Chemin miné pour Gérald Darmanin

The Minister of the Interior and Overseas Territories, Gerald Darmanin, and the Minister Delegate for Overseas Territories, Jean-Francois Carenco, perform a customary greeting at the Customary Senate, New Caledonia s main customary body. New Caledonia, Noumea, November 28, 2022. Photography by Delphine Mayeur / Hans Lucas. Le ministre de líInterieur et des Outre-Mer Gerald Darmanin, et le ministre delegue charge des Outre-Mer Jean-Francois Carenco effectuent une coutume de bonjour au senat coutumier, principale instance coutumiere de Nouvelle-Caledonie. Nouvelle-Caledonie, Noumea, 28 novembre 2022. Photographie par Delphine Mayeur / Hans Lucas. (Photo by Delphine Mayeur / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP)

Le ministre de l’Intérieur, en visite cette semaine, renoue le dialogue avec les forces politiques calédoniennes, venues en nombre incomplet à Paris. Il doit trouver une ouverture vers une solution qui rassemble le plus grand nombre sur l’avenir institutionnel. Une sorte de Mission impossible…

C’est un exercice un peu atypique dans le quotidien de Gérald Darmanin. Le ministre de l’Intérieur est plus habitué à régler les questions sécuritaires nationales qu’à dorloter diplomatiquement le « grand atout » de la France dans l’Indo-Pacifique, cet axe principal de la stratégie d’Emmanuel Macron sur le plan international.

La Nouvelle-Calédonie, a-t-il dit à son arrivée, est « le grand projet que la Nation doit avoir », admettant qu’il y a, du point de vue de l’État, un peu moins de partialité à avoir depuis les référendums.

Pour elle, la mission est exceptionnellement longue, ne cesse-t-on de répéter dans son entourage. « Une semaine sur place, dix jours avec le voyage. » Si Gérald Darmanin n’en est pas à sa première visite (on l’avait vu en 2019 en
tant que ministre de l’Action et des comptes publics), il est le premier ministre régalien à fouler le sol calédonien depuis le dernier scrutin d’autodétermination qui a largement distendu les relations entre l’État et les indépendantistes.

MÉNAGER LA CHÈVRE ET LE CHOU

Accompagné durant trois jours de Jean-François Carenco, délégué aux Outre-mer, solide connaisseur du territoire et de ses dirigeants, prompt à « traduire » les propos du ministre à la sauce locale, l’objectif est d’instaurer enfin les conditions du dialogue pour « regarder la situation ainsi créée » et construire l’avenir. Avec toujours en tête, le « maintien de la paix civile ».

 

Gérald Darmanin promet de travailler en visant le consensus, « la conviction plutôt que la coercition » et surtout de n’« humilier personne ».

 

Au cœur de ce déplacement, prévu dans les trois provinces, les rencontres avec l’ensemble des groupes politiques. Elles se sont tenues mardi : tout le monde a répondu présent et elles ont été jugées « constructives ».

L’État a choisi de respecter les calendriers internes aux mouvements. Les bilatérales avec les indépendantistes n’interviendront qu’après le Congrès du FLNKS, en début d’année prochaine.

Seul le Palika intégrera maintenant les groupes de travail. Sur le fond, a dit le ministre, l’État s’est fixé comme ligne de conduite d’« à la fois respecter les trois référendums, le choix qui a été fait de rester dans la République française », et de « tendre la main à ceux qui n’ont pas forcément fait ce choix », « rappeler que l’autodétermination est toujours dans les règles de la République » et « aider les indépendantistes en leur proposant un chemin de plus grande autonomie ».

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Il faut, sur la base du bilan de l’Accord de Nouméa et de l’audit sur la décolonisation, réfléchir à de nouvelles institutions, aux compétences à partager même, si a répété Gérald Darmanin, « on a du mal à voir lesquelles puisqu’on a déjà été très loin ». Voilà pour le cadre de ce « new deal », sachant qu’il y a cette conscience que « ce n’est pas en un voyage d’une semaine qu’on y arrivera ».

De fait, le noeud du problème demeure : les indépendantistes ne veulent que dialoguer sur la base de l’indépendance, assortie ‒ pour une partie seulement ‒ d’un éventuel partenariat avec la France, et les non-indépendantistes veulent que l’État confirme un statut définitif dans la France.

GROUPES DE TRAVAIL

Le ministre doit aussi en fin de semaine, comme convenu lors de la Convention des partenaires, installer les groupes de travail. On sait que les thématiques sont nombreuses et ne couvrent pas que l’avenir institutionnel.

Les attentes sur les questions économiques et sociales sont très fortes sur le territoire en peine sur le plan budgétaire, financier, minier, sanitaire, mais aussi en matière d’éducation. La thématique du nickel est de première importance entre la hausse des prix de l’énergie, les difficultés des trois usines et les possibles répercussions dramatiques sur l’emploi local et le système social.

Gérald Darmanin s’est rendu à Poya pour visiter la gendarmerie de la commune. / © B.B.

Mais ce groupe de travail, « extrêmement capitalistique », sera installé à Paris en rapport avec Bercy. Pour l’instant, il est question d’installer ici celui sur le foncier, une manière de réunir le plus largement possible et d’inclure la société civile.

Le groupe institutionnel pourrait également voir le jour, même de manière incomplète. La question du corps électoral, dont les indépendantistes ont fait un symbole, sera posée sur la table.

En revanche, il ne s’agira pas de commencer « par la plus grosse des difficultés », comme le souligne l’entourage du ministre.

Chloé Maingourd

Photo : Le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer et le ministre délégué chargé des Outre-mer ont effectué la traditionnelle coutume au Sénat coutumier avant une réunion où il a notamment été question du foncier. Les sénateurs ont reçu l’assurance de figurer à la table des discussions. / © Delphine Mayeur, Hans Lucas via AFP