marqués et 44 balises hydrophones positionnées autour de Nouméa, la régulation est instaurée, la surveillance des plages renforcée, une signalétique mise en place, les pratiques de la filière pêche doivent être améliorées, les eaux grises et noires des plaisanciers récupérées, la création de « sentinelles » de la mer évoquée…

♦ MAI 2019

L’attaque d’Anthony dans la baie de l’Orphelinat « atteste de la prolifération du requin bouledogue », estime la province Sud. Des individus sont capturés, puis relâchés au large. Les essais ne sont pas concluants : « les spécimens bagués sont revenus côté lagon ». Elle procède à une campagne d’abattage de requins bouledogues.

♦ MARS 2021

La province Sud procède à une nouvelle campagne de prélèvement après le décès d’un plaisancier à l’îlot Maître : 17 autour de l’îlot Maître, six à Ricaudy et un dans la grande rade, soit 24 requins : 19 tigres et 5 bouledogues.

♦ JUIN 2021

Vider son poisson à moins de 500 mètres du rivage est interdit. Ce comportement « criminel » est passible d’une amende de 90 000 francs.

♦ OCTOBRE 2021

La province Sud modifie son code de l’environnement : elle retire les requins tigres et bouledogues de la liste des espèces protégées et interdit la pêche sur le plateau Ricaudy/Aqua Rêve.

♦ JANVIER 2022

L’action contre le risque requin se poursuit. La province évoque le renforcement de la surveillance des baignades en bateau et à l’aide de drones, affirme que 29 individus ont été marqués et 49 balises hydrophones positionnées sur Nouméa et Dumbéa.

♦ FÉVRIER 2022

L’étude « Attaques de requins en Nouvelle-Calédonie de 1958 à 2020 : revue de cas » est publiée. 67 attaques ont été répertoriées, dont 13 fatales, ce qui place le territoire « parmi les régions du monde le plus à risque », souligne l’étude.

Le nombre d’attaques a augmenté au fil des années, surtout depuis 2000. Les victimes sont principalement des chasseurs sous-marins et des apnéistes qui pêchent (58,5 %), des baigneurs et nageurs (18,5 %) et des pratiquants de sports de glisse (14 %).

Les attaques sont imputables majoritairement au requin tigre (20 dont 8 mortelles) et bouledogue (14 et 2 mortelles).

La stimulation alimentaire apparaît comme le principal facteur les favorisant.

 

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Et maintenant ?

Certaines mesures du plan d’action risque requin sont effectives, d’autres n’ont pas abouti, à l’image de la gestion des eaux grises et noires des plaisanciers. Le programme d’observation lancé il y a quatre ans n’a pas conduit à un bilan officiel et le nombre d’abattages n’est pas connu. Des difficultés techniques freinent la réalisation du projet de filet anti-requins à la baie des Citrons par la ville de Nouméa, ainsi que celle du dispositif de sirènes qui devait être installé à l’Anse-Vata, à l’îlot Maître et au centre nautique de la Côte-Blanche.

Pour Claude Maillaud, médecin spécialiste de la faune marine dangereuse, « on manque cruellement de données scientifiques sur les requins en Nouvelle-Calédonie », notamment sur leur population. Le plus important est de « recueillir de la donnée en faisant du marquage, du comptage afin de mieux évaluer la fréquentation des eaux par les requins et la probabilité d’une rencontre, mieux connaître leurs déplacements et les zones où ils se trouvent ».

Il estime que la surveillance des baignades « montre ses limites » et que s’il « n’a rien contre un prélèvement ciblé de requins responsables des attaques », « l’abattage n’est pas une solution durable ».

Le médecin évoque une meilleure prévention, la création d’espaces de baignade sécurisés par une barrière, certes « coûteux et qui nécessitent de l’entretien », une surveillance par drone automatisée pour recueillir des informations, notamment à Nouméa, et que le public « s’approprie la problématique et le risque » : « il est par exemple possible de s’équiper de dispositif de répulsif pour les engins flottants ».

Anne-Claire Pophillat