Ceux qui s’investissent dans la crise sanitaire

Antoine Jehanne, infirmier libéral à Nouméa

« On est partis pour un marathon »

Antoine Jehanne s’est porté volontaire dès le début de la crise. Il coordonne la partie infirmiers libéraux. Selon les demandes qui lui sont adressées en fonction des besoins sur le terrain, charge à lui de trouver des professionnels disponibles. Et visiblement, ce n’est pas un problème. « J’arrive à en trouver quand ils ne travaillent pas pour aider sur des centres de vaccination ou de dépistage et je réponds à des demandes spécifiques un peu urgentes, comme là, pour l’ouverture du centre de Païta, j’ai trouvé deux infirmiers pour toute la semaine. Il y a encore des volontaires, ça me fait halluciner. » Même des gens du Médipôle. « Ils sont prêts à venir faire du bénévolat en plus sur leurs jours de repos, mais je leur dis qu’il faut qu’ils se préservent parce que ça va être un marathon. » Selon Antoine Jehanne, tout le monde est mobilisé face à cette situation qui était prévisible, mais qui est arrivée plus vite que prévu. « On savait un peu ce qu’il risquait de se passer, notamment s’il n’y avait pas un certain taux de vaccination, mais on pensait avoir encore du temps et voilà, le variant Delta est rentré. » Les yeux sont également tournés vers Tahiti, qui sert d’expérience pour la Nouvelle-Calédonie. « On savait que ça allait exploser malgré tout ce qui a été préparé et que le système allait très vite être saturé, donc on est présent, cela fait partie de notre profession. » Sur le terrain, Antoine Jehanne fait beaucoup de pédagogie en répétant les informations essentielles à savoir, notamment de ne pas se faire dépister trop tôt. « Sinon, on peut passer à côté du virus, il faut attendre au moins cinq jours pour qu’il y ait une charge virale. »

Jongler avec son activité habituelle

Pour le soignant, qui officie dans l’agglomération du Grand Nouméa, l’objectif est simple : il faut à tout prix préserver l’hôpital pour lui permettre de s’occuper des cas graves et soigner les gens très malades. « C’est tout l’intérêt du dispositif mis en place pour orienter les gens positifs au Covid au mieux en fonction de leur état, à domicile, à l’hôtel ou à l’hôpital. » Antoine Jehanne n’en oublie pas pour autant ses patients. Dans son emploi du temps, il doit jongler avec son activité habituelle auprès des cardiologues. « J’y retourne pour faire des examens parce qu’il faut qu’on continue à soigner nos patients qui ont d’autres pathologies pour éviter qu’elles ne s’aggravent. » Conséquence, il enchaîne les journées de travail. Parfois rémunéré, parfois bénévolement comme ce samedi, à l’Arène du Sud. Dix heures sur le terrain sans compter deux à trois heures pour établir le planning des infirmiers sur les différents sites. Malgré tout, il a encore la forme. Et il va lui en falloir. « On est partis pour un marathon », conclut-il.

 


Marc Thibeaux, infirmier scolaire à Maré

« On est pris dans un élan de solidarité »

Dès le début de la crise sanitaire, Marc Thibeaux s’est engagé au sein de la réserve sanitaire, même si pour cela, il a dû dépasser ses propres peurs, d’autant qu’il vit avec sa mère, qui est âgée. « On était inquiets des risques de contact, et puis j’ai été rassuré par l’équipe de médecins et d’infirmières qui est arrivée de Métropole juste avant le confinement et qui a partagé son expérience du virus avec nous. » L’infirmier scolaire a été mis à disposition du dispensaire de Tadine avant d’intervenir sur les vaccinodromes de La Roche et de Tadine et de commencer à tourner dans les tribus avec le Vacci’tribs, des campagnes de vaccination au plus près de la population qui semblent porter leurs fruits. « On a vacciné environ 1 000 personnes sur une semaine, c’est une réussite même s’il faut poursuivre l’effort. » Il s’agit notamment de personnes âgées qui ne disposent pas de moyen de transport et d’autres qui, avec le confinement, ne comprennent pas bien pourquoi on leur dit de se déplacer pour se faire vacciner et en même temps de rester chez eux, explique Marc Thibeaux.

Dix jours sans s’arrêter

« C’est bien que nous allions jusqu’à eux. Beaucoup ne se seraient pas vaccinés si on ne s’était pas déplacés et c’est l’occasion de rassurer ceux qui ont des craintes. » Son rôle ? Préparer le vaccin. Décongeler un lot, rediluer et tout installer pour l’injection. « On était toute une équipe, avec aussi deux dentistes qui avaient fermé leur cabinet pour venir aider, il y a eu une grosse mobilisation. » Le soignant a enchaîné dix jours sans s’arrêter. « Le soir, je suis épuisé ! » Mais ce n’est pas ça le plus important. « On est pris dans un élan de solidarité, on est touchés par ce que l’on fait et on prend soin des uns et des autres. » Après une petite accalmie, la vaccination reprend ce jeudi au dispensaire puis pendant les vacances.

