Comité des signataires : enjeux et perspectives

Les 4, 5 et 6 février prochain à Paris se tiendra un Comité des signataires que chacun souhaite déterminant. Pour des raisons parfois diverses mais pas dénuées de sens, quel que soit le camp politique, cette grand-messe parisienne réunira tous ceux qui, dans les deux ans à venir, auront un rôle à jouer dans l’élaboration de ce qui sera le destin de la Nouvelle- Calédonie.

Le 5 juin 2015 sous la présidence de Manuel Valls, se tenait à Matignon un Comité des signataires exceptionnel pour aborder le très délicat dossier des corps électoraux, et plus particulièrement la composition et les modalités d’inscription au corps électoral admis à participer au référendum pour la sortie de l’Accord de Nouméa, un thème parfois qualifié de « mère de toutes les batailles» dans les rangs indépendantistes.

À la suite de cette très longue réunion, responsables politiques calédoniens, hauts fonctionnaires parisiens et commentateurs aguerris de la vie publique locale avaient, quasiment sans exception, évoqué un « souffle nouveau » dans les salons de l’hôtel Matignon. Dans un communiqué commun, le Premier ministre et la ministre des Outre-mer avaient salué l’esprit de dialogue et de compromis qui a permis aux partenaires d’aborder de manière franche et loyale des sujets difficiles et délicats.

Pourtant, depuis lors, rares sont les moments où cet esprit a prévalu. Il suffit de se référer au conflit des rouleurs l’an dernier. Il faut dire que « l’idylle » du 5 juin 2015 n’avait rien du miracle. Postures et petites politesses avaient été réglées à l’avance par d’habiles négociateurs, proches du Premier ministre mais aussi du président de la République qui, l’un comme l’autre, ont tout intérêt à ce que la situation calédonienne reste apaisée, au moins en apparence. Et le même ballet a d’ores et déjà repris avec le départ des premières personnalités calédoniennes pour tenter de faire perdurer Accord sur un désaccordât d’esprit dans une semaine à Matignon.

Accord sur un désaccord

L’ordre du jour annoncé n’est là que pour confirmer cette mise en scène.
Le 4 février, sous la présidence du Premier ministre, les délégations calédoniennes doivent aborder de nouveau en priorité le dossier des corps électoraux.

Un accord pourrait déterminer définitivement les modalités de constitution de la liste électorale de sortie de l’Accord de Nouméa. Mais mandaté par Paris, Ferdinand Mélin- Soucramanien présentera, à cette occasion, un travail d’évaluation du litige sur le corps électoral des élections provinciales et le FLNKS réclame le réexamen de l’inscription de 3 388 personnes sur les listes spéciales.

Comment imaginer ensuite que ne soit pas abordée à l’occasion de ce Comité des signataires la question du référendum lui-même. Depuis des mois, Paris mandate des experts, au sein d’une mission qui fit en son temps couler beaucoup d’encre en raison de sa composition pour le moins partisane.

Depuis lors, les questions relatives aux éventuelles évolutions, voire au transfert des compétences régaliennes, ont été abordées avec tous les groupes politiques locaux sans qu’évidemment rien ne soit décidé à ce stade. À Paris dans huit jours, il est peu vraisemblable que tous ceux qui veulent coûte que coûte aller au référendum changent soudainement d’avis. Comme il n’est pas envisageable que les partisans d’un nouvel accord, solution la plus sage, ne renoncent à leur projet de poursuivre l’émancipation de la Nouvelle-Calédonie dans la France, initiée par la signature des accords de paix de 1988.

Jeu de dupes

Que dire encore de la question du nickel qui constituera, si l’on en croit les organisateurs, le deuxième temps fort de ce comité. Rarement les antagonismes ont été aussi forts entre les différents partis, sans doute autant en raison de la situation politique locale et de l’approche d’échéances majeures qu’à cause d’un marché mondial au bord de l’asphyxie et de montages financiers complexes dont l’efficience économique reste à démontrer.

On notera que si les loyalistes semblent aujourd’hui demander d’une même voix un plan de sauvetage national en faveur de la SLN, on peut s’interroger sur leur incapacité à y parvenir au plan local alors qu’ils sont majoritaires au Congrès et au gouvernement. Abstraction faite, évidemment, d’un jeu de politique politicienne qui conduit sur cette question le président du gouvernement et son parti à aller, ici, à l’encontre des intérêts de l’opérateur historique.

À deux ans de la sortie de l’Accord de Nouméa, il serait temps que chacun se positionne clairement, sans se cacher derrière des interprétations fallacieuses du Code minier, sur ce que doit être la place de la ressource nickel en Nouvelle-Calédonie. Tous ceux qui souhaitent ainsi la souveraineté économique du pays doivent dire quelles en seront les conséquences politiques à court et moyen terme.

À bien des égards, le Comité des signataires des 4, 5 et 6 février s’annonce donc crucial en cela qu’il doit apporter des réponses concrètes en cette dernière année non électorale avant les échéances nationales de 2017 et locales de 2018.

C.V.