Chacun pour sa pomme à Paris

L’État espère obtenir un « petit accord » d’ici la fin de l’été sur le corps électoral élargi et le droit à l’autodétermination. Le gouvernement souhaite que le format trilatéral soit rallié au plus vite, en mai à Nouméa, espère-t-il. / © Xose Bouzas, Hans Lucas via AFP

Mardi 11 avril, un nouveau tour de discussion sur l’avenir institutionnel entre les représentants calédoniens et l’État s’est ouvert à Matignon. En rangs  séparés pour les indépendantistes et les non-indépendantistes qui ne parlent toujours pas le même langage. L’État vise néanmoins un accord politique dans les prochains mois.

Le format bilatéral n’est « pas idéal pour construire un avenir en commun » concède Matignon avant d’entamer les discussions mardi matin avec la délégation du FLNKS, puis quelques heures plus tard avec les non-indépendantistes. Mais il dit avoir accepté cette condition des indépendantistes « en signe d’ouverture ».

L’heure est surtout à la « satisfaction » de les voir se déplacer à Paris après une longue période de silence post-référendaire et des chaises vides en octobre à la convention des partenaires. C’est même, ose Matignon, le signe du « succès du gouvernement ».

L’ordre du jour se concentre sur deux sujets éminemment institutionnels : le corps électoral et l’exercice du droit à l’autodétermination. Gérald Darmanin a finalement souhaité commencer par le plus dur, et les indépendantistes avaient souhaité que ces sujets soient couplés selon son ministère.

L’objectif, avance Matignon, est que les positions puissent au moins « s’affiner, se préciser » cette semaine. Mais on sait d’avance qu’un accord est difficilement concevable. Les indépendantistes ont pris le soin de prévenir : « aucune décision ne pourra être actée à Paris ».

« VOUS AVEZ PRIS EN CHARGE, MADAME, UN DOSSIER LOURD »

Chacun a pu exposer ses positions devant Élisabeth Borne avant de les développer avec Gérald Darmanin. Dans un cadre très large pour le FLNKS. Roch Wamytan a dit avoir « posé le cadre ». « C’était la première fois qu’on la rencontrait, il était donc important pour nous de présenter le contexte historique, politique, culturel, de façon qu’elle comprenne bien à qui elle a affaire. »

Le président du congrès, signataire de l’accord de Nouméa, devant la presse se rappelle avoir dit : « Vous avez pris, Madame, un dossier politique lourd (…) C’est un dossier qui traite d’une question vieille de 170 ans, il y va de l’histoire d’un peuple que la France a colonisé. Ce peuple a survécu et souhaite une chose pour laquelle il s’est toujours battu : c’est qu’à un moment donné, on lui restitue sa souveraineté perdue. »

Interrogé sur les deux principaux sujets cités, Roch Wamytan explique que si ces deux questions sont « bien sûr importantes », elles forment des fondamentaux de leur « trajectoire » qui doit les emmener vers la pleine souveraineté et qu’il leur sera donc possible d’en discuter « à partir du moment où vous allez nous dire – ou on va trouver ensemble — quelle est la sortie ».

L’idée est de ne « pas se restreindre sur ces sujets sur lesquels les positions sont trop éloignées ». Roch Wamytan précise que la délégation n’a de toute façon pas le mandat du FLNKS pour aborder ces deux questions. « On est venus pour parler de l’accession à la pleine souveraineté, ni plus ni moins. » L’idée d’un autre référendum fait notamment partie des sujets évoqués.

« CONSIDÈRENT-ILS QU’ON N’A PAS NOTRE PLACE SUR CETTE TERRE ? »

Lors de l’entrevue suivante réservée aux non-indépendantistes, la secrétaire d’État Sonia Backes a dit le fond de sa pensée. Elle a regretté que les discussions, cette fois encore, se fassent séparément, « alors que l’accord de Nouméa prévoyait explicitement que les partenaires se retrouvent ». Elle a poursuivi : « Les indépendantistes considèrent-ils qu’on n’a pas notre place sur cette terre ? Que nous n’avons pas de légitimité à décider de notre avenir ? Qu’il suffirait qu’ils se mettent d’accord avec l’État pour que l’avenir de la Nouvelle-Calédonie soit scellé ? »

© Xose Bouzas, Hans Lucas via AFP

Les indépendantistes qui, dit-elle, s’étaient engagés auprès du président de la République « les yeux dans les yeux, à ne pas boycotter le troisième référendum, n’ont pas tenu parole et oseraient aujourd’hui remettre en cause le résultat et demander qu’on réinterroge les Calédoniens ? »

La représentante des Loyalistes estime qu’on est « arrivés au bout de la question du corps électoral » et qu’il est temps de se parler, agitant la perspective des élections provinciales de 2024. Elle demande enfin dans l’accord des perspectives claires sur le nickel. Le député Nicolas Metzdorf pense qu’il faut « adosser à l’accord politique un accord de relance économique ».

Les représentants du Rassemblement LR/ Avenir en confiance, Alcide Ponga et Virginie Ruffenach, ont défendu « un statut pérenne qui permette (…) de vivre en paix » sachant la difficulté à « rapprocher deux entités humaines qu’au départ tout oppose », leur vision de provinces prééminentes, d’un corps inclusif, un préalable accord sur le nickel.

Philippe Gomes (Calédonie ensemble) plaide pour un corps électoral plus ouvert et un droit à l’autodétermination « profondément revisité », sans « référendums secs pour ou contre l’indépendance » mais un référendum « à l’initiative d’une majorité qualifiée (…) de deux tiers des membres du Congrès » et non plus un. « Ce ne serait plus camp contre camp, mais un référendum pour un projet qu’on construit ensemble. »

Chloé Maingourd