 


Katiana Katoa, assistante de direction au sein du cabinet du maire de Nouméa

« C’est fatigant, mais on supporte parce que c’est pour le bien de tous »

Katiana Katoa est sur le pont avec sa cheffe de service depuis la première semaine de confinement pour mettre en place le vaccinodrome à la mairie de Nouméa. Ce sont elles qui ont coordonné l’action des partenaires : le gouvernement en charge de l’informatique, l’Agence sanitaire et sociale du médical et la mairie du personnel. « On a d’abord mobilisé les élus, puis on a élargi à l’ensemble des agents de la mairie », indique Katiana Katoa. Une vingtaine sont sur place chaque jour sur tous les postes : accueil, gestion de la salle de repos, accompagnement, etc. « Tout se passe très bien, et c’est aussi l’occasion de discuter avec les familles. »

Au cœur du dispositif ? Katiana Katoa. Taille du polo au logo de la mairie, problèmes informatiques, organisation, c’est à elle qu’on s’adresse. « Je m’occupe un peu de tout. Du planning des agents et des élus chaque semaine, du réassort de produits, gel, masques, désinfectants, etc., de la nourriture avec les sandwichs du midi, etc. » Une évidence pour Katiana Katoa, qui utilise son expérience professionnelle pour que tout se déroule bien. « Vu la situation, je n’ai pas hésité, il faut aider pour réduire le nombre de malades. On a besoin de moi, j’y vais. Je suis contente de faire cela et de contribuer au vaccinodrome. C’est fatigant, mais on supporte parce que c’est pour le bien de tous. » Le centre ferme vendredi. L’occasion de s’octroyer quelques jours de repos ? « Il faudra que je négocie avec ma cheffe et ça, c’est plus compliqué », glisse-t-elle en souriant.

 


Francis Lauga, pharmacien à Koné

« Quand on voit ça, on a envie de participer »

En dehors de son activité à l’officine, Francis Lauga s’est porté volontaire pour participer au vaccinodrome de Koné. Il était en charge d’interroger les personnes qui venaient se faire vacciner. « Je les rassurais, je les informais des potentiels effets indésirables et j’essayais de les détendre, il y en avait pas mal qui étaient un peu stressés. » Un rapport différent avec la population que Francis Lauga a particulièrement apprécié. « J’ai trouvé cette expérience très sympa parce qu’on était avec les gens, en contact avec eux. » Le pharmacien y retourne dès qu’il y a besoin. « C’est normal d’aider cette commune qui m’accueille depuis 25 ans. Quand on voit ça, on a envie de participer. On se rend utile et j’ai envie que cette crise sanitaire dure le moins longtemps possible. Moi, en temps normal un samedi, je suis à la pêche ! »

Le quotidien a également changé à la pharmacie avec l’arrivée des tests et des vaccins. « C’est un peu compliqué, surtout pour ceux qui sont seuls parce que le test prend entre 10 et 15 minutes. Comment on fait avec les gens qui attendent dehors ? », interroge Francis Lauga, qui est aidé par un assistant. Il a également décidé d’être plus souple sur les horaires. « On reste ouvert entre midi et deux, on gratte des minutes partout où on peut. »

 


Aurélie Pralong-Cholin, enseignante spécialisée

« C’est notre mission »

C’est la troisième fois qu’Aurélie Pralong- Cholin se porte volontaire pour accompagner les enfants des professionnels prioritaires au collège Mariotti, qui a lui aussi été à nouveau réquisitionné, naturellement. « C’est notre mission d’assurer la continuité pédagogique. Pour moi, c’est normal d’être là. » L’occasion aussi pour l’enseignante de rencontrer des élèves d’autres établissements, de Magenta, Cluny, Baudoux et Portes-de-Fer. « C’est différent et c’est sympathique d’échanger avec d’autres jeunes. » Son rôle est d’accompagner les élèves comme s’ils étaient en heures d’études. « On maintient aussi un lien social, sinon ils seraient seuls à la maison avec des parents qui sont pompiers, policiers, soignants et qui ont des journées incroyables. » Aurélie Pralong-Cholin espère également que ce système permet de soulager les parents. « Ils sont sur le front toute la journée, comme ça ils n’ont pas à s’occuper tout de suite du travail des enfants quand ils rentrent le soir. »

En parallèle, l’enseignante s’occupe des 18 élèves de sa classe Ulis (Unité localisée d’inclusion scolaire) à distance en leur proposant des exercices. « Je leur téléphone au moins une fois par semaine et on va faire une réunion sur Zoom avec ceux qui le peuvent pour se faire un coucou. » Car la période n’est pas facile pour eux. « Le confinement est compliqué pour ces enfants avec l’isolement et une certaine incompréhension de la situation, donc c’est important de garder le lien. »

 


Rachel Boukebouche, infirmière scolaire

« Il faut agir de façon collective »

Dès la fermeture des établissements scolaires, Rachel Boukebouche, avec les autres infirmiers scolaires, a été redéployée sur un autre site, en l’occurrence le vaccinodrome de la mairie de Nouméa, où elle procède à l’injection du vaccin. « J’ai tout de suite été d’accord. Pour moi, c’est naturel, et je pense que cette solidarité, tout le monde l’a en Nouvelle-Calédonie et je le vois de jour en jour, les gens se disent facilement ‘je vais aider pour la bonne cause’. » Ce rôle joué dans la prévention, Rachel Boukebouche y tient particulièrement. L’infirmière scolaire ne comprend plus les hésitations vis-à-vis du vaccin qu’il y a pu avoir au début et qu’elle- même a eues. « J’ai été un peu réticente, je préférais attendre. Et très vite, en mars, quand j’ai vu que ça prenait de l’ampleur, je me suis fait vacciner. On est en phase épidémique et pour freiner le Covid qui entraîne des morts, il faut agir de façon collective, on ne pense pas à soi mais à tout le monde. » Rachel Boukebouche plaide pour une prise de conscience au vu notamment du nombre de malades en Nouvelle-Calédonie, cardiaques, insuffisants rénaux, obèses, etc. « La vaccination, c’est la clé, c’est la seule solution qu’on ait puisque le service de réanimation est saturé. »

Un jour sur deux en permanence à Jules-Garnier
Les journées sont intenses, mais passent très vite avec l’activité et le flux de personnes à gérer. « On n’a pas le temps de réfléchir et il y a une très bonne ambiance. La population aussi est vraiment bienveillante avec nous. » Un climat qui favorise un accompagnement adapté à chacun. « Même ceux qui ont des appréhensions, on arrive à les déstresser. La peur de la piqûre est aussi un frein, alors on en parle. » Parallèlement, la soignante continue d’assurer une permanence au lycée Jules-Garnier un jour sur deux. Elle réalise notamment un suivi phoning avec les élèves qui sont en grande difficulté ou en détresse psychologique pour lesquels cette période n’arrange pas les choses. « On a des élèves qui sont identifiés et qu’on gère parce qu’ils rencontrent des difficultés. Nous les suivons et les appelons et parfois, on découvre des situations difficiles pendant ce confinement. »


Gaël Trigalleau, employé dans un centre de télésurveillance

« Tant qu’à faire, autant contribuer et aider »

Si le métier de Gaël Trigalleau n’a rien à voir avec le secteur médical, cela ne l’a pas empêché de devenir bénévole au centre de dépistage de Païta samedi dernier. « J’ai été contacté par une amie qui me l’a proposé et j’ai trouvé que c’était une bonne idée, donc je me suis dit, pourquoi pas ? Tant qu’à faire, autant contribuer et aider. » Sous la halle à l’arrière de l’Arène du Sud, Gaël Trigalleau, dans sa blouse bleue, accueille, guide, rassure les gens, leur explique où ils doivent aller, de quels papiers ils ont besoin, etc.

L’ambiance est calme et tout se passe bien. « Les gens sont détendus, il n’y a pas trop de queue, ça circule bien, c’est sympa. » Une première expérience positive qui devrait en amener d’autres. « Je pense que je vais le refaire, d’autant que j’ai cru comprendre qu’il y avait des besoins un peu partout. »

 


Aline Gope, bénévole à la Croix-Rouge

« Je suis toujours partante pour ce genre de mission »

Alice Gope, bénévole à la Croix-Rouge depuis trois ans, connaît bien la maison. Elle est passé par plusieurs postes et bénéficie d’une solide expérience. « J’ai commencé par le tri puis j’ai été responsable de boutique et conduit le camion qui va dans les tribus et aide les associations. » Samedi matin, c’est sa première participation à un vaccinodrome. En effet, la Croix-Rouge en a installé un au sein de l’école Amélie-Cosnier, à Nouville. Y contribuer était une évidence. « Ils ont besoin de monde et je suis toujours partante pour ce genre de mission. »

Être potentiellement en contact avec le virus ? « Cela ne me fait pas peur. Pour moi, c’est normal de donner de son temps et de soutenir ce genre d’action. » En cette journée ensoleillée, Alice Gope, dans sa blouse blanche, accueille les gens et leur fait remplir un formulaire si c’est la première fois qu’ils se font vacciner. « Cela se passe très bien, il y a une bonne ambiance. Je ne pourrais pas être ailleurs. »

 

Anne-Claire Pophillat